A l'origine

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 Le Gardien entra alors dans un long récit qui ne coupa pas la monotonie de la journée. Le groupe continuait de marcher en direction de la montagne, se fiant à la connaissance des Steppes de l’Orque. Elle ouvrait le chemin, l’Elfe fermait la marche. Le Nain marchait une bonne foulée devant le Gardien et Armand était à peu près à son niveau sur le côté quand il le pouvait ou bien derrière le Gardien quand il fallait tenir une file unique.

« J’ai ouvert les yeux un jour, j’était allongé par terre dans l’herbe. J’ignorait où j’étais et je n’avais pas souvenir de mon passé, je suis arrivé dans le corps type d’un Humain de 18-20 ans à peu près. Autour de moi, tandis que je me relevais, de l’herber des plaines à perte de vue. Mais à trois cents mètres de moi se trouvait une arche de pierre gigantesque dont la surface portant transparente était animée comme par des petites vagues. Curieux je m’approchais de cela sans aucune crainte. Quand tout à coup, mon pied droit marcha sur quelque chose de résistant. Une épée. Une épée de tout ce qu’il y a de plus épée, aucune décoration, aucun travail supplémentaire qu’une simple épée. Mais lorsque je la prise dans mes mains, et bien que je sache ce qu’était une épée, je n’avais pas le souvenir de m’en avoir servi une fois, une lumière bleue m’enveloppa tout doucement. Elle était apparue à la garde de l’épée, remontait le long de mes bras et petit à petit englobait tout mon corps. Je sentais en moi une énergie nouvelle m’animer.

Ce n’était pas une énergie comme vous pouvez l’imaginer. Ce n’était pas l’absence de fatigue qui m’imprégnait ou un regain de moral et je me sentais prêt à tout affronter, non, c’était une énergie d’une autre nature… encore aujourd’hui j’aurai du mal à la définir. Hum… d’un coup mon être complet ne se savait plus aucune limite ni contrainte. Quelque chose comme ça. Et c’est un sentiment qui persiste bien des milliers d’années après, je suis capable de faire tout ce que je désire, il n’y a plus de notion de temps, d’espace, de présence de mon corps ici et de son absence là-bas, non, ceci n’existe plus, comme oublié. J’étais totalement changé.

Je n’avais pourtant pas plus de temps que cela pour penser à tout ce qui m’arrivait que l’arche de pierre devant moi s’est animée de soubresaut violent. Et d’un coup une Org menaçante en sortie et elle me chargea.

- Cette engeance de l’Enfer !

- Oui et elle ne fit pas long feu cette engeance si je me permets cette plaisanterie. Elle me chargea et mon réflexe fut de sauter au-dessus d’elle. Impossible me direz-vous, non. Mon saut fut si haut que l’Org passa en dessous et le temps qu’elle fasse à son corps demi-tour, je finissais mon bond en atterrissant sur sa tête, mon épée plantée jusqu’à la garde dans son front. Plus que faire un bond si haut que j’ai battu des records, j’ai également guidé mon saut en l’air pour le faire atterrir pile où il fallait. Mais étais-je vraiment maître de mes gestes ? Des gestes que je n’avais jamais faits auparavant et que je faisais à présent avec une grande aisance. Cette question me hanta un petit temps, le temps que je descende de sur le cadavre pour le regarder et en faire le tour une fois.

A ce moment-là apparut 3 personnes autour de moi. Ils n’apparurent pas de la façon de l’Org en passant par la porte mais ils apparurent comme j’apparais moi, c’est-à-dire, c’étaient des Gardiens. Ils se présentèrent ainsi à moi. Voilà commence cela a commencé pour moi. Je vais boire un petit peu d’eau à présent et je reprend.

