Chapitre 33 : Par-delà les désunions

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ORANNE


Ai-je vraiment ma place ici ? Tant que je me contente de regarder, tant que je garde la bouche fermée, ils ne risquent pas de m’en vouloir.

Ha, Phedeas, tu sais mieux que quiconque qu’il n’y a rien de pire que de partir trop tôt.

Une ambiance mortifère régnait au sein du cimetière de Vur-Gado. D’un blanc immaculé luisaient les pierres tombales disposées en courbes sur un monticule. Autour des sépultures s’étaient conglomérés des milliers de citadins honorant les hommes et femmes trépassés sur le champ de bataille. Parents, enfants et amis des défunts déposaient pivoines, iris et bégonias, le visage inondé de larmes, que même les plus grands coups de mouchoir échouaient à tarir.

Il existait cependant une personne ne gisant pas encore sous la terre. Par-dessus son linceul, que de similaires fleurs décoraient, elle avait été étendue. Un bras avait été appuyé sur son thorax, l’autre sur son épaule gauche, et sur sa figure aux paupières closes s’exhibait une expression malaisément déchiffrable.

Sa stèle avait déjà été préparée. Sur une roche étincelante et opalescente fut gravé le message éternel, l’hommage attendu, inscrit avec la plus grande des précisions.

« Ségowé Gondiana (139 NE – 158 NE). Une guerrière légendaire en devenir, qui jamais n’exprimera pleinement ses talents. »

Elle avait ton âge, Phedeas. Ta malfaisante tante n’a cure de l’âge de ses opposants. Sa cruauté ne rencontre aucune limite. Faisons en sorte de nous comporter de la même manière à son égard.

En retrait, Oranne s’évertuait à compatir, et échouait nonobstant ses tentatives. Je la connaissais à peine, hélas. Néanmoins retroussa-t-elle ses lèvres au moment où Veha s’effondra. La cadette avait sombré en sanglots avant même l’achèvement de la cérémonie. Nul discours, nul hommage, nul réconfort ne suffisait à la délivrer de cette géhenne. Fuzado l’avait enfermée dans ses bras, lui caressant le haut du dos, mais même ses murmures s’avéraient impuissants. Rien de plus horrible, en effet. Elle qui dirigeait les solennités, Noki devait se retenir de larmoyer. Plus les hommages s’éternisaient, et les fleurs offertes tant sur le soubassement que le creux de ses mains, plus elle y peinait. La cheffe garda malgré tout un visage de marbre quand elle louangea la hardiesse de sa benjamine.

Mais elle ne triompha plus bien longtemps. Pendant que la fossoyeuse plaçait la dépouille dans le creux, l’apprêtant pour son ultime voyage, ses pleurs se répercutèrent sur l’ensemble du cimetière. Noki consentit à être enlacée, fût-ce par des inconnus, et endurer deviendrait peut-être plus facile. Sauf qu’elle fléchissait à davantage à chaque seconde, comme si une pesante charge l’entraînait vers un précipice sans fond. Le pire était que les tréfonds se situaient à quelques centimètres, sous un amoncèlement de terre, sous une épaisse couche de pierre.

Les funérailles s’étirèrent sur des dizaines de minutes lors desquelles aucun hoquet ne faiblit. Peu à peu se vidèrent les lieux, non sans d’ultimes respects adressés à Ségowé et ses sœurs survivantes. De l’espace se libéra tant autour d’Oranne qu’elle respirait de nouveau dans la quiétude, quoiqu’elle persistât à l’écart. Pourquoi je m’éternise ici, pauvre intruse que je suis ? Un jour ce sera mon tour, mais je n’aurai pas autant de personnes pour me pleurer. Ils sont déjà morts.

Fuzado conduisit Veha à l’extérieur avec l’approbation de l’aînée. Laquelle ne se détachait guère de la tombe de Ségowé, à qui elle dédia des chuchotements imperceptibles. Noki reçut alors une main sur l’épaule de la part de Reino.

— C’est ma faute ? s’enquit-il. Est-ce que je dois culpabiliser ?

— Je suis la seule responsable, déclara Noki en se frottant les yeux. J’ai choisi d’emmener Ségowé à la guerre, avec notre plan pour renverser l’impératrice, en étant consciente des risques. J’ai sous-estimé Bennenike, comme tant d’autres avant moi. Il est de mon devoir d’endosser ce fardeau.

