Prologue : L'Aiôn de jung
"Croyez-moi ! Le secret pour récolter la plus grande fécondité, la plus grande jouissance de l'existence, consiste à vivre dangereusement !" --- Friedrich Nietzsche.
Ces hommes et femmes capables de trop d'amour, de trop de réflexions, de trop exister, qui oublient de penser pour mourir d'aimer, seuls, qui attrapent des rimes dans l'air et qui en respirent. Il arrive qu'il naisse ces gens qui ont le même caractère que la vie, imprévisibles, sévères et osés...
Tout se cuivrant à l'horizon sous le soleil, j'étais là, fainéant.
Je saisissais l'aura d'un mystère qui me noyait dans le paysage. Les étoiles fleurissaient, tachetant déjà le ciel de petites lumières fines, isolées.
Elles m'appelaient par mon vrai nom, celui que je ne connaissais pas.
Un temps soit fut, mon ombre partit avec les autres faire la nuit.
C'était une nouvelle journée à graver dans le sillage de ma vie. Quelle redite prévisible !
Las de solitude, inondé d'un vide superficiel et l'âme criblée de peines, le café me détachant les sens des nerfs, tout pullulant dans une liberté atroce, j'étais conscient, à l'excès...
Le spasme palpébral mineur de mon œil droit trahissait mon hyperactivité définitive, mon cauchemar.
Tout ce qui pouvait se tisser entre deux personnes était ma vie.
Presque sans sommeil, le regard efféminé, la vue perçante et pénétrante.
Je justifiais surement l'existence de certains mots, sans doute comme vain, vacuité, pathétique, allant jusqu'à certains termes comme dissonance cognitive, libertin, dolant.
Mes dilemmes cornéliens, l'appétence d'aller proche du suicide et de parvenir à reparaître, ma solitude crucifiante, mes excès de vitesses mentaux, mes addictions mutilantes.
Me décidant d'échapper à vivre, la feuille me tendit la main et je lui tendis l'encre, entremêlés dans un langage, nous brouillâmes les pistes de la raison jusqu'à un pays inconnu en moi, ou les mots étaient pris dans des filets de l'impressionnisme et l'épopée d'un personnage liquide debout sur lui-même, Kuro.
Non, je ne suis pas un homme, je n'évite jamais la souffrance, je la comprends.
Je la valorise, la travaille sur mon palais avant de me laisser engourdir dans sa digestion philosophique, dans l'esthétique de savoir tolérer.
Oui, " L'homme est parfois extraordinairement, passionnément, amoureux de la souffrance. " a dit Fiodor Dostoïevski.
Quand j'écris, que je détache adagio le temps du stylo pour amener l'éternité, mon encre donnant replets aux mots, moire aux adjectifs et frissons orgastiques aux parois intérieures de lecteurs, là, c'est-à-dire, je me sens en vie.
Il m'est donné de pouvoir écrire le nom des dieux sans me brûler les doigts, alors je les fais jouer dans mes écrits pour que vous sachiez tous que la tragédie, le mensonge, l'amour, les seins, le vent, le clair de lune et la musique ne sont pas d'ici.
Faust parle de méphisto, Sarte de roquentin, moi, je parle de Kuro, d'un après suicide qui a mal tourné, des deux côtés d'une seule et même chose, la vie.
Je vous dirai ou va l'homme qui souffre trop, qui pêche trop et comment recommencer à l'aube quand on a tout perdu encore et encore.
Encore une fois.
Annotations
Versions