 « Je vous passe les premiers échanges eus avec mes camarades. Ils ont ressemblé, je pense, aux premières discussions que nous avons eues : qui êtes-vous ? Gardien de quoi ? qu’est-ce que c’est ? L’Enfer, les Portes, les dangers du chaos, et toutes sortes de ces choses. Et ce n’est que plus tard, avec le temps, que je compris tous les enjeux. Nous étions quatre, quatre Gardiens de l’Equilibre. Œ était la plus ancienne et elle était ce qu’on peut définir par notre cheffe. Et notre objectif était, hum.. eh bien, de parcourir la surface de la Terre d’E et de découvrir tous les endroits où l’équilibre commun, ou le bien nommé Equilibre avec son e majuscule, était en danger. Être quatre était peu mais avec cette chose illimitée qu’on avait, notre pouvoir, on pouvait être à plusieurs endroits en même temps, aller dans le passé, dans le futur, partout où notre pouvoir d’imagination et notre force de volonté était capable de nous projeter. Et si on avait un doute, parce que cela existait, Œ était là pour nous le faire disparaître.

- Et est-ce qu’un Gardien de l’Equilibre, ça boit, ça mange ? Demanda avec ironie le Nain.

- Non. Du moins, je bois sans soif, je mange sans faim et sans aucun effet. Je dors sans répit, mon corps n’a aucun besoin.

- Qu’est-ce que cela fait d’être à plusieurs endroits en même temps et à faire des choses différentes ? Questionna Armand.

- C’est, hum… inexplicable, j’en ai peur, seigneur Nain. Chez vous, l’organe qui guide tous vos faits et gestes, qui vous fait penser en amont et réfléchir à ce que vous allez faire ou dire se nomme cerveau. Du moins il se nommera ainsi, un jour, et il communique en tout instant avec l’ensemble des parties de votre corps, il voit ce que voient vos yeux, ressent ce que ressentent vos pieds, vos mains, la douleur, et agit en conséquence. Si physiquement je suis à plusieurs endroits en même temps, dans l’intégrité de plusieurs corps physiques distincts, je devrais alors avoir autant de cerveaux différents que de corps, donc autant de décideurs différents, rien physiquement ne serait capable de guider dans une même ligne tous ces acteurs. Pourtant, si. Mais je ne peux expliquer ce que c’est, ni même vous décrire comment cela se vit, je ne sais pas. Œ l’aurait peut-être sue… enfin, ma précédente.

- Comment était la Terre d’E, qui la peuplait avant ? Au tour de l’Elfe de poser une question.

- Avant l’arrivée des tribus des Humains, des Clans des Orques, des groupes de Nains et de la Famille Elfe ?

- Oui, avant les races supérieures.

- Avant… c’était il y a bien longtemps et je n’en garde que peu de souvenir et un serment m’interdit de tout révéler… Avant, eh bien c’était calme. Avant la quête des Gardiens, cet Equilibre que nous devons surveiller n’avait pas besoin d’être protégé parce que rien de ce qui existait sur la Terre d’E n’allait le fragiliser. Avant, c’était la paix sur l’ensemble de la Terre d’E et tout un chacun vivait une vie paisible.

- Qui était ces gens ?

- Je ne peux le dire.

- Qu’est-ce qu’il s’est passé pour que cet Equilibre que rien n’agresse en arrive à être mis en danger ? Tentat de recadrer Armand.

- L’Enfer.

- Avec un e majuscule, ou bien le synonyme de bor..

- Oui, cet Enfer-là. La personne du moins, pas encore toute sa création. C’était une de ces personnes qui vivaient dans une paix idyllique. Jusqu’à ce qu’il verse le premier sang lors d’une jalousie de terrain, puis qu’il se rende compte que c’est facile de prendre par la force ce que l’on désire, puis qu’il prenne plaisir à faire violence… bien que son corps se transforme petit à petit en flamme incandescente et le consume entièrement.

- Oh. Ne pu s’empêcher de dire Armand qui commençait à perdre pieds face à toutes ces révélations.

