Préface

2 minutes de lecture

« Il n’y a rien de plus effrayant que la réalité » note Victoire entre deux délires psychotropes.

C’est sans doute cette phrase qui résume avec le plus de précision toute l’ampleur de son récit. Aujourd’hui, bien plus qu’hier, comment lui donner tort ?

Victoire n’est pas un cas isolé, bien évidemment. Elle est symptomatique de l’effondrement des valeurs occidentales et de l’insécurité grandissante qui, entre autres, en découle. Bien sûr, de nombreuses histoires sont bien plus tragiques que la sienne mais d’autres encore bien plus mesurées. Cependant, celle de Victoire, subie en toute innocence, nous fait l’écho tranchant car sobre et incisif de l’enfer moderne.

En cela, je ne pouvais rester impassible en lisant ses journées et ses émois.

Je me suis donc fait le garant de retranscrire le journal de Victoire transmis par ses amis, ceux ayant survécu, et dont je me dois de taire le nom, conformément à leur volonté. Dans leurs messages, l’un d’eux m’a parlé de honte et de regret qui motiverait son anonymat, j’y ai plutôt vu du courage. Ils ont osé. Peut-être pas tout à fait. Mais ils ont enfin offert à Victoire la valeur qu’elle méritait.

Le récit de Victoire, comme celui de tant d’autres femmes d’aujourd’hui, aurait très bien pu se perdre dans les limbes des temps quotidiens (comme elle le dit, elle-même, si bien).

C’est aussi en cela qu’il est affreux, ce récit, peut-être même dangereux.

Nietzsche disait de Baudelaire qu’il était le premier et le dernier. Le vent se lève est également le premier et le dernier ; c’est le cri d’un nouveau-né condamné. Là où le peuple tombe dans une idéologie romantique farouche d’assainissement perpétuelle, Victoire cherchait à trouver quel animal hurlait en elle, d’où venait sa plainte. Un appel de détresse luisant au bout de la nuit.

Mais Victoire nous prévenait, en réalité. Par sa romance, ses délires, ses angoisses puis ses doutes, certes mais les faits sont là. Elle nous prévenait.

Mais moi aussi, j’admets éprouver quelques regrets comme celui de ne pas avoir connu cette femme plus tôt. Car de son absence, je lui conserve la curiosité de savoir ce qu’elle pourrait bien nous raconter, aujourd’hui, en nous voyant parler, en me voyant rédiger ces mots.

Toutes les femmes de France s’appellent Victoire. ◼

Laurent Obertone.

Annotations

Vous aimez lire Axel Fersen ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0