Chapitre 3

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Moukaï marchait lentement dans les ruelles, elle restait sur ses gardes depuis la rencontre avec le garçon. Elle craignait qu'il la suive jusqu'à la cachette qu'avaient prévu les kitsunes en cas d'attaque. Cela faisait quelques années que son peuple se savait menacer par Mikanos, alors ils s'étaient préparés en créant un endroit où les survivants pourraient se réfugier.

La jeune fille gardait une main serrée sur le pommeau de sa dague. Son regard inquiet fouillait chaque recoin et zone d'ombre. Elle sentait la paranoïa s'installer en elle mais qui ne le serait pas ?

Brusquement, on l'attrapa par-derrière en la tirant dans un cul de sac. Elle ferma les yeux, c'était peut-être les derniers instants qu'elle vivait. Cependant elle ne voulait pas se résoudre à mourir ainsi, elle mordit la main qui c'était posé sur sa bouche. Lorsqu'elle entendit le petit cri sortir de la bouche de la personne, elle comprit qui il était.

Il la lâcha, elle tomba sur les pavés, le regard écarquillé.

-Papa ?

Ils s'observaient en silence. Où était-il passé ? Pourquoi sa mère se trouvait être détenu par les skinwalkers ? Des tas de questions défilaient dans sa tête, sans pouvoir trouver la moindre réponse logique.

-Où est ton frère ? Demanda-t-il d'une voix blanche.

Un hoquet traversa la fine bouche de Moukaï. Des larmes se logèrent sur les coins de ses yeux en amandes. Son père s'accroupissait face à elle, en lui essuyant délicatement les gouttes d'eau, qui coulaient sur ses joues.

-Il est mort, papa... sanglota-t-elle en se jetant dans ses bras.

Son géniteur se tut un instant. Elle le voyait regarder vers le ciel en silence, elle se doutait qu'il devait prier pour son âme.

-Säyla...

-Je sais, annonça son père d'une voix chevrotante.

Un autre sanglot échappa à la jeune fille. Elle avait perdu en peu de temps, une partie de sa famille.

-Et pour mère, que comptes-tu faire ? Demanda-t-elle.

-Il doit déjà être trop tard... souffla-t-il.

-Comment ça ?

-Kaï, murmura-t-il en déposant sa main sur les cheveux mauves de la fillette. Ils tuent la plupart d'e-ntre nous, seuls ceux qui se sont alliés à eux peuvent rester en vie.

-Pourquoi ils font ça ? Cria-t-elle.

-Pour le pouvoir et pour s'assurer de rester en vie.

Son cœur contracta dans sa poitrine. Elle avait la sensation que leur peuple venait d'être trahie par les leurs. Elle ne comprenait pas encore les enjeux politiques et pourquoi les skinwalkers voulaient conquérir Pénisia. Néanmoins, elle souhaitait leurs faire payer.

-On ne peut pas laisser maman ! Protesta la fillette.

Tout son corps tremblait, elle se sentait épuisée émotionnellement. Elle revoyait encore les corps de Säyla et Kaïro à côté sur la place où elle les avait laissé. Ses mains se serraient tandis que son regard s'assombrissait, elle ne voulait pas perdre quelqu'un d'autre, pas aujourd'hui en tout cas.

-Ma chérie, il le faut. Parfois, tu auras à faire des choix difficiles où tu devras sacrifier des personnes que tu aimes pour le bien des autres, la raisonna-t-il. Ce n'est pas ton cœur qui doit guider tes pas mais ta raison.

-Papa, s'il te plaît... Je ne veux pas perdre maman.

-Moi aussi mais je n'ai pas le choix, pour ton bien et pour pouvoir veiller sur toi.

-Non ! Cria-t-elle, en le repoussant.