- Mais vous allez le voir, cet Enfer, et ce qu’il est devenu. »

 Ces derniers mots restèrent en suspens quelques temps, peut-être bien une minute. Puis le groupe traversa une nouvelle zone difficile des Steppes où il y avait de plus, selon l’interprétation du Gardien des ronronnements de l’Orques, des sables mouvants. L’autre méfiance à avoir était que le groupe entrait dans un des territoires de chasse des autruches des Steppes. Animal féroce et plus menaçant que toute espèce de loup ou tigre que l’on rencontre couramment dans la région. Les autruches des Steppes sont redoutables, elles mesurent quatre mètres de haut avec leur long coup, courent à des vitesses insoupçonnables et surtout… eh bien elles sont carnivores, voire omnivores, rien ne leur résiste bien longtemps. Dans quelques clans Orques, se mesurer à une autruche des Steppes fait partie des rituels d’accomplissement des jeunes guerriers. Sur dix candidats, lorsqu’il y en a deux qui reviennent c’est exceptionnel. Depuis peu, avertissait le Gardien, les autruches d’ici se sont mis à chasser en groupe. Elles sont donc encore plus dangereuses. Alors la marche se fit dans un silence total et il fallait être le moins voyant possible quand le chemin empruntait des passages à découvert.

Ce fut fait dans ces conditions pendant des heures en fait jusqu’à ce que le jour arrive à son terme. La montagne solitaire semblait encore lointaine et sa taille ne faisait qu’augmenter à vue d’œil. A présent, lorsque l’un des membres du groupe regardait vers l’Ouest, il ne voyait plus que la montagne et les Steppes vides et silencieuses jusqu’à elle.

« On est en sécurité pour monter un camp ici et faire un feu ? interrogea Armand

- Plus ou moins, oui, répondit le Gardien.

- Je monterai la garde pendant que vous vous activerez à préparer ce qu’il vous faut.

- Ne nous embêtons pas plus que cela. Regardez. »

A l’invitation du Gardien, tout le monde regarda autour de lui pour voir que, autour de lui, était déjà préparé 5 couches et qu’un feu crépitait tranquillement comme s’il était là depuis un quart d’heure.

« La journée a été longue, c’était la première d’un long périple, reposez-vous convenablement, je m’occupe du reste. »

Et il s’éclipsa derrière un fourré à deux pas de lui tandis que les membres du groupe commençaient à prendre leur aise. Le Nain ôtait une partie de son armure métallique pour laissait apparaître une veste et un pantalon de cuir léger.

« Il y a des animaux sous la surface ? demanda Arman

- Hein ? Ah, vous demandez à cause de mes vêtements ?

- Oui

- Oui, on élève des troupeaux, on a les mêmes animaux, juste qu’à force, ils ont pris l’habitude comme nous de ne pas voir le Soleil.

- C’est-à-dire que comme vous, ils mangent de la zi.. heu…

- Du Zira, oui, on en prend tous sa part. Certains tous les jours, d’autres une fois de temps en temps/

- Je vois. »

Le temps de l’échange les deux s’étaient installé confortablement autour du feu. L’Elfe restait légèrement sur ses gardes et scrutait les Steppes vers l’Est, regardant le chemin parcouru.

« Des terres d’un étrange… calme. Pas un oiseau ne chante, pas un renard ne passe, rien… alentour, rien. »

A quoi l’Orque fit signe et exerça un mime assez drôle des autruches en esquissant leur long cou.

« Ah, vous voulez dire que les autruches sont responsables de la désertion de tous les animaux ?? »

L’Orque acquiesça.

« Eh bien, je ne voudrais pas en rencontrer une. »

Après quoi chacun s’installa autour du feu et pendant un long moment les quatre membres du groupe raconta quelques bribes de sa vie passée. L’Orque se contenta d’écouter avec attention, jetant des regards réguliers autour d’elle pour surveiller l’extérieur.

 Après une nuit calme mais sans rêve, Armand s’éveilla avec les premières lueurs de l’astre céleste, ses camarades de groupe déjà à s’activer. Et le Gardien de l’Equilibre qui paru en sortant du bosquet par lequel il avait disparu au précédent soir.

« Une petite faim, une petite soif ? » demanda-il en présentant des rations de nourriture allant avec le régime de chaque race : des galettes de légumes pour l’Elfe, du zira avec des tiges de légumes ou de fruits que Armand ne reconnut pas, de la viande séchée pour l’Orque et pour Armand également. Et tous avaient droit à une eau pure ainsi qu’un fruit frais.

