Une drôle de soie

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Les sensations de familiarité et de peur qui l’assaillent, la pousse à deux comportements contradictoires.
Ses organes sensoriels se figent, mais la peur de se retrouver comme les autres, active ses pattes, qui reprennent leur mouvement. Son regard balaie les lieux, et elle découvre, au milieu des guirlandes de défunts, une lueur étrangère à la faille.

Au bout d’un fil épais, enroulé de soie, une pointe rougit légèrement. Elle fume à peine. Il semble qu’il y ait une toile sombre, enchevêtrée dans le reste de la soie. Cette toile est verticale, à l’inverse de celles horizontales que les ancêtres de l’araignée ont conçu.
Mais ce fil qui crépite, lui est inaccessible. Elle se dirige sous lui, et sa lumière si proche la provoque.

Elle peut sentir sa chaleur, jusqu’au bout de ses mandibules, enlaçant ses poils érectiles qui tendent vers la source de lumière.

Désir.

Elle veut la toucher.
Mais elle est bien trop haute.

Elle sent la même chaleur de l’autre côté de son corps, sa filière est réchauffée par une source inconnue. Lorsque l’arachnide se retourne pour chercher la source de cette douceur, elle découvre qu’en contrebas, un même câble pend dans le vide, soutenu par un entrelacement de fils de soie qui s’affaisse.

L’araignée regarde de où les fils viennent, et découvrent qu’ils sont liés à plusieurs carrefours de la toile. Il y en a au moins huit, tendus presqu’au point de rompre et d’entraîner la stabilité de toute la strate sur laquelle elle se tient.

Sans eux, le câble chuterait.

Mais avec eux, il tient dans les airs.

Voyant les deux sources de chaleur, l’araignée les regarde tour à tour, ses yeux multiples se concentrant sur l’incandescence et les braises qu’il projette. Sans trop savoir ce qu’elle a en tête, elle se dirige vers l’un des fils qui supporte le câble. L’araignée glisse ses pattes sur ce dernier et descend en rappel, elle tournoie en prenant de la vitesse tout en garantissant que la subtile graisse de la soie lui permette de ne pas chuter.

L’arachnide arrive enfin sur le câble. Lorsqu’elle pose une patte dessus, elle sent immédiatement cette dernière glisser. Elle se prostre sur son fil de soie en observant la surface sombre de cette drôle de soie. Prudemment l’araignée ose reposer un de ses membres sur ce fil rugueux, s’assurant d’une meilleure tenue avant de mettre ses sept autres prolongements dessus.

Une fois sûre de sa posture, elle considère l’épaisseur de ce fil.

Et elle en tire une conclusion : ça, ça ne vient pas de son derrière, ni du derrière d’aucune de ses congénères.

Mais les câbles sont liés, évidence.
Elle contemple les huit fils.

Peut-être qu’avec plus, le câble pourra se hisser.

L’araignée regarde comment ses congénères ont enroulé leur soie pour supporter le poids de cette structure, et commence à imiter la manœuvre. D’abord, elle pousse pour que le fil se dégage de son arrière-train. Elle tourne consciencieusement autour du câble avant de grimper vers la strate supérieure sans jamais rétracter les muscles de sa filière.

Elle œuvre de la sorte de nombreuses minutes, descendant et remontant, enroulant sa soie autour du câble avant de la lier à l’enchevêtrement de la strate supérieure.

Il en faut dix, dix de plus, pour que la structure sous le câble se rigidifie et qu’il commence à relever sa tête de feu.

L’araignée s’active de plus en plus, impatiente que les chaleurs s’embrassent et s’embrasent.

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