3.    Samaël

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Il faisait nuit noire à Lyisstad, et les tavernes avaient déjà fermé leur porte. La cité fort silencieuse, était endormies.

Fin prêt, Samaël remonta sa capuche et ferma sa longue cape noire. Comme chaque nuit, il se préparait à sortir de sa chambre sans qu’on le remarque, pour s’enfuir en passant par le balcon du hall de l’Aile Rouge. Il avait hâte de s’en aller d’ici.

Samaël s’arrêta près de la porte de sa chambre et écouta attentivement. Il entendait les pas des gardes qui passèrent devant sa chambre puis s’éloignèrent peu à peu. Ouvrant discrètement la porte, il jeta un œil à droite et à gauche. Deux gardes tournaient au bout du couloir. C’était son moment. Il se faufila hors de sa chambre, fermant la porte silencieusement, puis marcha d’un pas précipité en direction de l’Aile Rouge. Au bout de ce couloir, il n’y avait qu’une seule pièce, une chambre inoccupée. Il arriva devant la porte et perçut tout à coup des pas. Il se cacha rapidement derrière une large statue d’un chevalier en armure et entendit des voix parler doucement, le souffle coupé.

« …Ne comprends toujours pas pourquoi tu ne fais pas quelque chose contre lui, Eynard. Tu sais très bien qu’il est derrière l’attaque ! Je t’ai prévenu et j’avais raison. Qu’attends-tu pour agir, bon sang ! »

Samaël se figea. Il reconnut la voix en colère de sa mère.

« Shama, tu ne sais pas de quoi tu parles. Il est leur représentant. Si je l’emprisonne, ce sera le début d’une guerre civile, de la cinquième rébellion Kaaïn. Une rébellion Kaaïn ! Te rends-tu compte ? Je ne veux plus d’affrontements ! Le sang de nos hommes a assez coulé comme ça. »

Samaël fronça les sourcils en reconnaissant son père. Il était confus par cette discussion. Que faisaient-ils dans le couloir de l’Aile Rouge, si tard dans la nuit ?

« Ce n’est pas la même chose. Nous n’avons pas affaire à une armée ici. Ce ne sont que des petits voyous impuissants. »

« Les sous-estimer est une grave erreur, Shama. Tu as bien vu ce qu’il s’est passé avec Faris. »

« Ce qui a failli se passer, nuance ! Notre opération fut un succès. La fille est morte. C’est bien pour ça qu’il faut taper fort maintenant qu’ils sont à genoux, avant qu’il ne soit trop tard. »

Ils s’éloignaient de plus en plus et Samaël avait d’autant plus de mal à distinguer leurs mots. Il devait se concentrer pour percevoir quelques phrases.

« Écoutes, j’ignore quel est exactement ton passé avec… ne veux pas le savoir… Il va falloir que tu lâches cette histoire, il n’y a plus… »

Ses parents disparurent dans le couloir et il n’entendait plus que des voix indiscernables faire écho au loin. Samaël prit sa chance et ouvrit doucement la porte du balcon. Il sortit en refermant rapidement derrière lui. Il inspira profondément, sentant l’air frais de la nuit. L'instant où il s’approcha du rebord, il vit une silhouette encapuchonnée en-dessous.

« Lira ! » souffla-t-il, un sourire aux lèvres qu'il ne put contenir.

La personne leva la tête, révélant le visage charmant d'une petite fille au long cheveux bruns ondulés. Ils avaient à peu près le même âge, environ huit ans et pourtant, elle était plus grande de taille que lui. Son visage s’illumina en le voyant.

« Viens, vite ! Avant qu’ils ne s’aperçoivent que tu n’es plus dans ta chambre. »

Samaël s’exécuta. Il passa au-dessus du rebord et s’accrocha fermement à la rampe. Il se pencha et s’agrippa à une pierre plus bas puis descendit en s’appuyant sur le rebord d’une fenêtre. Il perdit soudain l'équilibre et atterrit lourdement devant Lira. Il sentit ses joues s’enflammer. Il leva les yeux vers elle et la vit sourire d’un air moqueur.

« C’est la onzième fois que tu fais ça et tu n’arrives toujours pas à le faire sans bruit. Trouillard. »

Il baissa la tête, en colère contre lui-même. Elle tendit la main vers lui pour l’aider à se relever.

« J’ai le droit d’avoir peur, non ? »

« Pas vraiment. Ce n’est qu’un demi-étage. Allez, partons. Les autres nous attendent devant le château. »

Ils se faufilèrent discrètement entres les hauts arbustes qui encadraient le chemin jusqu’à la sortie. Ils s’arrêtèrent brusquement, entendant des gardes approcher. Leurs lourdes armures en métal ne les rendaient pas très discret, à tel point qu’on pouvait les attendre arriver depuis l'aile opposée. Les gardes passèrent devant et s’éloignèrent. Les deux complices continuèrent leur chemin vers la sortie. Une fois à l’extérieur, Samaël inspira profondément. Il avait l’impression d’avoir retenu sa respiration depuis le début de son escapade.