« Eh bien, c’est Œ ! » s’exclama le Nain. Armand mis du temps à comprendre qu’il ne venait pas de dire cette expression commune de profusion, mais bien de nommer le Gardien.

« Avez-vous bien dormi ?

- A dire vrai, j’ai dormi, oui, mais ni bien, ni mal… une nuit sans rêve assez étrange.

- Je vois ce que tu veux dire, Armand. C’est cette terre qui veut cela. La partie des Steppes que nous venons de traverser, morne, froide, sans saveurs ni couleurs, rend tout insipide, c’est une terre maudite par une ancienne malédiction que je mettrais du temps à vous raconter. D’abord mangeons ce que je vous rapporte, bien frais, oubliez ce que vous avez dans vos sacs, ils n’auront aucune saveur, ils ont reçu l’influence des Steppes maudites. Demain ils seront de nouveau bons. »

A ces paroles qui démontrait une connaissance et une confiance à cette connaissance que personne d’autre dans le groupe, sauf peut-être l’inexpressive Orque, tous lui obéirent. Et après un bon repas de première journée, le groupe rassembla ses affaires et se remis en route.

« J’ai fait le tour des Steppes pendant la nuit, Ulla. Vous aviez raison, même les autruches ont quitté la région, il y a quelque chose de pourrie dans les Steppes de l’Est. Si je trouve le temps de m’y mettre, j’enquêterai. J’irais voir l’Ancienne de votre Clan. »

Les autres membres du groupe s’échangèrent un regard, avant que Armand ne pose la question.

« De quoi parle-t-on vraiment ? quelle est cette « malédiction » des Steppes ?

- Je l’ignore mais j’aurais deux pistes de recherche. Puis peut-être que l’Ancienne du Clan de Ulla aura autre chose, ou bien elle m’avisera que mes soupçons sont exacts.

- Quels sont-ils ?

- La cinquième Porte de l’Enfer qui est dans les Steppes, à l’Est, ont probablement laissé quelque chose dans le sol qui l’a rendu stérile, voire pire.

- Dans le sol ? interrogea le Nain autant au Gardien qu’à lui-même. Les Nains du cousin Blaga pourraient avoir quelques renseignements. A mes dernières nouvelles, ils avaient creusé des galeries vers l’Ouest. Ou bien la Légions, il y a un siècle elle a mené une mission dans les environs, j’ignore cependant ses objectifs.

- Aah, c’est une bonne piste également, merci maître Nain, je prends note de ces informateurs potentiels.

- La Cinquième Porte… inspira Armand.

- Un âpre combat a été mené pour la faire disparaître. Cela fait partie de l’histoire de la chute du Deuxième Empire des Hommes que, hum… les Humains n’ont jamais aimé à s’en souvenir donc ils ont oublié.

- Comme tant d’autre choses, firent l’Elfe et le Nain en même temps.

- Voilà. Mais chose étrange avec cette Porte ce fut sa disposition. Au lieu d’être faite à la verticale avec son arche de pierres, elle a été créée horizontalement à même le sol. Alors je me suis souvent demandé si tant est que toutes les Bêtes de l’Enfer qui sont sorti d’un bond par un côté ont été tuées, quelque chose a-t-il pu apparaître de l’autre côté ?

- Vous ne devriez pas être au courant de cela, et le sentir ? puisque vous êtes Gardien de l’Equilibre rien ne vous échappe.

- Il est vrai. Mais imaginez seulement… après tout, n’étions-nous pas censés être immortels mes camarades et moi ? »

Ce qui laissa un froid quelques instant sur le groupe en train de marcher. Il avait repris son périple en direction de la montagne. Armand prit le temps de cette pause dans la discussion pour observer que le chemin prit par l’Orque les faisait aller légèrement plus au sud que la veille. Comme si l’objectif était de contourner la montagne et non pas d’y accéder par le chemin le plus court : tout droit sur elle.

