Chapitre XIX : Les gorges d'Yggdrasil
La nuit fut courte. Heureusement, la chaleur des bras de Paflos avait permis à Arion de dormir paisiblement durant ses quelques heures de sommeil. À son réveil, il se trouva seul dans une roulotte cahotante, celle que le patriarche leur avait attribuée à tous les trois. Dehors, le soleil du matin baignait la région de ses lueurs dorées, et perçait au travers des fenêtres.
Emmitouflé dans une couverture, Arion sortit de l'habitacle, et s'assit sur le pas de la porte de la roulotte. Un doux vent d’été faisait frémir les herbes hautes et vint caresser le visage du jeune sorcier. Fleur d'Épine marchait un peu en arrière, à la gauche du chariot. En le voyant sortir, cette dernière, un sourire en coin, le salua :
– Alors, Marmotte. Bien dormi ?
Arion ne put s'empêcher de sourire, et hocha doucement la tête. Les souvenirs de cette incroyable soirée refaisaient surface dans son esprit. Le jeune homme peinait encore à descendre du nuage sur lequel les lèvres de Paflos l’avait déposées. Pourtant, la simple présence de la félidée le ramenait à la réalité. Son cœur se serrait. Il avait été immonde avec elle, par simple jalousie. Tout était allé si vite, avait été si fort, si précipité. Péniblement, Arion redressa la tête vers Fleur d’Épine.
– Oui, plutôt…
– Tu m’étonnes. Ah, et désolé d’avoir été avec vous dans la roulotte, cette nuit. Je vous aurais bien laissé seul, mais j’étais claqué.
Arion pencha alors légèrement la tête sur le côté, ne semblant pas comprendre immédiatement la remarque de la félidée, avant de furieusement rougir. D’un geste de honte, le jeune sorcier dissimula son visage assorti à ses yeux dans les plis de sa couverture. Il n’y avait guère qu’une prostituée pour penser à ce genre de choses. Pourtant, une part de lui ne pouvait lui donner tort…
En voyant la réaction du jeune homme, la félidée éclata d’un rire franc sans être moqueur.
– Ose me dire que tu n’en rêves pas.
– Pitié, ne dites pas ce genre de choses, c’est obscène… cramoisi alors Arion.
– Soit pas coincé comme ça, môme. T’es plus un enfant, Paflos encore moins. Je vous dis pas de brûler les étapes, mais reste pas coincé comme ça ou tu vas juste le faire fuir. Un homme, ç'a besoin de se les vider de temps en temps. Vous vous aimez, c’est joli, mignon, tout ce que vous voulez, mais faut songer à vous “aimer” comme des adultes.
Arion n’ajouta rien pendant quelques instants, comme sonné par les paroles de la félidée.
– Excusez-moi, bredouilla Arion, je vais aller m’habiller, je reviens tout de suite…
Sans attendre la réponse de son interlocutrice, le jeune sorcier s’enferma dans la roulotte. Dans un soupir, il se laissa glisser contre la porte. Aimer… Ce simple mot prononcé par Fleur d'Épine l’avait troublé plus que toutes ses insanités habituelles. Aimait-il Paflos ? Aussi loin que ses souvenirs remontaient, son ami était la personne la plus gentille qu’il n'ait jamais rencontré. C’était un homme d’une loyauté incroyable, d’une douceur et d’une compassion merveilleuse… C’était un ami… Un ami dont il appréciait la stature… Ses bras puissants… Son odeur… Par tous les dieux, à quoi pensait-il ?
Arion se releva alors et agrippa ses vêtements. Il ne savait pas qui il était. Était-il raisonnable d’aimer un autre quand on ne se connait pas soi-même ? Paflos méritait mieux qu’un dangereux sorcier amnésique…
Pourtant, c'est lui, ce dangereux sorcier amnésique, cet étranger, que Paflos avait recueilli chez lui. Lui que Paflos avait logé et nourri pendant des mois. Lui que Paflos avait suivi sans hésiter, au mépris du danger… Lui que Paflos avait embrassé il y a tout juste quelques heures… Paflos…
Le jeune sorcier s’habilla lentement, alors que son esprit se perdait tout contre le souvenir des lèvres de son ami. Son cœur accélérait à cette simple pensée. Que ressentait-il pour Paflos ? Comment devait-il se comporter avec lui, après ce baiser ? Doucement, Arion soupira puis, une fois habillé, quitta la roulotte et descendit marcher avec Fleur d’Épine.
