Des racines s’infiltrent sous l’armature, se servent des câbles de la machine pour s’enrouler autour des articulations.

Elles s’enfoncent entre les différents composants éteints du robot, s’insinuant là où la corrosion a ouvert des failles. Elles tâtent l’organisme artificiel en veillant à ce qu’elles ne s’abîment pas dans l’opération.

Les lèvres de la cosse tremblent, tandis qu’elle guide ses végétations dans la carcasse.

Lorsque les jambes, les bras et le torse de la machine sont tous reliés par les racines de la cosse, elle envoie les dernières disponibles s’insinuer dans le canal dorsal qui remonte jusqu’au processeur central au niveau de la tête de la machine.

N’ayant pas la place de se mouvoir dans la boîte crânienne, des gourmands dépassent en sortant par les yeux du robot.

Des fleurs s’y ouvrent en lieu et place.

Un bras tressaille alors que les racines serrent les articulations de l’épave.

Les doigts se remettent à gratter le nuage. Les jambes contraintes par les racines, se soulèvent et la machine avance.

La cosse murmure d’une voix faible les mêmes paroles.

Ensembles, ils franchissent le seuil des nuages.

Debout, le sommet de la montagne à seulement une centaine de mètres.

Un temple vétuste se hisse, une simple tour au toit désormais nu. À l’intérieur, une grande cloche.

Dans les montagnes alentours, à plusieurs kilomètres d’ici, d’autres temples saillissent de l’océan de nuages.

Au milieu d’un gigantesque cercle du manteau céleste, dont les bourrelets forment une vasque, une mer d’un liquide blanc éclatant illumine les lieux d’une lumière sublime.

Au-dessus de toute la pollution du monde, se cachait un soleil liquide, prêt à tomber sur la terre.

Le bois du temple est poreux et rongé par la vermine, il grince sous le vent, des résidus de la roche forment un tapissage de gravillon autour du lieu saint.

La cosse poussant des râles douloureux, fait avancer la machine de toutes ses forces. À chaque pas, des fibres des racines s’effilochent comme des cordes de guitare trop tendu.

Chaque fois qu’une racine faillit, des gourmands jaillissent de la plaie pour continuer la lutte. Plus les racines s’étiolent, plus les pousses sont fragiles.

Mais la machine parvient au seuil du temple. Au contact du bois, les pousses se glissent dans les interstices pour y puiser le peu de force qu’il y reste.

Reposant sur une des colonnes qui tient le temple en place, un ancien marteau attend d’être employé.

Incapable de l’attraper avec les doigts du robot, la cosse commande à ses racines de s’enrouler autour du manche de l’outil, et le soulève avec toute la peine du monde.

Une fois en main, elle se dirige vers la cloche, rongée par la rouille et l’oxydation.

Elle paraît prête à céder au moindre choc.

Mais un homme, un animal, et une machine se sont donnés pour que la graine devenue cosse, parvienne en ce lieu.

Le marteau se soulève. La lumière de la mer blanche se reflète dans sa tête.

Avant qu’elle ne s’abatte sur la cloche.

Le son retentit dans les vallées en contrebas, ricochant sur les nuages comme une pierre sur l’eau.

Sa note est si haute…

… que l’océan pollué craquelle.

Alors que la cloche tremble encore du choc, la chaîne qui la tient à la poutre…

… s’effondre avec elle.

Les lèvres s’entrouvrent devant l’épave qui s’est enfoncée dans le sol. Au bout de quelques secondes le son est étouffé.

La poussière retombe en même temps que le silence.

La cloche a été sonnée.

Et rien n’a changé.

L’une des lèvres de la cosse tremble, tandis que les racines se contractent. Les poings de la machine se serrent.

Et elle frappe l’une des colonnes, arrachant un morceau de bois.

De la sciure sur l’acier.