4.

4 minutes de lecture

Rem fixait les deux mêmes mots depuis un moment. Kwame Mensah. L’adresse de l’homme était inscrite en dessous. Il restait à trouver quoi lui envoyer. Que risquait-il à demander de l’aide à un inconnu ? Et s’il était de mèche avec une sorcière ?

Il y a peu de chance, elles détestent ceux dont les pratiques différents des leurs.

Mais pourquoi quelqu’un voudrait l’aider ? La bonté ? Il n’avait connu qu’une personne qui en était dotée : Tony.

En même temps, je ne connais pas grand monde.

Il déposa sur la table trois pièces de monnaie ancienne : une manille en cuivre provenant d’Afrique de l’Ouest, une gourde haïtienne datant de 1804 dont le visage sur une face était à peine visible, et une obole grecque en argent ternie par les années. S’il avait acheté les deux premières, la dernière résultait d’un cadeau de la part d’un collectionneur à qui il avait apporté son aide.

L’homme l’avait contacté pour son fils, accro à l’héroïne depuis plusieurs années. Ce dernier venait d’échapper à la mort, une troisième fois. Son père refusait qu’il y ait une quatrième et que sa belle-fille et ses petits enfants se retrouvent sans lui. Rem se souvenait avoir longuement réfléchi pour cette décoction-là. Elle contenait des ingrédients communs, de la racine de bardane, quelques feuilles de verveines, une fleur de chardon-Marie, une faible quantité de pavot blanc séché, de la résine de myrrhe, du charbon d’os de cerf, un zeste d’orange amère et de l’eau de lune. Tout ceci dans le but de purifier son corps et son esprit. Et cela avait fonctionné à merveille. Rem avait été payé, comme pour tous ses autres élixirs, mais son client avait jugé que ce n’était pas suffisant et lui avait envoyé cette pièce en guise de remerciement.

Le sorcier connaissait parfaitement sa valeur monétaire, mais c’était surtout la valeur symbolique de ce don qui provoquait sa réticence à le céder à un autre. Rem ne connaissait pas son père, mais il aima penser qu’il aurait été capable des mêmes actes. Il s’était souvent demandé s’il lui ressemblait et quel pouvait être son prénom. Sa mère n’avait jamais voulu évoquer le sujet. Il était rare que les sorcières continuent de fréquenter un homme après être tombées enceintes, davantage encore qu’elles vivent avec lui. En général, leur relation avec la gent masculine se résumait à un jeu de séduction et à un coup d’un soir. Peut-être ne l’avait-elle jamais su.

Rem regarda l’obole, une lueur triste dans le regard. Aussi parfait qu’il l’imaginait, son père n’avait jamais dû avoir vent de son existence.

Il déposa une plume de corbeau et…

Mince ! Plus de rhum.

Ce n’était pas une si mauvaise chose, il pourrait garder la pièce un peu plus longtemps. Il remonta au rez-de-chaussée et chercha Tony. Celui-ci discutait avec Frédérique dans le salon du futur de celle-ci :

« Tu vas tout abandonner ? Tu es sûre de toi ?

  • Je ne suis pas sûre d’être capable de reprendre. Ça fait longtemps, j’ai perdu le rythme. Les vols de nuit, les vols long-courriers, les passagers désagréables, faire constamment attention à mon apparence, ne jamais pouvoir se poser quelque part plus de quelques jours.
  • Mais tu aimais ça, non ?
  • Oui, mais c’était avant que Maddie tombe malade. Je n’ai plus l’énergie pour ça.
  • Essaye des vols plus courts ? En journée ?
  • Non, ce n’est plus pour moi. Il faut que je trouve autre chose. Rem, est-ce que tu veux d’une apprentie ?
  • Pas pour tout l’or du monde, fit-il en croisant les bras, un sourire aux lèvres. Il y a bien assez de sorcière comme ça.
  • Au moins, j’aurais été de ton côté ! répondit-elle avec un clin d’œil. Mais tant pis, de toute façon, je n’ai pas envie de revoir l’ombre d’un démon.
  • Tony, tu pourras prendre du rhum ?
  • Envie de te saouler ? demanda celui-ci.
  • Toutes les heures depuis hier, mais je vais m’abstenir. Non, c’est pour un message.
  • Je le note sur mon téléphone.
  • On pourrait aller faire des courses maintenant ? proposa Fred. Il faudrait que j’achète à manger et de la litière pour McMittens, et demain, les magasins sont fermés.
  • Les joies du dimanche. Ok, allons-y ! »

Tony hésita à demander à son amant s’il voulait les accompagner, mais il ne voulait pas le pousser au-delà de ses limites. Un pas après l’autre, pensa-t-il. Rem acceptait déjà la présence d’une femme – la première avec qui sa peur ne se manifestait plus – il ne voulait pas le remettre tout de suite face à ses angoisses. Il fallait qu’il s’habitue, qu’il renforce sa confiance en lui, en Fred. Et il paraissait l’apprécier.

« Tu as besoin d’autre chose ? fit-il à son attention.

  • Juste ce dont je t’ai parlé hier. Du lait de chèvre et des roses.
  • Je te ramène ça. »

Rem alla aussitôt mettre son harnais à Alpha tandis que Tony et Fred filèrent vers l’entrée pour prendre leurs manteaux. Il déposa ensuite un baiser sur les lèvres de son amant et lui ouvrit la porte. Puis les deux amis prirent le chemin du supermarché, menés par Alpha qui connaissait parfaitement le chemin.

Annotations

Vous aimez lire Charlie V. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0