Cette dernière lui lança un petit sourire en coin, en le voyant, penaud, se joindre à elle. Leurs pas se mêlaient à l’herbe aplatie par les roues des chariots. Pendant quelques instants, le jeune sorcier resta silencieux, regardant du coin de l’œil la félidée. Face à ce silence, la félidée s’exclama, goguenarde :
– Eh bien, môme, t’as pas l’air bien réveillé.
Un léger rictus s’empara alors du visage du jeune homme. Son cœur se serrait dans sa poitrine. Il avait été immonde avec cette femme, et elle ne semblait pas même s’en formaliser.
– La… La nuit fut courte, c’est tout…
– J’ai vu, oui.
– Qu’est-ce que ça veut dire, ça ?
– A ton avis, gamin. Tu sais, on vous a tous vu hier soir. Cette jolie petite pelle que vous vous êtes roulé.
– Et alors ? répondit sèchement Arion.
– Oh là, te fâche pas, môme. Je suis contente pour vous, c’est tout. Paflos à l’air d’être un mec réglo, et vu comment ton côté instable, cette relation ne te fera que du bien.
– On est pas en couple… murmura doucement Arion.
– Tien c’est marrant, Paflos m’a dit la même chose hier, et sur le même ton. À vous entendre, faut croire que ce n’est pas forcément une bonne nouvelle.
Arion se redressa, surpris. Son cœur accéléra subitement.
– Vous avez parlé à Paflos de… Ce genre de choses ?
– Quoi, ça t’étonne ? Tu crois vraiment que ton ours aurait franchi le pas si je lui avais pas conseillé de le faire ? Paflos est sympa, mais j’ai connu des mecs plus entreprenants.
Le cœur du jeune homme s'emballa alors, si bien qu’il crut perdre pied avec le sol.
– C’est à cause de toi s’il m’a embrassé ?!
– Tu veux dire grâce, non ?
Le jeune homme rougi subitement alors que son cœur se serrait. Il avait été immonde avec elle, il aurait été prêt à la tuer. Pendant ce temps, cette prêtresse de Kerda conspirait non pas pour lui prendre Paflos, mais pour le jeter dans ses bras. Il avait été pitoyable. Péniblement, Arion murmura quelques mots, totalement inaudible aux oreilles de la félidée.
–Tu dit quoi ? demanda alors Fleur d’Épine.
Arion se crispa un peu et répéta, tout aussi faiblement, comme honteusement. Doucement, il baissa les yeux, comme pour fuir la réaction de la félidée.
–Nan sérieux, tu as eut une extinction de voix soudaine, môme ? Essaye de le chanter, peu être ?
– Je… Je suis désolé… parvint enfin à dire Arion, le regard toujours bas.
D’abord surprise, la félidée se gratta une oreille, avant de demander.
–Hein ? Mais de quoi, d’avoir roulé une galoche a Paflos ?
–Non… Pour hier… Je n’ai pas été correcte avec vous. continua Arion. Je… je crois que j’étais…
–Jaloux ?
Arion retint un couinement et se referma quelques secondes. Dans sa tête revenaient honteusement les sentiments de haine destructrice qu’il avait ressenti la veille, celui la même qui l’avait presque poussé à immoler la félidée. Face au silence du jeune homme, Fleur d’Épine continua :
–Écoute, môme, t’es mignon, mais j’ai passé l’age d’en avoir encore quelque chose à foutre. Toi par contre, t’as l’air de découvrir l’amour comme un chaton qui découvre qu’il a une queue. Tu trouves ça agréable, chaud, mais tu es incapable de le contrôler. Tu crois vraiment qu’une vieille chatte comme moi va en vouloir au chaton pour lui avoir mis un coup de queue dans le visage ?
Les mots de la félidée carbonisèrent presque aussitôt les joues d’Arion, qui posa ses deux mains sur son visage, comme pour effacer une image affreusement tenace. Bégayant, il gémit :
–Par les dieux, Fleur, pourquoi tout ce qui sort de votre bouche semble aussi salace ?
