Famine

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                Partout, des corps maigres, faméliques, essayant de ramper comme ils le pouvaient les uns vers les autres pour se dévorer sans force, manquant même d’énergie pour assurer leur survie.  Je ne parviens pas à me détacher de cette vision tant elle me terrifie... Puis je l’entends, mon épouse. Ses cris… De rage ? Et un hurlement de douleur… Je ne peux pas y croire… Elle se rebiffe contre Famine… Ça ne m’étonne pas vraiment… ma femme est persuadée qu’on ne peut pas vivre sans une certaine forme d’opulence, y compris à table. Alors j’en connais un qui a mal choisi sa captive… J’enclenche un chargeur puis engage un chargeur en chambre avant de partir en courant. Je vois son palais au loin, une cabane de merde faite d’os blanchis par le temps sans portes ni fenêtres… Je passe mon arme dans le dos et accélère, avalant les mètres aussi vite que possible sans utiliser mes pouvoirs pour conserver mon énergie autant que faire se peut, et arrive là-bas en une dizaine de minutes pour enfoncer la porte d’un coup d’épaule, même s’il serait plus exact de dire que je passe au travers pour m’étaler comme une merde sur le sol, laissant les deux combattants surpris de mon irruption. Quand ils comprennent enfin à qui ils ont à faire, Famine siffle.

                — Toi, je t’attend…

                Sa phrase ne connait pas de fin. Quand mon épouse m’a reconnu, elle l’a attrapé aux épaules et a écrasé son genou dans ses parties avant de me rejoindre pour m’aider à me relever.

— Enfin, voici mon chevalier en armure immaculée.

— Je me demande quand même si tu avais besoin de mon aide…

                Souriante, elle m’envoie un clin d’œil.

— Tu as fait une excellente diversion. Mais maintenant, je préfèrerais que ce soit toi qui t’en occupe.

                Mon regard se fait prédateur, mon sourire devient carnassier alors que je réponds.

— Plutôt deux fois qu’une ! Tiens ça et allumes tout ce qui approche de trop prêt.

                Je lui tends mon arme qu’elle prend en me regardant avec surprise.

— Mais je ne sais pas utiliser ça, moi…

— Facile, le canon vers les méchants, et tu appuies sur la queue de détente. Moi, je voudrais m’occuper de Famine de façon plus… Intime…

— Comment ça ?

                Je sors deux couteaux de combat. Un long pour la main droite, un plus court pour la main gauche, les deux lames dirigées vers le sol, et me met en garde alors que ma femme ajoute.

— Ah, comme ça, j’ai eu peur.

                Famine finit de se relever et fusille ma femme du regard.

— Ça fait mal, espèce de garce !

— Hey, tu ne dis pas du mal de ma femme ! Tu veux te battre, c’est moi ton adversaire. Avec moi, pas besoin de te retenir.

                Famine me toise du regard avec un sourire condescendant.

— Tu es devenu faible.

— Ouais bah j’en ai encore assez dans le froc pour te…

                Un puissant coup d’épaule, et Famine et moi traversons le mur de sa cabane qui manque de s’effondrer, pour atterrir quelques mètres plus loin, roulant l’un sur l’autre en se frappant à bras raccourcis. Le choc m’a fait perdre mes armes, mais peu importe. Son corps squelettique est bien plus fort qu’il n’y parait, mais peu importe. J’ai le souffle court à cause du choc, mais peu importe. La bouche en sang ? Vous connaissez la réponse. On roule jusqu’à une descente, et celle-ci nous emporte. Les pierres sur notre passage nous labourent le dos et nous lacère la peau, mais au risque de me répéter, peu importe.

                Quand on s’arrête contre un rocher aux bords tranchants C’est malheureusement moi qui suis en dessous. Vu la qualité du combat, je dirais même que je suis en dessous de tout… Famine m’étrangle, mais je ne compte pas me laisser faire. Je mets mes bras à l’intérieur des siens et frappe l’intérieur de ses coudes en lui mettant un grand coup de tête alors que son nez fait un bruit de craquement horrible, tandis que l’anorexique se redresse en criant de douleur. J’en profite pour retourner la situation à mon avantage et nous fais pivoter, puis je lui attrape la tête à deux mains et frappe le sol avec, encore et encore et encore, alors qu’il cherche à enfoncer ses doigts dans mes yeux. Un de ses index finit dans ma bouche et je le mords. Je le mords fort, aussi fort que possible sur l’articulation, jusqu’à entendre un bruit dégueulasse, comme quand on sépare le pilon de la cuisse du poulet, avant de recracher deux phalanges sanguinolentes sous les insulte de leur propriétaire qui me défonce les côtes à coup de poing. J’ai mal. On va pas se mentir, j’ai vachement perdu en résistance, et mes pouvoirs semblent ne pas vraiment vouloir se réveiller… il faut que je fasse quelque chose et vite, parce que de son côté, Famine ne semble plus vouloir jouer.

                Il a beau être le moins fort des Quatre, il commence à s’énerver assez pour que sa force me surclasse. Pour preuve, sa main sur mon torse alors qu’il commence à me soulever à la force de son seul bras, m’empêchant de maintenir ma prise sur sa tête, et tandis qu’il m’éloigne, mes doigts lacèrent son visage avant qu’il ne me jette comme on lancerait un avion en papier. Famine se redresse et respire comme un taureau, les épaules montant et descendant au rythme de sa colère, quand trois déflagrations suivies de deux cris, un de douleur et l’autre de surprise, interrompent la scène. Famine tombe sur le côté, mon épouse est sur le cul, littéralement. C’est vrai que la première fois, une rafale, ça surprend…

— Ca va ?

— Occupes toi plutôt du sac d’os !

— Oui M’Dame !

                Je me redresse en un instant et charge en hurlant, percutant Famine se relevant dans le dos. De ce que j’ai le temps de voir, elle a pris les balles dans le flanc, le bras et l’épaule droite, pas mal pour un premier tir !

                Je le plaque au sol et frappe dans les plaies, avant de plonger la main dans le trou de son ventre et d’en arracher les boyaux. Il est à ma merci, je pèse sur son corps de tout mon poids et le vide comme un poisson tandis que ses cris perdent en puissances, et alors qu’il lutte contre l’inconsciance et qu’il cèsse de crier, je vois ses lèvres bouger, articuler sans rien entendre. Je me penche et écoute.

— Tu ne la tueras jamais… Tu n’oseras pas, et tu le sais… Tu ne bouleverseras pas l’ordre des choses…

— Tu veux parier ?

                Je me redresse et passe mon bras droit par la gauche de sa tête pour le saisir au menton, afin de gagner en amplitude, et tire d’un coup sec. Sa tête pivote à cent-quatre-vingt degrés dans un bruit d’os brisés, et ses poumons se vident une ultime fois, alors que je roule sur le côté, le souffle court et que mon épouse court vers moi.

– Ça va ?

                Fatigué, je lui souris.

— Merci pour ce tir magistral… Ça m’a bien aidé…

— De rien. Mais… C’est quoi ça ?

                Une épaisse brume noire s’échappe de la bouche de Famine et se dirige lentement vers moi.

— Ca ? C’est le pouvoir du Cavalier noir… J’espère juste que ce n’est pas désagréable…

                D’un coup, le nuage se condense et pénètre mon corps par les narines et la bouche alors que je suffoque. Mes pupilles se dilatent jusqu’à ce que même le blanc de mes yeux disparaissent, et j’ai le sentiment de mourir et renaitre à la fois, avant de m’écrouler dans un black-out total.

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