« C’est pour cela que des observateurs de la terre comme les Anciens Orques ou bien les Nains, me seront d’une bonne aide… Mais bref, trêve de projet d’avenir, concentrons-nous sur la route à faire maintenant. Il faut penser au plus grand mal du jour. »

De nouvelles paroles qui n’arrangèrent pas l’atmosphère du groupe qui se fit d’autant plus pesante.

 Mais après une minute pénible, Armand brisa le silence :

« Je ne voudrais pas paraître irrespectueux mais pour le coup, une interrogation, que je partage sans nul doute avec les autres, m’oppresse après vos dernières paroles.

- Allez-y, parle sans crainte. Je vous ai fait venir ici chacun de vous pour cette raison.

- Voilà qui arrange les choses. A évoquer la disparition de vos collègues et vos prémices de perte de l’omnipotence que vous avez, vous craignez de disparaître à votre tour ?

- Là est bien ma peur. Mais ma disparition, ne va pas rimer avec ma mort, mon décès. Moi je n’y crois pas. Tout comme l’Elu des légendes Humaines et ses successeurs, lorsque j’aurai fini ma mission sur la Terre d’E, je reviendrai à la vie que j’avais avant, avant d’être devenue Gardien de l’Equilibre. J’ignore qui j’ai été avant d’apparaître allongé dans l’herbe, mais l’homme de la vingtaine d’année que j’étais a bien dû vivre à un moment, quelque part, en ce monde ou en un autre, une première partie de sa vie. Je vais y retourner pour la conclure. Mais en revanche… pour vous… lorsque je disparaîtrais, un phénomène sans précédent va se produire. Je ne sais pas lequel, cela dit. Soit il sera positif et vous reviendrez à l’époque antique d’avant les Gardiens de l’Equilibre, une existence où l’Equilibre n’aura plus besoin d’être protégé. Soit cela sera négatif, cela sera synonyme que ma quête a faillit et que l’Equilibre est rompu à tout jamais.

- Merde alors.

- C’est peu le dire.

- Rassurez-vous, cela n’arrivera pas demain. Demain nous allons nous préparer à la confrontation avec l’Enfer, le principal ennemi de l’Equilibre, pour qu’après-demain vous puissiez le battre définitivement. Après quoi je chercherai le prochain ennemi de l’Equilibre, s’il existe. Et moi je pense qu’il n’existe pas, que l’Enfer est la seule menace et je sais également que nous marchons, là, présentement, vers lui pour le vaincre.

- C’est rassurant, oui, comme vous dites. Il en découle une nouvelle question.

- A laquelle je suis persuadé que j’aurai la réponse.

- Pourquoi nous ?

- Pourquoi pas ? »

Répondit-il en rigolant.

« Ah, c’était sérieux ?.. Je ne vous ai pas déjà dit pourquoi vous ?

- Non.

- Toutes mes excuses, j’étais sûr de l’avoir fait. Alors… pourquoi vous ? … hum. Je pourrais vous dire que dans des, heu… dimensions parallèles, à la nôtre où l’espace et le temps est quasiment identiques, je fais le voyage, le même, et je tiens la même discussion, avec quatre autres personnes que vous, mais je pense que vous ne me croiriez pas. Je pourrais vous dire également que je suis allé maintes fois dans le passé en observant si en choisissant d’autres personnes, la mission réussirait ou pas, mais là aussi, je risque de ne pas vous convaincre. Alors je vais répondre que c’est l’intuition et l’omniprésence du Gardien de l’Equilibre que je suis qui à fait ce choix en toute bonne connaissance de la suite. Vous avez été choisi parce que vous avez les profils dont j’ai besoin pour le voyage que nous faisons.

- Ah… j’ai rien suivi. Fit le Nain, légèrement perdu.

- Ce n’est pas bien grave, prenez cela comme les divagations d’un vieillard, ce que je suis, dont vous avez la grande force d’âme d’accompagner dans son voyage. »

Et Armand ne voulait pas en démordre et voulait faire dire au Gardien tout ce qu’il avait à dire.