Elle recula de plusieurs pas avant de s'enfuir en courant. Son père l'appela mais elle continua sa route, en refusant une seule seconde d'abandonner sa mère. Sa main se serrait sur sa dague, sa respiration était saccadée alors qu'elle foulait les pavés des rues de Pénisia. Il fallait qu'elle revienne sur ses pas, peut-être qu'elle croiserait à nouveau le skinwalkers sauf qu'à ce moment-là, elle le tuerait de ses mains.

Moukaï avança d'un pas déterminée, elle apercevait le camp de leurs ennemis. Ses yeux étaient animés par la flamme qui brûlait en elle. Malgré son jeune âge, la kitsune voulait se battre, défendre son peuple contre les skinwalkers. Elle souhaitait voir le sang couler, entendre ses ennemis la supplier de les épargner, elle n'avait qu'une envie, celui d'échanger les rôles, que Pénisia prenne le pouvoir sur Mikanos.

Au bout de d'une heure, elle atteignit les portes du camp. Elle respirait calmement tandis qu'elle réfléchissait par où elle pourrait rentrer. Elle écoutait chaque voix, pas et bruit pour savoir se repérer comme lui avait appris Kaïro. Moukaï se souvenait de chaque entraînement, des erreurs, des chutes où il lui tendait la main pour l'aider à se relever, un sourire étira ses lèvres. Elle secoua la tête, il ne fallait qu'elle reste concentré sur son objectif : sauver sa mère.

La kitsune se faufilait derrière les tentes grises, elle avançait doucement sans faire le moindre bruit. L'inquiétude se lisait dans ses yeux, elle tâtonnait les tissus pour compter le nombres de pas des gardes, savoir quand elle pourrait passer. L'une de ses mains restait fermé sur la poignet de sa dague, elle préférait être méfiante.

Elle sentait le sable sous ses chaussures à chaque pas qu'elle faisait. Ses semelles étaient usées à cause du travail qu'elle exerçait, les enfants kitsunes avaient l'obligation de s'occuper des champs, de prier chaque jour devant une fresque du Ligatios. Moukaï se rappelait des propos de Kaïro la-dessus : « C'est complètement absurde. On devrait profiter de notre enfance pour s'amuser et rêver, pas pour être des esclaves». Ce jour-là, elle partageait les mêmes idées que lui, ils avaient toujours su ce comprendre l'un l'autre. Ils étaient comme des siamois, toujours fourré ensemble.

Ses ampoules lui faisaient mal mais elle devait retrouver sa mère. Brusquement, elle entendit des cris et le bruit d'un fouet qui claquait. Elle serra les dents, en se faufilant derrière les tentes pour voir ce qu'il se passait. Lorsqu'elle put apercevoir la scène, ses yeux s'embuèrent et sa mâchoire s'ouvra, elle hoqueta. À quelques mètres d'elle, une femme était attachée par les mains à un pilier en bois, ses pieds frôlaient à peine le sable. Son buste était exposé à la vue de tous, le sang coulait le long de son ventre jusqu'à son bassin.

Moukaï remarqua un détail, qui lui fit mordre sa lèvre pour ne pas hurler, cette kitsune portait une pendentif, celui qu'elle lui avait confectionné avec son frère et sa sœur. Son cœur s'emballa soudainement, ses mains tremblaient tandis que sa respiration devenait saccadée. Elle voulut crier, se précipiter au pied de sa mère, de combattre ses ennemis pourtant elle se résigna. Elle observa la scène le poing serrait sur sa dague, ses yeux laissaient percevoir ses émotions, la tristesse et l'effroi. Elle abaissa la tête, elle ne voulait pas voir le spectacle qui se produisait à quelques mètres d'elle. Elle ferma les yeux, sa lèvre inférieur ne cessait de trembler jusqu'au moment, où elle voulut se précipiter vers sa mère, elle fut retenue avant de sortir de sa cachette.

-Qu'est-ce que tu fais là ?! Murmura d'une voix froide le garçon, qu'elle avait rencontré dans Pénisia.

-Lâche-moi !

