End Game

5 minutes de lecture

                Elle crache ses flammes, mais je me contente de les esquiver avant de la frapper au visage. Ma lame L’entaille de la narine à la paupière supérieure gauche, et Elle redresse la tête en hurlant de douleur tandis que je prends de l’altitude.

                — Tu ressens ça ? Ça s’appelle la douleur physique. Tu as une pseudo peine de cœur avec mon rejet, et là Tu as un petit bobo. C’est ce qui fait la force des humains, nos souffrances nous rendent plus forts et nous aident à nous élever !

                Elle n’a pas dû comprendre ce que j’essaie de lui enseigner, puisqu’Elle reprend son souffle pour vomir des flammes. J’esquive et hurle.

— Arrêtes ! Ne m’oblige pas à Te tuer ! Je ne le veux pas ! Tu peux, si tu y mets du tiens, passer à autre chose ! Il y aura forcément quelqu’un pour Toi !

                Ses griffes me frôlent tandis qu’Elle hurle.

— Tais-toi ! Tu ne sais pas ce que J’éprouve !

— Bah tiens… J’ai toujours été tellement aimé par ma famille, c’est vrai…

                Je plonge sous les flammes et sous Son torse, Et l’éviscère avec panache, jusqu’à ce que Ses entrailles me tombent dessus… C’est dégueulasse… poisseux, gluant, je déteste… Et puis, avec une telle blessure, Elle n’arrive plus à voler et me tombe dessus, pour m’écraser entre le sol et Elle.

                Gémissante de douleurs, tremblante de froid, Elle reprend petit à petit une apparence humaine tandis que je fais rouler Son corps sur le côté.

— J’ai mal…

— Je veux bien le croire…

                Elle est là, allongée au sol, les bras en croix, les boyaux répandus autour d’Elle et le sang se déversant sur le sol.

— Ca fait quoi de mourir ?

                Je me mets à genoux à côté d’Elle et lui retire délicatement Son casque, puis le mien, et Lui caresse les cheveux.

— Plus de peur que de mal… C’est comme s’endormir et ne plus souffrir…

— Alors pourquoi les gens font appel à Moi pour pas que ça se produise ?

— Parce qu’ils ont des choses à perdre… Des choses que Tu n’as pas…

— Mais Je voudrais…

                Elle crache un peu de sang et je Lui essuie la bouche.

— Et Tu crois que c’est en l’imposant que ça fonctionne ?

— Visiblement non… J’aimerais avoir une autre chance… D’être heureuse…

                Ses yeux fixent le vide et Ses poumons se vident une dernière fois, tandis que Sa peau blêmit. Dans la seconde, une fumée noire s’élève et m’enveloppe, et je ne lutte pas, pas cette fois-ci… J’accepte le don que je reçois, parce que je sais ce que j’ai à en faire. Quand l’écran de fumée s’est dissipé, je suis debout, Son corps dans les bras, mon casque sur la tête, les ailes déployées, et j’utilise un peu d’énergie pour ramener les gens innocents morts dans notre combat à la vie, puis je m’envole, crée un Vortex jusqu’à Son royaume et le traverse.

                Son palais est sublime. Marbre, tentures, dorures… Mais vide… Je comprends qu’Elle soit devenue folle… Personne avec qui passer l’éternité, ça doit peser… Je La pose délicatement sur Son trône et la coiffe de sa couronne, avant de repartir. Je file au royaume de Pestilence et trouve son corps intact. Je la ramène à la vie, recollant sa tête à ses épaules, et elle me regarde en pleurant.

— Tu avais promis…

                En silence, je pose ma main sur son épaule, et elle guérit, tandis que je lui souris.

— Tu ne seras plus jamais malade… Et tes sujets non plus… Ils guériront en arrivant ici.

— Merci…

                Je vais chez Famine et recommence. Plus jamais son royaume connaîtra la faim, c’est terminé. Pour Guerre, il me faut un remplaçant, un pacifiste… Gandhi se propose, et je ne pouvais pas rêver mieux… Le royaume de Guerre connaîtra enfin la paix. Pour finir, je me rends chez Conquête et ramène Christophe à la vie.

— J’en déduis que tu as gagné ?

                J’opine lentement du chef.

— Ca fait quoi d’être un dieu vivant ?

— Franchement ? Rien de transcendant… Je me suis senti plein de pouvoirs, mais vide de tout le reste… Être humain est bien plus sympa. Et, en parlant de sympa… Je me suis arrangé pour que ta famille te rejoigne ici plus tard… C’est ma façon de te remercier de m’avoir aidé…

                Mon barbu d’ami me sourit avant de demander.

— Qui va succéder à Mort ?

— Elle-même…

                Christophe hausse un sourcil.

— Pardon ? J’ai du mal comprendre…

— Elle a eu une dure leçon… Les choses devraient changer… Il faut juste qu’Elle se mêle aux humains pour y rencontrer l’amour, c’est tout…

— Tu es sûr de ton plan ?

— Non… Mais au pire, je la tuerais une seconde fois… Allez, barbu barbu, bouffes moi le cul !

                Et alors qu’il essaie de me frapper, il déteste cette vanne, je prends mon envol jusqu’à Son palais. Son corps sans vie est là, sur le trône… C’est assez ironique de voir la Mort morte… Et de se dire que j’ai vaincu la Mort… Ma main droite se glisse dans ses cheveux et mes lèvres effleurent les siennes, alors que je recrache son pouvoir… Je sens ma force, ma puissance même, me quitter, à mesure que sa plaie se referme et que la vie parcourt de nouveau son corps, et quand je n’ai plus rien à expirer, ses yeux s’ouvrent alors que je tombe à la renverse. Elle se jette sur moi en hurlant.

— Pourquoi tu as fait ça ? Si tu me rends tout, tu vas revenir à l’état dans lequel tu étais quand je t’ai ramené à la vie !

— Mais sinon je n’avais pas assez d’énergie pour toi… Et puis, mort-née, c’est moins grave que passé sous un camion et poignardé, pas vrai ? Ça se gère bien avec des insufflations et un massage cardia…

                Le néant m’entoure, et je vois cette fameuse lumière… Elle est froide, en même temps si chaleureuse… J’y vois deux silhouettes qui se dessinent en projetant leurs ombres, et je m’avance tandis que sur les murs de ce couloir se jouent des scènes de ma vie. Quand soudain, le couloir s’allonge, les scènes repartent derrière moi, et je me sens tiré en arrière avec force. J’ouvre les yeux, je suis ébloui et j’ai mal, mais je suis vivant.

— Des insufflations et un massage cardiaque, c’est ça que tu voulais dire ?

                Elle me sourit tandis que j’aspire l’air à plein poumons en lui tendant mon pouce en signe de victoire.

— Bravo, t’as tout compris…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sebastien CARRÉ ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0