Chapitre 1.0: Retour en silence

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Le bourdonnement feutré des réacteurs se fit plus aigu alors que le sol d'Atlantide se dessinait à l'horizon. Par-delà les hublots teintés de l'avion diplomatique, les montagnes aux crêtes noires émergeaient de la brume du matin, dressant leur silhouette familière comme des gardiens éternels. Nous étions de retour.

Je tournai légèrement la tête. À ma gauche, Jérémy était resté silencieux tout le vol. Il fixait l'extérieur, mais son regard n'y était plus. Il semblait ailleurs, enfermé dans une pensée trop lourde pour être partagée. Sa main gauche — ou plutôt ce qu'il en restait — était posée sur son genou, crispée.

À l'avant, le pilote annonça l'atterrissage imminent. Je me redressai, vérifiant machinalement la stabilité de mes appuis.

L'avion toucha le sol avec une douceur maîtrisée, glissant sur le tarmac privé de la base présidentielle. Le soleil était déjà haut, filtrant à travers les brumes matinales. Depuis la fenêtre, je l'aperçus.

Sa fille, Iris.

Elle était là, postée au bout du tarmac. Massive, droite, son corps d'acier animé de mouvements précis. À ses côtés se tenait Daniel, bras croisés.

L'avion s'immobilisa. Je me levai, adressant un signe à Jérémy.

« Nous sommes arrivés. »

Il hocha doucement la tête, mais mit quelques secondes de trop à se lever. Son souffle était court. Je le vis vaciller.

La descente de l'escalier de l'avion fut légèrement laborieuse, si bien qu'Iris s'élança vers lui pour l'attraper une fois en bas.

« Papa ? Tu vas bien ? Tu veux que je t'aide ? »

« Ce fut si laborieux que cela ? » demanda Daniel, un sourire en coin.

« Ça va, ma chérie. J'ai juste besoin d'un peu de calme. D'aller à l'atelier, » dit-il en lui tapotant le bras mécanique.

« Disons que cela s'est plutôt bien passé, mais je donnerai plus de détails plus tard, » ajouta-t-il en me faisant un geste discret pour ne pas insister.

Je vis sa main gauche trembler, son teint tiré par la fatigue.

« Je vais vous accompagner jusqu'à l'atelier, » soufflai-je.

Il acquiesça tandis que nous nous dirigions vers l'intérieur de la base. Pas un mot. Juste une tension dans l'air.

Nous marchâmes lentement à travers les couloirs du complexe.

Arrivés devant l'atelier, il s'arrêta. Iris et moi aussi.

« Papa ? Je peux entrer avec toi ? »

« Bien sûr, ma chérie, » dit-il en collant son front contre elle. « Mais avant toute chose, vous allez informer le président Atlas ? » me demanda-t-il.

« Oui, » répondis-je. « Le président Atlas en sera informé. »

« Et toi, Iris ? Tu as vu… ? »

Elle hocha la tête.

« Tout vu. Tout compris. Je suis fière de toi. Et inquiète. »

Il baissa les yeux.

« J'ai besoin d'être seul. Juste un moment. »

Je hochai la tête.

« Très bien. Je vais faire mon rapport au président. Reposez-vous, mais n'oubliez pas que vous n'êtes pas seul. »

La porte se referma derrière lui et Iris. Je repris le couloir en silence, préparant déjà mentalement les mots de mon rapport, mon esprit légèrement troublé par l'inquiétude.

Dans la poche intérieure de ma veste, soigneusement protégé dans une pochette plastique, je conservais un chiffon imbibé du sang contaminé de Jérémy, prélevé discrètement dans l'avion. Nous avions pourtant réalisé des analyses sanguines à son arrivée, sans rien déceler d'anormal.

Comment avions-nous pu passer à côté de cela ?

Pour l'instant, je devais garder le silence. Ce n'était pas à lui de m'apporter les réponses. C'était à nous de chercher.

Daniel m'accompagnait, me parlant de ce sur quoi il travaillait actuellement avec Séraphina et Iris.

« Vous devriez passer nous voir à l'atelier, nous arrivons bientôt à la phase de test, » me dit-il avec une motivation palpable.

« Je doute que cela soit plus impressionnant que cette source d'énergie infinie, » remarquai-je.

Son visage changea légèrement. Il sembla hésiter.

« Vous avez sans doute raison, » répondit-il après une courte pause. Puis, presque à voix basse, il ajouta : « Dites… Vous n'avez jamais eu l'impression d'entendre une voix quand vous entrez dans son atelier ? »

Je fronçai les sourcils, étonnée par sa question.

« Comment ça ? »

« Non, oubliez... Ce n'est pas grave, » répondit-il, visiblement gêné.

« Voulez-vous passer un examen médical et psychologique ? Étant souvent en contact avec cette énergie, il se pourrait qu'il existe des influences que nous ignorons, » proposai-je.

Il soupira légèrement.

« J'aurais préféré... » murmura-t-il. « Mais j'ai déjà passé des tests, et jusqu'à présent, tout va bien. »

« Très bien. Dans ce cas, continuez sur votre projet. Je passerai prochainement vous voir, » conclus-je.

Nous nous séparâmes à l'intersection menant au laboratoire. J'y déposai le tissu imbibé de sang, devenu d'un noir profond, avant de rejoindre enfin mon bureau pour me reposer un moment, préparant déjà mentalement la rédaction de mon rapport.

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