La félidée ne put retenir un rire aux mots du jeune homme. Un rire si sincère, si tonitruant que Fleur d’Épine se prit net la carriole derrière laquelle les deux marchait. Le bruit de bois frappé, accompagné d’un petit miaulement caractéristique, fit aussitôt pouffer Arion, dont les angoissent s’était envolé avec le rire de la jeune femme. L’intéressée se décolla rapidement du panneau de bois qu’elle venait d’intimement rencontrer, avant de maugréer :
– Qu’est-ce qui foutent ces gob’lin, encore ?
Mais Arion ne l’écoutait plus. Voyant que le convoi s’était stoppé net, il avait quitté le rang pour essayer de comprendre les raisons de cet arrêt, avant d’être happé par la surprise et le gigantisme de ce qui se dressait devant eux. À une centaine de mètres en amont se dressait une grande roche noire. Ce n’était pas une montagne, mais ce n’était plus une colline. Son centre était percé d’une large cavité elliptique qui s’enfoncait profondément dans la roche perçait par endroit sa voute sur plusieurs mètres de large. La roche semblait là depuis si longtemps, qu’elle paraissait tassée dans le paysage. Seul sa moitié supérieur dépassait des collines qui l’entourait de part et d’autre.
Comme pour rendre hommage à ce colosse de jais, les gobelins se mirent à psalmodier quelques mots dans leur langue liturgique. Fleur d’Épine s’approcha alors du jeune sorcier en se frottant le museau. Mais en voyant la masse noire se dresser devant eux, elle ne put retenir un soupir, témoin de son émerveillement.
– Eh bah, si on m’avait dit que leur satanée route sacrée passait par la…
– C’est quoi ? demanda alors Arion.
– Ça, môme, répondit la félidée avec fascination, ce sont les gorges d’Yggrasil.
*****
Après sa prière, la caravane s’était enfoncé dans les gorges. Paflos et Ayaron avançaient seuls une centaine de mètres devant la première roulotte. Leurs pas étaient éclairés par la lumière du zénith, qui perçait par de larges entailles dans la voute et se reflétait dans quelques flaques d’eau que la roche ne pouvait absorber. Au loin se dessinait tout juste au milieu des ténèbres de la roche un œil de chat, qui paraissait tout juste plus grand qu’un grain de riz.
C’était la première fois que l’homme d’armes s’aventurait dans ces gorges mythiques. Autours de lui, l’immensité insondable de cette roche de ténèbre pesait sur ses épaules. Au sol, le filet de lumière, à peine plus large que les chariots, peinait à réchauffer lieu. Tout autours de lui semblait chargé d’une solennité écrasante, froide, presque surnaturelle. Comme si la pierre elle-même ne faisait que tolérer la caravane en son antre.
– C’est étonnant que votre route sacrée passe par les Gorges d’Yggdrasil. s’étonna Paflos dans un frisson, en perdant son regard sur cette roche d’encre.
– C’est justement parce que l’Yggdrasil se trouve ici que la Derekh HaAvot suit ce tracé précis. répondit alors Ayaron
– Je n’aurais jamais imaginé qu’on vous laisse le droit de les traverser.
– Si par droit, tu entends l’accord de vos rois, alors non, nous ne l’avons pas. Mais, vie de moi, si même le Mashmid n’a pas pu nous empêcher de passer par ici, celui qui y arrivera n’est pas né. Ce bois est sacré pour nous.
– L’endroit est étrange, presque…
– Malaisant ?
Le gobelin ricana en dodelinant de la tête, avant de reprendre.
– L’Yggdrasil est chargé de toute la défiance que nous avons eut envers les dieux. Celle passée qui le jeta à terre, celle présente, et celle à venir. Seuls ceux qui respectent leurs volontés et craignent leur courroux ressentent le poids de la culpabilité dans ce lieu. J’aime beaucoup ce lieu, il me rappelle que je suis peu de chose à coté d’Eux.
Le gobelin se tut quelques instants. Sous les ombres portés par le soleil, Paflos cru deviné un sourire apaisé au visage du gobelin.
– Tu me fais plaisir à me dire que tu le ressens aussi. ajouta alors le gobelin. Ça veut dire que tu es une bonne personne, Paflos.
– Je ne sais pas si je suis une bonne personne, mon ami. Mais je fais tout pour agir selon la volonté des dieux.
– Et ce sont les dieux qui t’ont incité à t'occuper d’Arion ?
Paflos se tourna alors, de manière inquisitrice, vers le gobelin. Puis, sèchement, il rétorqua :
– Précise ta pensée ?
