4.    Royaume de Cricks

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À la frontière entre le royaume de Cricks et celui de Brahaum, un carrosse avançait, escorté de chevaliers. Le convoi suivait le chemin royal et contournait la forêt d’Hyoïde à l’est du territoire. Il faisait certes beau cette lune-là, mais le vent glacial en provenance du Brahaum faisait drastiquement baisser la température.

« Quelle merveilleuse journée ensoleillée ! » s’exclama l’un des garçons dans le carrosse.

« Hmm… » marmonna son frère, assis en face, alors qu’il contemplait les arbres défiler par la fenêtre.

Les deux se ressemblaient fort. Le premier avait l’air jeune, il devait avoir environ quinze ans, l’autre semblait plus âgé, la vingtaine.

« Les gens doivent arrêter de raconter des bêtises sur la forêt d’Hyoïde. » continua le cadet. « Je ne vois rien d’inquiétant là. De beaux et grands arbres verts, de belles tulipes ici et là. Quoi de plus tranquille ! »

« Hmm… »

« Puis, en plein jour, que pourrait-il bien arriver ? La plupart des animaux et autres créatures qui y vivent n’aiment probablement pas la lumière du soleil et se cachent des prédateurs. »

Son frère s’esclaffa. « Qui te dit que ce ne sont pas eux les prédateurs, abruti ? »

« Je préfère quand tu ne parles pas, connard. »

Le carrosse s’arrêta.

« Ugh, ce n’est pas vrai, qu’est-ce qu’il y a encore ? Bande d’incapables… ! » Le grand frère sortit précipitamment, marmonnant des insultes. « Lieutenant, pourquoi nous arrêtons-nous ? »

« Pour nous hydrater et laisser les chevaux se reposer un peu, mon prince. » dit-il en baissant la tête. « Nous ne nous sommes pas arrêté depuis la traversée en bateau à… »

« Et quand est-ce que nous arrivons ? »

« Je dirais dans moins d’un cycle lunaire, suivant la vitesse à laquelle nous avançons, mon prince. »

« Alors, avançons plus rapidement. Je veux rentrer au plus vite. »

Le lieutenant acquiesça et alla prévenir les autres chevaliers. Alors qu’ils remontaient sur leur cheval pour reprendre la route, ils entendirent un bruit de pas précipités non loin d’eux.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? » demanda le benjamin, en jetant un coup d’œil craintif en dehors du carrosse.

« Probablement des écureuils ou des lapins. Retourne dans le carrosse, gamin. »

Celui-ci haussa les épaules et s’éclipsa dans la cabine.

Un des chevaliers surgit de la forêt et s’approcha du lieutenant en courant :

« Lieutenant, je ne retrouve plus Viktor … »

Le lieutenant fronça les sourcils, l’air irrité. Les princes n’étaient pas les seuls à vouloir retourner à la cité royale au plus vite. Il demanda aux autres soldats s’ils avaient aperçu leur camarade, mais rien. Où était-il passé ?

Soudain, un hurlement se fit entendre, provenant de la forêt. Tout le monde brandit son épée. Les chevaliers sortirent des goupillons anti-Lunsors, gravé d'étranges symboles, et se positionnèrent. Le prince courut se réfugier dans le carrosse et ferma la porte.

Les chevaliers se regroupèrent en cercle autour du convoi. Ils pouvaient sentir un mouvement entre les arbres à moins de dix pas d’eux. Mais le silence demeurait assourdissant. On pouvait entendre les déglutissements des uns, la respiration chaotique des autres. Les soldats scrutaient les alentours à l’écoute, à l’affut du moindre bruit, prêts à se défendre au moindre mouvement.

Brusquement, un des chevaliers disparut à la bordure de la forêt comme happé par celle-ci. Ses hurlements étaient tout proches et pourtant on ne pouvait pas le voir. Les autres se retournèrent en même temps, cherchant l’attaquant. Mais il n’y avait rien. Les chevaux qui n’étaient pas attachés prirent immédiatement la fuite. Un des chevaliers fit un pas en arrière, apeuré.