« Votre dernier voyage, si je comprends bien.

- C’est une possibilité.

- Beaucoup de raisons le laisse penser. Or, si on peut estimer qu’une fois l’Enfer occis pour de bon, cela clora votre tâche ici… ce que je n’arrive à m’expliquer c’est

- Quand et pourquoi ont disparu mes collègues ?

- Voilà.

- Ça… »

Qui fut suivi par une seconde de silence.

« est une bonne question. Et j’ai eu beau me donner six cents années de recherches solitaires pour trouver la réponse, je n’ai fait que perdre mon temps. Œ, ma précédente, avait accueillit l’Elu et l’avait guidé les quatre années qu’il a passé sur la Terre d’E, elle a disparue en même temps que lui. Puis mes collègues l’ont suivi dans la décennie. Nous avons vécu des milliers d’années ensemble sans voir nos corps ni nos esprits vieillir et d’un coup, une fois que Œ a tôt fait de rencontre le premier Elu, elle s’est transformée physiquement… elle a prit d’un coup la vieillesse du monde… et a disparue en poussière. Dans mes bras. Cette disparition a choqué mes amis avec une force telle qu’ils ne s’en sont jamais remis. Ils sont devenus fous, ils étaient terrorisés par la disparition… ils ont prit peur de leur propre mort, imaginez, après tout ce temps passé, d’un coup on te dit, tu vas mourir, sans te laisser le temps, ne serait-ce qu’un peu, pour t’y préparer.

- On dirait que vous, cela ne vous touche plus.

- J’ai eu six cents années pour m’y préparer, là est sûrement la différence fondamentale.

- C’est pas faux.

- Œ, enfin, votre précédente, avait-elle un souvenir de sa vie passée ?

- Oui et non… Non, puisqu’elle est arrivée dans les même circonstances que moi, à la différence qu’elle ne fut accueillie par personne puisqu’elle était la première. Et oui parce qu’elle était persuadée mais sans savoir pourquoi, qu’en sa vie d’avant, elle était tisseuse. C’est tout. Que cela. Mais il fallait la voir passer des heures à observer les femmes à l’œuvre dans leur maison… guidant dans l’ombre leurs mains pour accomplir un travail meilleur encore… elle l’a fait des milliers d’années. Ce qui est la seule raison de la brillante culture du tissage de la Tribu de Oller. Aucune des hypothèses proposées par les historiens Humains. Ni même Elfes par ailleurs.

- Seigneur Rond avait donc raison.

- Oui, il était le seul et n’a jamais été écouté. Et je ne vous révélerais pas toutes les autres interprétations justes qu’il eut sur les Tribus Humaines et les premiers peuples Nains… Il a, lui aussi, eu une petite aide céleste… un grand adepte de la logique, de la raison et de la vérité.

- Vous ?

- Peut-être. »

Et cela se termina par un rire franc et partagé.

 « Qui était vos deux autres coéquipiers Gardiens de l’Equilibre ? » posa Armand plus tard, après que le groupe, continuant toujours sa marche dans les Steppes, échange quelques informations sur la partie des Steppes qu’ils traversent à présent. Très rocailleuses, et elles le seront de plus en plus ils approcheront de la montagne solitaire, elles n’étaient pas ainsi il y quelques centaines d’années. La montagne se disloque en profondeur et avec le temps, des pans assez grands se décrochent et tombent ainsi dans les Steppes. Des années plus tard, il ne reste plus que quelques roches ici où là immergeant de terre, en témoignage.

