Guerre

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                Je reviens à moi plus lentement que la fois d’avant, et les filles me regardent avec étonnement, alors je grogne.

                — J’ai un truc sur la tronche ou quoi ?

                Ma femme me répond.

— Tu n’as plus d’iris… Elles avaient déjà presque disparu quand tu as battu l’autre squelette, mais là…

                Je me relève en grognant.

— Sûrement un effet secondaire… Ça passera quand j’aurais transmis ces pouvoirs à ceux qui succèderont aux Quatre… il faut qu’on parte. Je suppose que vous allez monter à deux sur le cheval qui a de la peau, et je prends le squelette ?

                Mon épouse opine du chef, et nous prenons la route jusqu’à un immense monolithe.

— On va voir qui, là ?

                Je regarde mon aînée qui se contient comme elle peut. Elle est terrifiée, mais le cache comme elle peut.

— On va voir Guerre. Et pour le coup, je ne m’attends pas à un voyage des plus calmes…

                Je détache le holster de mon pistolet automatique et lui tend. Alors qu’elle me regarde avec surprise, je lui explique.

— C’est juste au cas où. La ceinture autour de la taille, l’étui autour de la cuisse. La sûreté, c’est le petit loquet, là.

                Je lui montre du doigt.

— Tu le descend, tu vises, tu tir. Quand le chargeur est vide, tu appuies sur le bouton, là, tu le remplaces et tu baisse l’autre levier, là. La culasse retournera à l’avant, et tu pourras faire feu à nouveau. Tu as compris ?

                Elle opine du chef en me souriant. Elle est courageuse, et tant mieux. Vu ce qui arrive, on va en avoir besoin. J’ouvre le portail et on le traverse. De l’autre côté, c’est un champ de bataille, littéralement. Mais un champ de bataille désert. Les cratères, les barbelés, les obstacles, les membres arrachés, tout est là, sauf les combattants. Je regarde en tous sens, perdu et plongé dans l’incompréhension. Et vu les têtes que font ma femme et ma fille, je ne suis pas le seul.

— Ils sont où ?

                Mon épouse me dévisage comme si je le savais. Je n’arrive déjà pas à la boulangerie sans GPS… Puis j’entend des cris, les clameurs du combat, des explosions et des chocs. Je tourne la tête dans la direction concernée et voit de la fumée noire.

— Tu sais ce qu’on dit mon amour. Il n’y a pas de fumée sans feu.

                Je lance mon poney sauvage au trot, imité par mon épouse, et nous avançons tranquillement à travers le décors dévasté pendant une bonne demi-heure avant que je n’arrête ma monture et que mon épouse ne s’immobilise à mes côtés. Je pointe une direction du doigt, et elle me demande.

— C’est un volcan ?

— Regardes mieux.

                Elle fronce les sourcils, avant de jurer.

— Ce n’est pas de la lave qui coule… Ce sont des corps…

                J’opine du chef. Au sommet de la montagne, Guerre projette des corps autour de lui. Le sang les a tellement recouverts qu’on pourrait effectivement croire à un volcan recrachant lentement sa lave, mais non, c’est juste… Guerre…

— Tu vas faire quoi papa ?

                Je descends de mon cheval et en donne les rênes à ma femme, avant de dévisager mon aînée.

— Je vais improviser, et faire ce que je fais le mieux.

— Et c’est quoi, ce que tu fais le mieux ?

                Imitant un célèbre personnage de jeu vidéo, je clame.

— It’s time to kick ass and chew bubble gum, and I’m all outta gum !

— Quoi?

                Je souris et fais face à mon destin avant de m’avancer en me concentrant. Les boucliers se matérialisent alors que je crie.

— Guerre ! Viens ici face de chibre ! Viens voir celui qui te fera perdre ton statut de meilleur combattant de tous les temps !

                Là-bas sur la montagne de corps, tout s’arrête alors que les têtes, même tranchées, se tournent vers moi. Ils ont tous l’air surpris de voir un fou défier Guerre, ou un nouveau challenger en plus d’eux, je ne sais pas et je m’en moque. Je suis plutôt focalisé sur Guerre, et son sourire ravie. Sa voix gronde comme le tonnerre, et malgré la distance, je l’entends comme s’il me braillait droit dans les oreilles.

— Te voilà enfin ! Je me suis bien échauffé exprès pour toi !

                Il saute, projetant les corps les plus proches de lui dans une pluie de chair et d’os, et dévore la distance en un temps minime avant d’atterrir avec violence à une dizaine de mètres de moi en enfonçant le sol. Alors qu’il se redresse, je l’observe plus attentivement. Son énorme armure de plate est endommagée à de nombreux endroits, mais jamais rien de grave, et le sang dont il est recouvert n’est visiblement pas le sien. Ce qui me gêne le plus est son épée. Dire que c’est une épée large serait un euphémisme… Sa seule poignée doit pouvoir contenir quatre à cinq mains, et sa lame, large comme ma fille, doit mesurer près de trois mètres. Pourtant, il la pose avec négligence comme si elle n’était faite que de papier. Le sourire du Cavalier augmente.

— Tu as peur. Je le sens…

                Je serre les poings avant de répondre en continuant de m’avancer.

— Bien sûr. Je suis même terrorisé. Mais je n’ai pas le choix. Où est mon enfant.

                Guerre semble réfléchir, puis une lueur d’intelligence s’allume dans ses yeux.