— Vous vous sentez responsable pour chacune des vies ? Ils ont pris la décision de vous suivre. Et je suis certain que personne n’a regretté mourir pour cette cause.

— Ça ne change rien, ils sont quand même morts.

— Ne renoncez pas, Noki ! La guerre implique malheureusement des sacrifices, même si j’aurais tout donné pour que Ségowé soit encore vivante. Je dois encore payer ma dette.

S’étendait tant la gravité de ses paroles que Noki le dévisageait, comme sclérosée. D’une main elle effleura son avant-bras, son corps vibrant à son geste, une moue sibylline déparant ses traits.

— Parce que je t’ai aidé à faire correspondre ton corps à ton identité à l’aide de ma magie ? demanda-t-elle. Jamais je n’ai exigé quoi que ce soit de toi en retour ! Je désirais seulement t’aider, d’ami en ami !

— Pour moi, poursuivit Reino, il s’agit tout de même d’une dette. D’autant plus que vous avez dû dissimuler ta magie toutes ces années… La moindre question ou investigation trop indiscrète aurait pu nous trahir.

— Et finalement, je me suis révélée de moi-même.

— La colère était trop forte. Encore une fois, Noki, ne vous considérez pas comme responsable.

— Ségowé et moi avons toutes les deux échoué d’abattre Bennenike à ce moment-là. La différence, c’est que je suis encore vivante. Encore apte à agir. À la prochaine opportunité, je ne la manquerai pas.

— Voilà ce que Ségowé aurait voulu entendre. Consacrer du temps pour la pleurer, bien sûr, mais aussi et surtout continuer ce qu’elle a commencé.

— Nous sommes donc en guerre contre le pouvoir myrrhéen. Une autre rébellion que l’impératrice estime pouvoir écraser en un rien de temps. La délicate question s’ensuit : allons-nous finir comme les insurrections précédentes ? Jounabie Neit, Khanir Nédret, Phedeas Teos et Ruya zi Mudak… Une liste déjà grande. Est-ce que Noki Gondiana s’y ajoutera ? Est-ce que l’impitoyable despote pourra se targuer de m’avoir éliminée ?

— Ce sera différent. Nous allons œuvrer pour.

Ils se fixèrent de pleine résolution. Se suspendirent dans l’intensité de l’instant, désireux de se renforcer en vue des épreuves subséquentes. Tant qu’une flamme les envelopperait, parfois soufflée par l’exacerbation des sanglots, ils réussiraient à s’exhorter. De quoi laisser Oranne bouchée bée alors que chacun de leurs mots s’accrochait. J’avais perdu ma liberté lors de notre défaite, mais ce n’était la première raison de mon chagrin. Noki réussit à garder la tête haute juste à côté du cercueil de sa petite sœur. Comment fait-elle ?

La cheffe s’orienta soudain vers Oranne. Prise au dépourvu, Oranne chercha d’urgence une échappatoire, mais n’eut pas la force de s’y ruer. Son front se plissa, de la sueur exsuda, des frissons courbèrent son échine. Que me veut-elle ? Elle me dévisage comme… Noki se positionna à un mètre seulement de la marchande, qu’elle examina en détail. Reino la flanquait, un brin dubitatif.

Et alors Noki plaqua ses mains sur ses épaules et rapprocha son visage du sien. Oranne manqua de hoqueter, aurait même basculé en arrière si elle n’était pas retenue.

— Nous n’avons pas encore eu l’occasion de faire connaissance, lança Noki. Enfin, pas dans de bonnes circonstances.

— Celles-ci le sont ? douta Oranne. Nous sommes dans un cimetière… Mes condoléances pour votre sœur.

Noki baissa brièvement les yeux, après quoi son intérêt s’aiguisa.

— Merci, souffla-t-elle. Les temps sont difficiles pour tout le monde, n’est-ce pas ? Tes parents ont été sauvagement assassinés dans ma demeure. J’aurais pu les sauver. Mais je n’avais pas prédit que cela arriverait.

— Moi non plus, dit Oranne, des larmes renaissant aux souvenirs. Je ne savais pas… Ce n’est pas votre faute. Nous savons qui est la coupable. Nous savons où elle se trouve.