« Maintenez vos positions ! » cria le lieutenant.

Quelques instants plus tard, un autre chevalier fut projeté dans les airs par une force invisible. Il atterrit violemment sur une branche d’arbre qui lui transperça le corps.

« Qu’est-ce que… » commença un des chevaliers avant de s’interrompre, en avalant difficilement sa salive.

Ils ne voyaient rien, ne sentaient rien, n’entendaient rien et pourtant la menace était bien là, quelque part autour d'eux.

Soudain, tous les chevaliers furent envoyés dans les airs, leur corps éclata dans le ciel. Leur sang et organes dégoulinaient des feuilles, peignant le sol en rouge. Seul le lieutenant restait debout, la main tremblante empoignant son épée tant bien que mal.

Un homme apparut à quelques pas, la démarche sereine, comme si rien d’anormal ne venait de se produire. Il était grand de taille, la peau sombre et tenait une fleur dans la main qu’il huma calmement. Ses cheveux bruns, presque noirs, luisaient à la lumière du soleil et son regard était effrayant. Sur ses iris couleur d’encre dansaient des flammes flamboyantes. Il arborait certes le visage et le corps d'un homme mais le lieutenant le savait : il était tout sauf humain.

« Un Impur… » maronna le lieutenant.

Il devait prendre une décision et vite. Sa priorité rester de protéger les princes et il savait qu’il ne pouvait rien faire seul contre cet être terrifiant. Il recula le plus discrètement possible puis courut aussi vite qu’il put vers le carrosse. Mais à peine arrivé près des chevaux qui menaient le convoi, la créature apparut devant lui. Par un réflexe fulgurant, le lieutenant sortit une dague en Lancère et l’enfonça dans son abdomen. A sa grande surprise, l'impur ne broncha pas. Il baissa les yeux, observant l’arme plantée dans son ventre, un petit sourire aux lèvres.

« Comment... »

La lame en Lancère aurait dû le bruler, ou tout du moins la handicaper. Ce n'était pas possible. Pourtant, la créature l'empoigna puis la retira comme une vulgaire épine. Il prit le lieutenant par le cou et le souleva avec facilité. La créature murmura des mots dans une langue que le lieutenant n’avait jamais entendue auparavant puis lui brisa la nuque, sans le moindre effort. Il relâcha le corps inerte qui alla s’écrouler lourdement sur le sol. Avec un rictus moqueur, l’Impur se baissa et ouvrit la bouche du lieutenant pour couper sa langue d’un geste brusque avec sa propre dague en Lancère. Une coulée de sang recouvra sa main qu’il essuya sur le visage de sa victime

Il baissa la tête, inspectant sa blessure calmement. Elle était déjà en train de se refermer.

L’Impur s’avança vers la porte du carrosse sans se presser, sifflotant un air enjoué, comme si les dizaines de corps ensanglantés gisant partout autour de lui étaient insignifiants. Il ouvrit la porte et vit les princes accroupis dans un coin du carrosse, paralysés par la peur. Le plus jeune n'osait même pas regarder la créature dans les yeux. Il jeta la langue ensanglantée du lieutenant dans le carrosse, faisant hurler les frères.

« On peut vous donner de l’or… beaucoup d’or. Tout ce que vous voulez » affirma le grand frère, la voix tremblante.

L'Impur haussa les sourcils, l’air amusé, puis ferma la porte du carrosse avant de se retourner.

Il ramassa sa fleur encore par terre et s'éloigna. Il jeta un coup d’œil au carrosse puis leva la main et d’un seul mouvement, celui-ci prit feu. Les hurlements d’agonie des princes résonnèrent dans la forêt et rapidement, on put sentir l’odeur nauséabonde de la chair humaine carbonisée à des centaines de pas à la ronde.

La créature sourit et disparut dans les airs.

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