« Qu’est-ce qui vous a pris autant de temps ? »

Ils se retournèrent et aperçurent un garçon, pas plus grand qu’eux, les cheveux blonds coupés court, portant une longue cape bleue en velours. Il avait de grands yeux marrons que les filles adoraient, ce qui rendait constamment Samaël jaloux.

« Désolé, Baron, mais j’ai cru que je ne pourrais pas venir du tout. » répondit Samaël.

« Pourquoi ça ? » demanda une autre voix derrière Baron.

Un autre garçon se tenait là, sa cape noir le rendant presque invisible dans l’obscurité. Un grand capuchon couvrait l’essentiel de son visage.

« Mes parents passaient par l’Aile Rouge au moment où j’essayais de sortir. »

Tous le regardèrent, l’air effrayé.

« Tu es absolument sûr qu’ils ne t’ont pas vu ? » demanda Lira, le regard sérieux.

« Certain. Ils étaient trop occupés à se disputer de toute façon. Bon, est-ce qu’on peut partir maintenant ? Qui sait combien de temps nous avons encore ! »

Ils acquiescèrent et s’élancèrent dans les rues de la cité. Samaël courait vite, seule Lira le rattrapait presque. Il sourit. Il savait qu’ils n’arriveraient pas à le dépasser. La joie d’être enfin dehors lui donnait des ailes.

Ils couraient dans les rues, slalomant entre les maisons, essayant de s’éloigner comme ils le pouvaient du château. Ils se dirigeaient vers une des sept portes de la muraille entourant la cité. Samaël continua sa course sans jamais regarder derrière lui, accompagné par ses éternels acolytes. Il n’avait pas de destination précise, pas de but si ce n’est jouer avec ses amis autant qu’il le pouvait.

Ils arrivèrent enfin près d’un énorme portail haut de plusieurs dizaines de pas. Samaël se cacha derrière les murs d’une maison, guettant le moment où les gardes s’éloigneraient. Ils devaient faire le tour des maisons proches chaque demi-heure. Ses amis arrivèrent derrière lui et tous restèrent silencieux. Ce serait bien bête de se faire remarquer si proche du but.

Après un court instant, les gardes se levèrent et marchèrent vers l’une des rues parallèles. Ils disparurent derrière une des maisons. Samaël ne perdit pas un instant et s’élança aussitôt vers le portail. Tous le suivirent en vitesse. Ils pouvaient entendre les pas des gardes non loin de là. Samaël sentit son cœur battre dans ses oreilles. Il ne voulait surtout pas qu’on l’attrape maintenant. Il y était presque !

Enfin, ils arrivèrent à l’extérieur. Pendant un bref instant, il ferma les yeux et se sentit emporté par un fabuleux sentiment de légèreté. Il eut presque envie de crier de joie mais dut se retenir, conscient que les gardes n'étaient jamais très loin. Ils s’arrêtèrent derrière le mur, essoufflés. Leur plus petit ami s’était jeté par terre, sa respiration bruyante. Ils rigolèrent en voyant sa cape couverte de poussière.

« Il faut VRAIMENT que tu arrêtes de te précipiter comme ça ! »

Lira éclata de rire. « Non, il a choisi le bon moment. Tu es juste un froussard, Keelan. »

Samaël lui lança un regard fier. C’était très rare qu’elle complimente qui que ce soit. Il contempla les vastes champs de blé devant eux. Son regard fut attiré par les lumières d’un village avoisinant. Même s’il se situait juste là, de l’autre côté des champs, il n’y avait jamais mis les pieds.

« On pourrai arriver jusqu’à Condort si on se presse » affirma Baron.

« C’est trop loin. » répliqua Lira, l’air soucieuse.

« Non, il a raison. On pourrait y arriver si on court assez vite. » rétorqua Samaël.

« Alors, qu’est-ce que tu en dis ? » demanda finalement Baron.

Tous attendaient Lira pour se décider. Elle jeta un coup d’œil vers lui, fit un clin d’œil puis elle se retourna et se mit à courir vers le village. Ils la suivirent aussitôt.

Tout à coup, une lumière éblouissante apparut au loin, au nord du Royaume. Ils s’arrêtèrent, surpris par cette lueure soudaine à l’horizon. Samaël n’arrivait pas à voir d’où elle venait exactement. Mais il resta là, ébloui par ce phénomène inexpliqué, oubliant où il se trouvait et ce qu’il était en train de faire. Stupéfait, il regardait le spectacle devant lui, d’une rare beauté.

Lira prit sa main, l’incitant à bouger vite mais il était trop absorbé par la vue. Il n’entendit pas les pas précipités derrière lui. Les gardes arrivèrent à ce moment-là, l’empoignant de force. Il ne résista pas. Il savait que sa petite escapade était déjà terminée.

Il se retourna vers ses amis qui s’étaient déjà éloignés, évitant de se faire prendre avec lui. Il put quand même apercevoir Lira lui sourire et Samaël aurait pu jurer qu’il avait lu sur ses lèvres « à bientôt, mon prince », avant de disparaître dans les champs de la cité avoisinante.

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