— Pas exactement. La couarde s’est repliée à l’est de Nilaï, et utilise les forces de cette ville comme bouclier que nous devons traverser ! À ce jour, elle est peut-être même en route jusqu’en Amberadie ! Elle ne quitte que rarement sa chère cité plus de quelques mois.

— Il faudrait donc percer au-delà. Des suggestions ?

Oranne crut que Noki reculerait, toutefois le contraire se produisit. Du rouge s’injecta même dans ses iris, prolongeant les tremblements de la marchande bien qu’elle soutînt son regard. Submergée, en effet…

— Nous sommes divisés et nous devons nous unir, affirma-t-elle. Au nord, très loin au nord, un autre front s’est développé. L’Empire Myrrhéen et la Belurdie ont décidé d’envahir l’Enthelian, et même si Danja soutient ce dernier, ils sont dépassés. Si seulement nous réussissions à les rejoindre… Tant un camp que l’autre est divisé. Et si Bennenike revient vers le nord, elle pourra les écraser.

— Éliminés les uns après les autres, déplora Oranne. Il y a de quoi perdre espoir.

— Difficile de te donner tort. Ce pays est la plus grande puissance de cette partie du monde, si pas du monde entier ! Imaginons que nous appelions le Diméria, le Tordwala, l’Anomyr ou le Komyr à l’aide ? Autant les deux derniers seraient capables de bâtir une coalition, mais les deux autres ? De toute manière, tous les quatre seraient trop intimidés par la puissance de l’empire.

— Mais rien ne nous empêche d’essayer.

Noki s’apprêta à répondre, mais arqua un sourcil, comme interrompue dans son débit. Elle n’y avait pas pensé ? Aussi grandes soient ses forces, elles sont insignifiantes face à celle d’un pays entier. Doroniak a essayé, puis Amberadie, et maintenant Kishdun. Efforçons-nous de trouver la différence qui nous rendrait victorieux. Par laquelle j’assouvirais ma vengeance. Elle renforça alors son emprise sur Oranne, si bien que Reino dût adoucir son contact.

— Ces pays ne sont pas des vassaux de l’empire et refuseraient donc de prendre mes troupes à revers, songea-t-elle. Mais s’allier contre Bennenike ? J’imagine que je peux envoyer quelques lettres. Même s’ils répondent positivement, impossible de les attendre.

— Car le temps nous est compté ? s’inquiéta Reino.

— Précisément. J’ai rassemblé les troupes de la région… Celles qui me soutiennent, en tout cas. Nous garderons Kishdun et nous avancerons jusqu’à Nilaï, et puis Amberadie.

— Vous êtes déterminée à prendre la capitale ? s’étonna Oranne.

— Pourquoi pas ? Phedeas s’y était bien risqué. Et je ne suis pas là pour te formuler une diatribe moralisatrice. Tes choix et tes souffrances t’ont menée jusqu’à moi. Oranne Abdi, souhaites-tu être mon alliée ?

Un éclair d’hésitation fendit la jeune femme là où elle s’était imaginé accepter tout de go. Pourtant la transpiration avait cessé d’exsuder, pourtant elle appréhendait la résolution sillonnant le visage de son interlocutrice. Une cheffe d’une cité, doublée d’une grande guerrière, me demande mon aide ? Moi, la rebelle ratée, celle qui a supplié à sa belle-tante de l’exécuter par-dessus le cadavre de son fiancé ? Une telle aubaine ne se représentera pas de sitôt.

— Je le serai, déclara Oranne. Mais… Je ne suis pas comme vous. Je ne maîtrise pas les armes. J’ai essayé de m’infiltrer dans le Palais Impérial, et vous avez constaté le résultat.

— Des erreurs du passé, concéda Noki. Tu n’es pas une ratée pour autant. Accompagne-nous, et tu sauras où ton utilité sera.

— Je… Je ferai de mon mieux. Je vous suis reconnaissante, merci.

— Nous avons une vengeance commune, autant allier nos forces. D’autres atouts nous seront précieux. Même si Horis est intervenu sans prévenir, il a éliminé bon nombre de miliciens. Où sont ses amis et lui ? Je m’en veux de les avoir abandonnés… Je dois les contacter. Rentre donc. Nous nous reparlerons bien assez vite.