« Mes « coéquipiers » ? Ah que j’adore ce terme. Oui on peut dire qu’on faisait partie d’une équipe. Et il est vrai qu’après s’être étalé sur Œ puis sur moi, l’altruisme voudrait qu’on parle des autres. Alors je vais assouvir cette curiosité tout de suite : malheureusement pas grand-chose. Commençons par une base essentielle, aucun des deux n’avait de nom, donc je ne peux même pas les différencier ici. Œ seule se nommait, elle était Œ, la Terre et le Cieil réunit en une seule entité. Nous, les autres Gardiens de l’Equilibre, n’avons de noms puisqu’après Œ il n’y a rien d’autre à nommer, ni dire. Ensuite… éh bien nous étions des hommes physiquement d’une vingtaine d’année, j’ai.. heu, j’avais, les cheveux bruns, l’un blond, l’autre avait les cheveux verts, ce qui n’avait rien d’étonnant. Enfin, sur le plan de la personnalité, si Œ avait un amour du tissu et moi une préférence pour la sagesse et l’évolution des sciences, le Gardien aux cheveux bruns étaient particulièrement attentifs aux faits de guerre et agissaient souvent pour limiter au plus grand minimum possible les victimes collatérales. Je me souviens tellement le voir comme si c’était hier, arrêter l’incendie d’une maison durant le sac d’Eter par les Orques pour sauver la vie d’une famille et ce dans la plus grande discrétion du monde. L’idée n’était pas tant de sauver la vie de ces Humains qui pouvaient où mourir dans l’incendie ou se faire attraper et étriper par les Orques… c’était qu’en arrêtant l’incendie à un moment précis, d’un côté la famille allait être trop apeuré pour tenter le moindre mouvement de peur que tout s’écroule, de l’autre, que les Orques étaient remontés dans la ville et ne s’occupait plus du tout du quartier dans lequel était la maison.

- Eh bin !

- C’est peu le dire, là je vous présente l’exemple qui me vient parmi ceux les plus facile à présenter… j’en ai une tripotée d’autre dont expliquer les aboutissants de ses actions s’avèrent impossible. Et d’un autre côté, il y a beaucoup de situation sur lesquelles il a laissé faire les tueries de masse sans rien faire. Je pense qu’il pensait sur l’avenir, il estimait les vies des gens selon ce qu’ils allaient faire plus tard s’ils étaient secourus, ou non. Mais je n’en suis pas sûr. »

Une petite pause silencieuse suivie.

« Quant à celui aux cheveux verts. Eh bien il aimait la nature, c’est là que vous comprenez ses cheveux verts et pourquoi j’ai dit qu’il n’y a rien d’étonnant. Bon, c’est un bien grossie raccourci, mais bref, passons. En l’observant aller et venir, cueillir telle plante, regarder fleurir des bourgeons et surtout expérimenter la nature, j’ai compris beaucoup de chose sur notre pouvoir. Tout nous est acquis comme innés. Tout ce qui est et tout ce que peut faire ou être ce qui est, nous le savons. C’est-à-dire, je sais que, hum… tiens, je sais que le zira est un poison mortel pour les Elfes, par exemple. Pourquoi je le sais ? Et plutôt, comment le sais-je puisque je n’ai jamais vu un Elfe manger du zira ? Je le sais, seulement. Mon camarade, enfin, coéquipiers aux cheveux verts, lui, a expérimenté tous ces savoirs que nous savons sur la nature et ses bienfaits et ses dangers, il a fait des mélanges de textures et autres choses pour constater ce que nous savons. Il a passé beaucoup beaucoup de temps dans son petit atelier qu’il avait au centre de la capitale des Elfes. Et c’est une sensation très étrange de voir devant ses yeux s’accomplir quelque chose de vraiment très technique, à savoir qu’en mélangeant telle chose avec telle autre chose il y aurait une petite fumée noire qui s’en échapperait. Imaginez-vous que vous le saviez, sans savoir comment, et puis après l’avoir vu, vous savez à présent pourquoi vous le savez. Ce changement brutal de type de connaissance et de savoir, c’est un changement vraiment très étrange à vivre. »

Petite seconde, de nouveau, de silence.