– Pourquoi ?
– Si tu es en train d’insinuer que ce sont d’autres pensées qui m’ont poussé à veiller sur lui, alors je crois que nous n’avons plus rien à nous dire.
– Ne t’énerve pas, voyons. Sur la tête de ma mère, c’est pas à ça que je pensais.
– Arion est arrivé dans mon village blessé, c’était de mon devoir de m’occuper de lui. Le reste, ce sont les dieux qui l’ont voulu.
– Bien sur, j’en ai aucun doute. C’est juste que, y’a… je sais pas, une semaine, peu être moins, eh bien un type m’as prédit la venue d’Arion.
– Un type, tu dis ? demanda, intrigué, l’homme d’armes.
– Ouais, un elfe. Le genre magicien, ceux qui lisent dans les lignes de la main dans les foires. Massafir qu’il s’appelait, ou un truc du genre. Sur ma tête d’habitude, je crois pas à ces choses, mais lui, il avait quelque chose d’étrange. Il m’as dit qu’un gamin aux yeux rouge et son ami aux cheveux gris allaient débarouler devant la caravane. Et puis voilà que débarque ce gamin de nulle part. Et puis toi, par-dessus le marché.
– Nous croiser est une chose. Prendre notre défense devant le patriarche et tout faire pour nous aider à rejoindre Tursil Ansar en est une autre. Qu’est-ce que ce magicien a bien pu te dire ?
– Il m’a dit que…
Ayaron se tut quelques instants, laissant son visage disparaitre dans les ténèbres. Le gobelin semblait avoir perdu sa désinvolture habituelle, comme si le froid et l’aura de la caverne avait eu raison de sa bonhomie. Après ce court silence, il reprit :
– Il m’a dit que ton ami allait venger notre peuple des crimes du Mashmid. Il m’a dit qu’il rendrait enfin sa dignité à mon peuple… Ton ami… Arion a l’air de quelqu’un d’étrange. Il ressemble énormément à la Main du Tyran. Mais pas juste physiquement, tu vois ? Y’a quelque chose dans son caractère, ce côté impulsif, bouillonnant… Et pourtant, je crois que je n’ai jamais rencontré un humain avec autant d’empathie pour mon peuple. Je sais pas ce qu’il pense, ce à quoi les dieux l’ont destiné, mais sur ma tête, j’ai envie de croire que vous aider à atteindre Ansar nous sera bénéfique.
– Je ne peux que l’espérer pour ton peuple et toi...
– Je préfère croire en ça qu’en ce que disent certains des miens…
– Vous avez subit des choses affreuses. Les propos de ton chef étaient dur, mais je ne peux lui en vouloir.
– Je ne parlais pas du patriarche, répondit laconiquement Ayaron dans un soupir.
Paflos n’osa pas renchérir. Il avait entendu parler, par quelques lettres de son supérieur, des actes de vengeance aveugle auquel certain gobelin s’adonnaient depuis la chute du Tyran. La majorité de ces petits groupes ne posaient aucun problème aux hommes du roi-lige. Pourtant, un d’entre eux, fanatisé par un certain Amiran, semait tant la mort et la haine qu’il avait poussé les rois d’Ilderaas à le pourchasser avec la même verve que les anciens fanatiques du Tyran Rouge. Dans une lettre de son capitaine, Paflos avait appris qu’en représailles aux crimes de vengeance d’Amiran et ses hommes, plusieurs attaques de caravane gobeline avait eut lieu. La violence engendrait encore la violence. À croire qu’avec des défenseurs de l’acabit d’Amiran, les gobelins n’avaient plus besoin d’ennemis…
Alors que la caravane continuait à progresser entre les gorges de jais, le regard de Paflos se posa sur une série d’échafaudages à l’abandon, érigé le long des parois sur plusieurs dizaines de mètres. À leurs pieds gisait quelques outils de taille ainsi que des blocs de pierres brisés. En voyant cela, le gobelin ne put retenir un soupir méprisant.
– Maudit soit ceux qui s’en prennent au bois d’Yggdrasil…
– J’ignorais que les carrières d’Yggrasil étaient encore en activité. répondit alors Paflos.
– Elles ne le sont pas. Mais ce bois vaut cher, très cher… T’as pas idée de ce qu’on peux acheter avec un bloc à peine aussi grand que moi.