— Ah, le gamin ! Il m’empêchait de me battre librement, alors je l’ai laissé au monolithe d’accès au royaume de Conquête.

                Je me retourne vers mon épouse, mais elle est déjà partie vers la pierre qui se dresse jusqu’au ciel, elle sur le cheval de Famine, mon aînée sur celui de Pestilence. Comme ça, je pourrais combattre les mains libres.

— Merci, maintenant on…

                Je ne finis pas ma phrase que je suis projeté de nombreux mètres plus loin à rouler et rebondir sur le sol, alors que Guerre se tient, l’épaule en avant, là où j’étais il y a encore quelques secondes.

— Quand on se bat, on ne raconte pas sa vie.

                Je plante mes doigts dans le sol et me retient comme je peux pour ralentir en gémissant de douleur.

— Tu as vraiment un grand pouvoir, Guerre.

— Et c’est le pied.

— Est-ce que tu sais ce que ça implique ?

— De grandes responsabilités ?

                Je souris. Il connait Spider Man, ce n’est déjà pas mal. Je me relève et recrée les boucliers tout en me mettant en garde.

— Non, il implique que je te défonce ta gueule. J’ai besoin de ta puissance.

                Il joue avec son épée avant de fendre l’air, propulsant vers moi une immense vague de feu. Je m’abrite derrière mes boucliers, qui me recouvrent subitement de la tête aux pieds, et son attaque ne fait rien. Quand ils se replient, je pars en courant vers lui avant de sauter en me protégeant du bras gauche tandis que le droit s’arme. Mon coup le frappe pile sur le menton, le forçant à reculer en dérapant sur le sol, mais c’est tout. Mon sourire se transforme en stupeur quand il récupère le sang qui coule de ses lèvres avec sa langue.

— Enfin un adversaire valable….

                D’un revers du bras gauche, il me repousse comme si je ne pesais pas plus lourd qu’une feuille de papier. Je me rétablis en salto, enfonçant les boucliers dans le sol pour m’arrêter, avant de repartir en courant, alors que lui lance son épée. Je glisse dessus, mais de peu, très très peu… Tellement peu que je peux vous dire que sur sa lame (Chauffante) sont gravés les mots « Se repètre des âmes des morts ». Et, en soit, ce n’est pas très engageant. Alors que je me fais la reflexion que je n’ai pas envie d’être son prochain repas, je lance mon poing droit, et mon bouclier, dans son foi. Alors que mon bouclier et son armure se brisent à l’impact, je déploie la faux. Mais je le fais avec intelligence, et il pousse un hurlement de douleur tandis que la lame se développe dans son ventre. Je saisis le manche à deux mains et tire en arrière, alors qu’il lâche son épée pour comprimer sa plaie en me dévisageant.

— Mais… Comment ?

                Je souris en me reculant.

— Tu es bien meilleur combattant que moi. Mais je suis plus malin que toi. Beaucoup plus malin. Tu t’es reposé sur ta force brute et tes compétences martiales, sans réfléchir au reste, et tu as perdu.

                Je prépare tout mon corps à la frappe, et le coup part. Guerre se fait éventrer, mais pas assez. Ce salopard a bondi en arrière pour esquiver. Trop lentement, certes, mais assez pour survivre, alors que je vois arriver derrière lui les Fighters, les habitants de son secteur. Si je n’accélère pas la cadence, on risque d’être trop nombreux dans ce combat. Il les voit lui aussi et sourit.

— Dommage… Tu n’es plus seul en lice, semble-t-il.

— Et toi, trop blessé pour gagner éternellement.

— Je préfère donner mes pouvoirs à un de mes citoyens plutôt qu’à toi !

                Un plan émerge, grossier, mais réalisable. Je cours en armant un coup, et il commence à se protéger alors que mon corps lance la frappe. Mais ce n’est plus la faux que j’ai en main. Les deux boucliers partent coup sur coup frappant de part et d’autre de l’épée qu’il a mise en travers de la frappe de faux. Le premier choc le déstabilise, le second le fait trébucher, puis mes genoux lui explosent la mâchoire alors que je lui saute dessus. Il tombe lourdement, alors que je peine à rester stable sur son torse, puis je sors mes couteaux de combat et les lui plante dans la gorge.

                Ses yeux s’ouvrent d’un coup, et je n’y lis que de la surprise.

— Comment…

— J’ai lu trop de Captain America… Je suis désolé de faire ça… Mais ma famille passe avant tout le reste.

                Il crache du sang et essaie d’articuler.

— Fa… Mille…

— Oui. Ils sont tout ce qui m’empêche de devenir comme toi.

                Je retire les lames et le sang gicle alors que je me retourne vers les Fighters.

— Votre Seigneur est mort. J’ai le pouvoir de trois Cavaliers. Vouloir m’affronter est fou. Mais laissez-moi quarante-huit heures, et quelqu’un d’autre régentera cet endroit. Et ces conflits qui vous épanouissent tant reprendront, aussi stériles soient-ils…

                Les créatures me regardent, comme déçues et pleines d’espoirs à la fois. Des corps portant les stigmates d’une guerre sans fin, comme je les plains… La brume rouge commence à s’échapper du corps de Guerre alors que je précise.

— Je vais m’évanouir. N’essayez pas de m’attaquer pendant ce temps-là, vous échoueriez. Et éloignez-vous avant mon réveil, de peur que ça ne voue tue… A toute à l’heure.

Black Out. Et franchement, ces coupures publicitaires deviennent chiantes…

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