3.

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Cela faisait déjà dix minutes que Frédérique s’était garée devant son immeuble, le regard fixé sur les fenêtres de son appartement au deuxième étage. Son pied battait le sol comme un marteau piqueur tandis qu’elle imaginait une créature invisible arpentant chaque pièce à sa recherche. Cette chose la regardait-elle de là-haut en ce moment même ? Attendait-elle son retour ? Que ferait-elle une fois qu’elle serait rentrée ?

Frédérique serra contre elle les précieux talismans : ils la protégeraient. Elle en glissa un dans la poche de son pantalon, inspira un grand coup puis sortit de sa voiture. Elle emprunta l’escalier, chaque marche lui paraissant un peu plus haute que la précédente. Était-ce déjà une ruse de la chose qui la hantait ? Ou bien la peur qui la faisait halluciner ? Elle arriva devant la porte de son appartement, plus aussi certaine de vouloir y entrer. C’était une chose de penser qu’une entité s’était invitée chez vous et une autre de savoir que c’était vrai ! Et des deux possibilités, il avait fallu qu’elle tombe sur la pire ! Un démon.

« Bien sûr ! T’as jamais eu de chance dans la vie ! Tu ne pouvais pas tomber sur Casper le gentil fantôme ! » pesta-t-elle en mobilisant tout son courage pour enfoncer la clef dans la serrure.

À l’intérieur, tout était paisible. Peut-être trop. Était-ce le calme avant la tempête ? Fred se jeta sur l’interrupteur et balaya l’entrée du regard. Rien. Elle croisa son reflet dans le miroir – une porte, avait dit Remington – puis décida de le recouvrir avec un manteau à proximité. Juste au cas où.

Elle sortit son téléphone pour relire les instructions de celui-ci et tira les sachets de tissu de ses poches.

« Le bleu, au nord, répéta-t-elle en regardant autour. Mais c’est où, le nord ? »

Un bruit sourd provenant de la cuisine la fit sursauter – le démon avait-il déjà compris ce qu’elle comptait faire ? – puis elle vit apparaître McMittens, un chat qu’elle avait trouvé et adopté quatre ans plus tôt.

« Poussin ! Tu m’as fait une de ces peurs ! fit-elle en laissant échapper un soupir de soulagement. Dis à maman, tu as vu des choses bizarres ? »

McMittens s’étira en baillant à s’en décrocher la mâchoire, puis vint se frotter contre ses jambes.

« Non ? Bon… Hors de question que je te laisse ici ! Je sais que tu n’aimes pas ça, mais tu vas devoir passer un peu de temps dans ta caisse de transport. »

Une fois le félin enfermé à l’intérieur, elle la déposa dans le couloir. Là, McMittens ne risquerait rien. Du moins, elle l’espéra. Elle s’attendit à l’entendre miauler à la mort, comme il aimait le faire chaque fois qu’elle l’emmenait chez le vétérinaire, mais le chat semblait avoir compris ce qu’il se passait. Il s’était couché et observait.

Elle retourna dans l’appartement, armée de son téléphone et lança l’application de la boussole – elle avait bien une utilité, finalement ! Le mur le plus au nord était celui de l’entrée. À l’aide d’un tournevis et d’un marteau, elle fit tant bien que mal un trou dans le placo et y glissa le premier talisman. Elle répéta l’opération pour l’est et l’ouest, guettant le moindre signe d’activité autour d’elle. Là encore, il ne se passa rien. Pourtant Frédérique se sentait épiée, oppressée, comme si une ombre se rapprochait d’elle. Lentement. Imperceptiblement.

« Allez, vite ! Le dernier et tu dégages d’ici ! » s’encouragea-t-elle.

Lorsqu’elle arriva devant le mur sud, celui dont les fenêtres donnaient sur la rue, son cœur loupa un battement. Dans le reflet de l’une d’entre elles, une silhouette sombre la regardait. Ses contours étaient flous, mais ses yeux étincelaient au centre comme deux soleils.

« Il ne peut rien t’arriver ! Il ne peut rien t’arriver ! » fit-elle en glissant sa main dans sa poche pour serrer le talisman protecteur de Remington.

Elle se retourna pour voir si quelqu’un était derrière elle, mais l’appartement était vide. Et lorsqu’elle regarda de nouveau la vitre, la présence avait disparue.

« Saloperie ! » pesta-t-elle en donnant de grands coups de marteau.

Elle enfouit le dernier talisman dans le petit interstice et attendit une réaction qui prouverait que la protection fonctionnait. Elle craignit de s’être trompée dans les couleurs et réexamina chaque sachet. Ils étaient tous à la bonne place. Elle décida d’appeler Tony pour lui demander si tout était normal.

« Oui ! répondit celui-ci. Rem dit qu’il n’y a rien de visuel, que c’est comme les médicaments, une fois administrés, ils font ce qu’ils ont à faire, même si on ne les voit pas.

  • Bien, alors j’arrive. Il est prêt ? Il a fini avec le miroir ?
  • Il est sur la dernière rune. Ne t’inquiète pas, il aura fini avant ton retour. »

Frédérique se dirigea à l’extérieur sans un regard en arrière pour son appartement. Elle craignit trop d’y voir quelque chose. Elle attrapa la caisse de transport de McMittens et l’emmena jusqu’à sa voiture. Là, elle la déposa sur la banquette arrière ; le félin tendit sa patte à travers la grille comme pour lui signifier son soutien.

« Je te jure que tu ne me reverras jamais essayer de contacter un esprit ! promit-elle, la gorge serrée. Dans quoi je nous ai embarqués, hein ? »

Les vingt minutes de trajet lui parurent bien plus longues qu’à l’aller. Par chance, à cette heure, le trafic était fluide, et elle ne croisa que quelques véhicules. Elle évita de regarder dans les rétroviseurs par peur d’y voir la terrible silhouette ; Remington lui avait dit que le démon la suivrait dès qu’elle sortirait de chez elle. Il était là. Même si elle ne pouvait pas le voir.

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