– Je m’en doute, oui. Cette roche est presque incassable et a des propriétés qui font vriller le moindre magicien qui se respecte.
– Cesse de parler de roche. trancha sèchement Ayaron, dont la colère sourde montait en réaction à ces échafaudages. Nous sommes entourés du bois d’Yggrasil, offert par les Dieux aux peuples d’Ilderaas. Nous devions le vénérer, et au lieu de cela, nous le débitons en petit morceau…
– Excuses-moi, je ne voulais pas te vexer. Ce n’est qu’une habitude de le qualifier de pierre, au vue de ses propriétés.
– Aveuglé par leur stupidité, ils ne sauront plus reconnaitre le sacré sous leurs yeux… marmonna alors le gobelin avec mépris, dans sa langue liturgique.
– Est-ce moi qui l’ai abattu ? demanda en réponse Paflos.
Le gobelin se figea quelques instants, honteux d’avoir été compris, avant d’ajouter :
– Désolé… Mais le simple fait de savoir l’Yggdrasil ainsi utilisé me fend le cœur… Rah, sur la tête de tata Tzofiya, si je tombais sur ces salopards, je pourrais bien devenir aussi violent qu’Amiran !
– La couronne devrait l’empêcher.
– La couronne ? La couronne se fiche de l’Yggdrasil, comme elle se fiche des gobelins qui le vénèrent. Si elle pouvait en extraire toute l’essence d’Yggdrasil, elle le ferait. Si elle pouvait l’abattre une seconde fois, elle le ferait. Si elle pouvait finir ce que le Mashmid avait commencé, elle le ferait aussi.
– Tu ne crois pas que tu t’égares un peu ? Tu l’as dit toi même, c’est notre héritage à tous…
– C’est la marque de notre crime. Et c’est foutrement lucratif, alors pourquoi ils s’en priveraient…
– J’espère pour ton peuple que tu te trompes.
– Je l’espère aussi… répondit doucement le gobelin.
Ayaron se mura alors dans un silence réflectif, que Paflos décida de ne pas briser. Au-dessus d’eux, le soleil avait dépassé son zénith, plongeant le fond des gorges dans une semi-obscurité et illuminant les échafaudages. Au fond de lui, il espérait que le gobelin se trompait. Après tout, l’exploitation de l’Yggdrasil était resté proscrite, malgré la chute du Tyran…
C’est une dizaine de minutes plus tard que les deux marcheurs quittèrent enfin les gorges. Face aux deux hommes, à quelques dizaines de mètres, se dressait une colline couvertes d’arbres, et surmontée d’un plateau circulaire de roche noir aux parois strié.
À peine Paflos eut posé un pied hors de ce boyau de ténèbre qu’il fut pris d’un frisson, alors qu’il sentait s’évaporer de ses épaules ce poids étrange. De son côté, Ayaron parti s’asseoir sur une souche, situé non loin de l’entrée des gorges, avant de sortir sa gourde. Il en tira une rasade, puis la tendit à Paflos. L’homme d’armes s’en saisit et imita le gobelin.
– Nous arrivons bientôt à la fin de la Derekh haAvot. Sur ma tête ta présence me dérange pas, grand, mais je doute que le chef vous laisse voir le passage de celle-ci à la route normale.
– Ne t’en fait pas, je comprends totalement. répondit Paflos en rendant sa gourde à Ayaron.
– Tant mieux, alors. Nous devrions bientôt atteindre le village de Lezansar. La femme qui y tient l’auberge nous connait bien, vous pourrez y dormir à l’œil. Vous n’aurez plus qu’à suivre la voie royale par le nord, et vous devrez atteindre Tursil Ansar avant demain midi.
– Je suppose que nos chemins se séparerons à ce moment-là ?
– Eh oui. Enfin en espérant que ce soit la bonne, cette fois-ci. plaisanta le gobelin
– Je ne te le fais pas dire. répondit Paflos dans un rire nerveux, un sourire en coin au visage.
L'homme d’armes vint alors s’asseoir sur l’herbe, à côté de la souche d’arbre servant de promontoire à Ayaron. Le vent de ce début d’après midi venait caresser son visage et emportait doucement ses cheveux d’argents. Il regarda en silence la grande butte face a eux, qui semblait les toiser avec la même force métaphysique que les parois des gorges. Au fond de celles-ci, l’écho de la caravane s’approchait lentement.
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