Oranne ne s’exécuta pas instantanément. Elle vagabondait parfois dans son esprit, et quand elle gambergeait, c’était pour que de nouvelles idées mûrissent. Or la proposition la laissait flattée, et elle sourit même à l’intention de Noki, qui lui tournait déjà le dos. Ses traits se plissèrent cependant peu après. Au moment de faire volte-face, abandonnant ce lieu où elle risquerait de revenir sous peu, des sanglots vrillèrent ses tympans.

Hantée durant les prochaines semaines, atteinte jusqu’à la fin des temps. Noki, ce n’était pas la peine de dissimuler vos émotions devant moi. Pleurer ne vous rend pas moins forte. Mais j’ai comme le sentiment que vous voudriez rabattre votre rage sur quelqu’un en particulier…

La dernière fois que la marchande cheminait au sein de Vur-Gado, elle errait de rues en rues, tiraillée par la faim et la soif, dévisagée par moult yeux fureteurs. Désormais marchait-elle la tête haute et bifurquait sans hésiter une seule seconde sur la voie à entreprendre. Elle recevait certes des regards inquisiteurs à cause du crâne suspendu à sa ceinture, mais elle les ignorait, raidie et les poings fermés.

Sa chambre dans la demeure ne fut pas sa destination. Au lieu de quoi Oranne s’enfonça dans quelque profondeur. Sous une série d’escaliers envahis de poussière et de toiles d’araignée, des cellules aux barreaux rouillées s’alignaient, tout juste éclairées par les chiches rayons solaires perçant à travers l’embrasure. Geignements et autres lamentations rythmèrent le parcours de la diplomate qui n’accorda pas le moindre instant d’attention aux esclavagistes.

Une jeune fille était étendue au fond de ce couloir, silencieuse au contraire des autres prisonniers.

Phedeas, et si nous saluions ta petite sœur ?

— Bonjour, Dénou ! fit Oranne d’une voix glaciale.

Un grognement s’échappa de l’adolescente. Ripant sur le sol humide, Dénou tremblait rien qu’en se relevant, toutefois gardait-elle une hargne suffisante que pour toiser sa rivale. Elle a encore du mordant, la petite.

— Tu savoures l’ironie de la situation ? s’irrita-t-elle. Les rôles sont inversés, hélas. J’aurais été souvent captive, et j’ignore si je retrouverai ma liberté un jour…

— Je serais mesquine ? s’écria Oranne. Écoute-la donc se plaindre, mon chéri. Je me comporte mieux que mes ennemis.

— Alors pourquoi tu es venue ici, sinon pour me narguer ? T’entendre parler à un crâne ne plaide pas en ta faveur, d’ailleurs.

— Car j’avais envie de discuter avec toi, voilà tout.

Croisant les bras, fronçant les sourcils, Dénou jaugea longuement son interlocutrice. Des éclairs semblaient tant jaillir de ses yeux qu’Oranne crut chavirer. Ce pourquoi elle saisit le crâne de son amour qu’elle plaça à hauteur de sa tête. Un simple dialogue, peut-être, mais je suis certaine que tu me protèges.

— À quel sujet ? questionna Dénou.

— Déjà, expliqua Oranne, tu n’auras pas le bonheur de révéler les véritables plans de Noki. Elle s’est dévoilée lors de la dernière bataille.

— Rien d’inédit là-dedans. Noki m’a tout raconté.

— Vraiment ? Elle souhaitait s’entretenir avec sa prisonnière.

— Et elle m’a insulté de tous les noms au passage. Je n’ai pas pleuré, j’ai l’habitude d’être méprisée. Je m’attendais cependant à ce qu’elle me torture, avec ou sans interrogation, pourtant elle n’a pas touché à une seule parcelle de ma peau !

— Parce qu’elle vaut mieux que ta tyrane de tante.

— Vous pourriez l’appeler autrement, pour changer ? Dans certains pays, il est interdit d’incarcérer des mineurs, et encore moins de les torturer. Noki s’inspire sans doute de ces lois. Une initiative à appliquer partout, hormis si ce sont des mages. De vieux enseignants corrompent déjà les jeunes esprits.

— J’ai l’espoir que tu t’améliores avec le temps. Mais il te faudra repartir de loin. Tu es encore jeune, et…

— Pas beaucoup plus que toi, j’ai fêté mon seizième anniversaire il y a peu ! Et vi combien tu t’inclinais devant mon aîné, je suis aussi plus mature que toi.