Elle le repoussa brutalement. Ses poings se serrèrent tandis qu'elle se préparait à le frapper.

-Je t'avais dit que je te tuerai si nos chemins se croisaient à nouveau.

-Je viens de te sauver la vie. Tu crois vraiment pouvoir battre tout les soldats du camp ?

-Non mais j'aurai tenté au moins !

-Tu ne peux rien y faire. Tu n'as pas d'armée avec toi, tu es seule face à des milliers d'hommes, déclara-t-il d'une voix assurée. Si tu fais ça, c'est du suicide.

-C'est ma mère, je dois la sortir de là ! Cracha-t-elle.

Elle se retourna et observa un nouveau coup frapper le corps de la kitsune, un cri strident se fit entendre. Moukaï se précipita vers le pilier en bois sous le regard écarquillé du skinwalkers. Ses chaussures foulaient le sable ardent de Pénisia mais elle ne pensait qu'à atteindre sa mère, elle entendait les hurlements des soldats ainsi que le bruit des armures. Son souffle était saccadée alors qu'elle forçait son pas de course.

-Non ! Moukaï ! Hurla sa mère.

Le sifflement d'une lame passa à côté de son oreille. Quelqu'un venait de tenter de la tuer. L'inquiétude grimpait en elle mais elle ne pouvait pas faire demi-tour à quelques pas de la kitsune. Ses yeux s'embuèrent pendant qu'elle sentait ses forces la quitter.

Plusieurs soldats s'interposèrent, leurs épées pointaient vers la fillette. Elle dérapa dans le sable, en changeant de destination. Il ne fallait pas qu'elle s'arrête sinon ils la tueraient.

Brusquement, elle fut arrêtée par un bras. Elle tomba dans le sable sous les rayons solaires qui l'aveuglaient. Elle remarqua des entailles sur ses avant-bras, elle s'était protégée la tête avant de s'écraser contre le sol. Lentement, elle releva son visage pour voir qui l'avait arrêté.

Son regard s'écarquilla, elle hoqueta alors qu'elle croisait les pupilles félines du garçon. Il l'observait tristement, son bras encore tendue mais elle remarque surtout le tremblement de ses lèvres. Elle comprenait qu'il l'avait arrêté car c'était son devoir en tant que soldat, elle avait voulu croire qu'il aurait pu être un futur allié même si elle souhaitait le tuer. Sa menace n'était que du vent car elle se sentait incapable d'enlever la vie à ce garçon, pour une raison qu'elle ne pouvait pas s'expliquer.

Ses yeux s'embuèrent tandis qu'elle frappait le sol d'un coup de poing, elle était en colère contre lui, contre elle, contre les skinwalkers. Elle vit le reflet d'un rayon caressait le sable, elle savait qu'une épée se rapprochait de sa tête et son premier réflexe fut de fermer les yeux. Elle respira calmement, elle refusait de montrer sa faiblesse à son adversaire. Quand elle releva la tête, Moukaï croisa le regard sombre du garçon. Elle mordilla sa lèvre en remarquant que la lame se trouvait devant son visage. Elle devait agir rapidement pour s'en sortir et pour pouvoir libérer sa mère plus tard. Elle serra les dents avant de balayer brusquement le skinwalkers, il chuta brutalement dans le sable. Elle se releva et se mit à courir aussi vite qu'elle le pouvait. Sa vie ne tenait qu'à un file, il fallait qu'elle fuit.

-Je reviendrai te chercher, maman, promis-t-elle.

-Arrête-toi ! Hurla la voix du garçon.

Aux bruits des pas, il se trouvait à quelques mètres d'elle à peine. Elle ne pourrait peut-être jamais le devancer mais il fallait qu'elle l'éloigne le plus possible des autres soldats pour pouvoir l'affronter.

Au bout de quelques temps, elle rentra à nouveau dans les rues de Pénisia. Ses souliers la faisaient souffrir mais elle ne pouvait pas s'arrêter si près du but. Elle continuait d'entendre le garçon derrière-elle.