« Voilà en quelques mots qui étaient mes coéquipiers. Et je suis en train de me dire… ce que j’ai développé autour de mon camarade aux cheveux verts, je me demande si ce n’est pas ce que faisaient mes autres camarades, chacune et chacun en leur domaine. Imaginez donc, Œ connaissais le métier du tissu et savait qu’en faisant tel mouvement sur l’atelier cela donnerait tel résultat. Mais d’où savait-elle cela ? Cependant, en voyant faire les tisseuses et en les aidant dans leurs mouvements, elle a vu s’accomplir vraiment ce qu’elle savait. Pareil pour le Gardien aux cheveux blonds. Comment arrêtons un incendie ? et qu’est-ce que cela fait de le faire vraiment ? Ou bien, je sais que si je sauve la vie de cet homme à cet instant précis, il sauvera la vie de milliers d’autres personnes jusqu’à sa mort. Comment sais-je cela ? Et surtout, puis-je observer cela en le sauvant et en l’observant le restant de sa vie ? Oui, voilà bien le résumé de nos vies… pendant toute notre existence, nous avons essayé de tester la nature de nos connaissances innées. N’est-ce pas renversant ?

- Complétement ! … complétement perdu je suis… »


 Du temps est ensuite passé en discutant de tout et de n’importe quoi, rien d’intéressant si ce n’est des moqueries sur la lenteur de compréhension du Nain et quelques autres clichés évidemment raciaux. Pour relativiser, l’Elfe a ouvert la discussion sur les clichés des Elfes également et le Nain d’ajouter qu’il est vraiment intéressant de parler cela, de loin, avec le recul, comme si le groupe s’était éclipsé du temps de la Terre d’E, qu’il en était parti.

C’est justement cette réflexion qui ouvrit un nouvelle échange illuminé guidé par le Gardien. Mais d’abord, la curiosité d’Armand comme ouverture :

« Je m’interroge à présent…

- Sur ce qui était avant et le pourquoi du serment que je respecte.

- Voilà, vous savez tout.

- Le serment m’interdit décrire ce qui était avant l’Ere de la Terre d’E que vous connaissez mais je pourrais éventuellement… »

Un silence laissé que l’Elfe prit

- Nous parler du serment. Un serment passé avec qui ? et quel est donc le risque ?

- Voilà les questions : le serment est passé entre nous, les 4 Gardiens de l’Equilibre. Nous avons assisté à, hum, et puis vu ce qu’il arrivait à la vie et à l’existence de la Terre d’E et c’est déjà beaucoup vous dire. Le risque que l’on protège est le suivant : imaginez-vous savoir qu’il fut un temps la paix n’était pas un mot qui était connu parce que c’était une évidence même et parce que la guerre n’existait pas. Lorsque vous, vous êtes en pleine période de guerre, des courants fanatiques pourraient vouloir se créer pour prêcher l’arrêt de toute violence. Ce qui, en soi, serait une quête pleine de bon sens. Mais ce passé idyllique n’en est pas un. Comme nous sommes après cet état, que nous savons et que nous avons vécu cet après, on sait que cet état a une fin. Rêver et projeter revenir en cet arrière idéal n’est ainsi pas une finalité en soi car il sera impossible pour vous d’empêcher que la fin arrive comme elle est venue ou d’une manière différente. Plus fondamentalement, les forces profondes de l’Equilibres sont déjà enclenchées et il est impossible à votre niveau de réussir à renverser cet état de fait. Sauf, sauf.

- En combattant unifié l’Enfer, ce premier responsable du déséquilibre.

- Voilà. Et, au fond, rien n’est moins sûr.

- Ce serment passé, si je puis me permettre une dernière question,

- Permets-toi Armand, permets-toi.

- L’avez-vous passé avant ou après vous êtres projeté dans d’hypothétiques futurs où tout sera connu ? »

La question avait touché juste, du moins était-ce visible, car le Gardien s’arrêta net à la fin de question… et resta une seconde immobile le regard dans le vide.

« Oui… »

Dit-il faiblement, ce qui ne répondait pas directement à la question.

« C’était affreux. Et je constate la perspicacité humaine… le serment de ne rien dire est en réalité là-dessus, donc plus un mot. Mais bien joué, tout de même, d’avoir compris où réside réellement le danger.

- Chapeau ! »

Fit le Nain pour détendre ce nouvel atmosphère pesant de fatalisme.

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