Cette fichue gamine se croit plus maligne que moi ? Hors de question ! Des nerfs se tordirent, des joues se creusèrent, des paupières se plissèrent. Oranne plaqua le crâne de Phedeas contre ses tempes tout en se rapprochant des barreaux. Son cœur bondissait alors contre sa cage thoracique sans parvenir à faire chavirer l’adolescente.

— Phedeas m’a trahie, Phedeas m’a menti, je l’ai bien compris ! Pouvons-nous parler d’autre chose ?

— L’évoquer me permet de te narguer. Et même si j’oubliais cet enfoiré, tu fais tout pour me rappeler ton existence. Et si tu te débarrassais à tout jamais de lui ? Il est mort, admets-le ! Il ne vit plus à travers toi, et encore moins au travers un tas d’ossements inanimés ! Ma tante s’est bien chargée de dépecer son cadavre, qui n’a pas eu droit à de quelconques funérailles !

— Noki ne te torturera pas, mais qui te dit que je ne m’y adonnerais pas ?

À la parole succéda le geste. Ébranlée, estomaquée, Dénou s’agrippa au mur derrière elle. Ses jambes flageolèrent tant qu’elle atteignit la rupture de son équilibre. Elle s’assit par terre, de la sueur luisant au cœur de l’opacité, et claqua des dents.

Oranne éclata de rire avant de remettre le crâne à sa ceinture.

— Une belle preuve de ta crédulité ! se gaussa-t-elle. Bien sûr que non, je ne vais pas te torturer. Je ne suis pas comme Bennenike. Personne ne te blessera. Ni moi, ni Noki, ni qui que ce soit. Tu devras vivre avec le poids tes erreurs.

— Je n’en ai commis aucune ! Ma loyauté va envers ma famille. Phedeas respirerait encore s’il l’avait réalisé !

— Tu te penses en meilleure position que lui ? La liberté est un bien précieux que tu gâches malgré ton jeune âge. L’unique personne de ta fratrie dans une bonne position, c’est Renzi.

— Je dois l’admettre que je la jalouse un peu… Ma vie importe bien peu face au maintien de l’ordre impérial.

— Il est plus fragile que tu ne l’imagines. Aucun empire n’est éternel. L’histoire l’a prouvé à de maintes emprises.

Puisant la vigueur qu’il lui restait, Dénou enroula brutalement ses mains autour des barreaux. De la bave écumait depuis sa bouche comme elle fixait Oranne avec haine. Pas totalement vaincue…

— Les empires Usholia et Koneraï n’ont duré quelques siècles ! tonna-t-elle. Le nôtre existe depuis plus d’un millénaire ! Chaque insurrection a été réduite dans les cendres auxquelles elles étaient condamnées ! Et pourquoi tu parles de renverser l’empire ? Kishdun a des volontés indépendantistes en plus de Gisde ? Vous avez besoin de notre puissance pour résister aux invasions extérieures ! Ou bien vous pensez être de taille face au Diméria ou au Tordwala ?

— Ils ne sont pas nos ennemis, corrigea la diplomate. Vous, en revanche… Je choisirai le camp qui mettra fin à la tyrannie. Peu importe ce qui suit après.

— Tu utilises des mots que tu ne maîtrises guère. Cette « tyrannie » que tu dénonces a apporté richesse, prospérité et stabilité dans chacune de ses régions. Au prix de nombreuses vies, mais quelle est l’alternative ? Le chaos. L’écroulement des civilisations. Vous danserez sur des ruines !

— Nous verrons bien. Tu seras aux premières loges pour y assister, Dénou. Noki t’emmènera, puisque tu représentes une otage de valeur.

— Et ainsi viendra, un jour ou l’autre, l’occasion de revoir ma tante. Je vous en suis reconnaissante.

— Toujours le dernier moi… Une victoire de débat n’est pas un triomphe militaire. Tâche de t’en souvenir.

Oranne partir avant que Dénou eût l’occasion de répliquer.

D’abord elle crut jubiler intérieurement, mais en réalité, de nouvelles incertitudes la taraudaient.

Sans avoir besoin de se retourner, elle sut que l’adolescente la suivit du regard jusqu’au moment où elle s’éloigna de l’obscurité.

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