-Laisse-moi partir ! Hurla-t-elle.

-Mon devoir est en jeu. Je t'avais dit de ne pas le faire, que c'était peine perdue !

Elle secoua la tête avant de s'arrêter. Les autres skinwalkers se trouvaient loin de leur position. Elle dégaina sa dague, en la pointant vers lui. Il la regarda d'abord inquiet avant de brandir son épée royale.

-Vous avez tué mon peuple ! Cracha-t-elle en se précipitant sur lui.

Elle frappa le bras droit de Nils, où une entaille se dessina. Il esquiva les prochains coups, la colère ne cessait d'augmenter dans le regard de la kitsune alors qu'il ne faisait que se défendre.

-Défends-toi ! Cria-t-elle, les traits tirés.

-Non, je ne veux pas me battre contre toi.

-Tu me crois faible ? C'est parce que je suis une femme que tu ne veux pas le faire ?

-Non... souffla-t-il. Cette guerre n'était pas mon idée, je ne fais qu'obéir.

Moukaï s'arrêta pour l'observer. Ce skinwalkers se trouvait être un soldat par obligation et non, par envie. Elle se doutait que leur chef était l'homme qu'ils avaient croisés, il paraissait bien entouré pour un simple guerrier.

-Je suis désolée, déclara-t-elle. Toi comme moi sommes des victimes des décisions de nos rois.

-Si seulement...

Il s'assit au sol, en grattant de sa lame les pavés. Son regard paressait lointain et la jeune fille hésita à baisser sa garde.

-Je suis le prince de Mikanos, le futur roi d'un royaume que je ne veux pas, avoua-t-il chagriné.

Elle recula stupéfaite. Ce garçon n'était peut-être pas encore un ennemi de son peuple mais il le deviendrait. Son cœur venait de s'emballer après cette révélation, il fallait qu'elle s'en aille. Elle entendait les bottes métalliques claquer sur le sol.

-Je ne peux pas rester ici, déclara-t-elle inquiète. Les tiens vont me tuer s'ils me trouvent.

-Attends !

Il se leva et se rapprocha d'elle. Elle déposait un regard méfiant sur les mains du garçon mais elle fut étonnée de le voir sortir un ruban de son armure. Il lui tendit avec un sourire gêné.

-Ce n'est pas grand chose mais je veux que tu saches que tu as un allié dans les rangs skinwalkers, annonça-t-il en se grattant la nuque. Je ne suis pas ton ennemi, ni celui de ton peuple. Au contraire, je veux changer ça.

Elle refusa le bout de tissu en reculant. Pouvait-elle vraiment lui faire confiance ? Les skinwalkers étaient des êtres nés de violences et de guerres, assoiffés de pouvoir pour combattre Oxyris. Ils réduisaient les peuples en esclavages pour résister aux possibles assauts du royaume des elfes de la nuit. Elle ferma les yeux et soupira, le garçon lui renvoyait un regard peiné mais elle ne pouvait rien accepter de sa part, il était un ennemi de son peuple !

-Je n'en veux pas, cracha-t-elle en hissant des murs entre son cœur et sa conscience. Tu ne seras jamais mon allié. Toi et ton peuple avaient détruit ma maison pour des absurdités. Sache que je me vengerai de toi et les tiens.

Elle se retourna, en préférant s'enfuir avant de céder à la tentation d'accepter ce cadeau. Elle sentait encore le regard du garçon dans son dos tandis que ses chaussures foulaient le sol ensablé du royaume. Elle devait quitter Pénisia, rejoindre les quelques survivants pour un jour, reprendre ce qui leurs appartenait.

Elle était remontée, prête à se battre pour les siens, à venger la mort de son frère et sa sœur. Moukaï referma sa main sur la poignet de sa dague tandis qu'elle courrait à travers les ruelles de son royaume natale. Elle se promit qu'elle ferait couler le sang.

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