Chapitre 1.4 Le Souffle des Songes

4 minutes de lecture

jeremy chapy :

La douleur m’avait enfin quitté, et ma tête se vidait peu à peu. La dernière chose dont je me souvenais, c’étaient les mots que Natali avait prononcés tandis que j’étais allongé sur le sol froid. Des lumières défilaient au-dessus de moi, des couloirs… puis plus rien. La fatigue avait triomphé de mon état, et je m’étais laissé emporter, comme si elle m’avait pris dans ses bras.

Je refis ce rêve… ou ce souvenir. Je ne saurais le dire.

Je marchais à nouveau parmi les champs de tournesols, qui peignaient une vaste plaine d’un jaune éclatant sous un ciel bleu parsemé de nuages traversés de lumière. Je repris conscience que j’étais bien dans un rêve. Et qu’il était enfin temps. Temps de traverser le seuil. Temps de rejoindre son monde. Temps de retrouver ma bien-aimée.

Je m’élevai doucement, porté par le rêve, et franchis une fine membrane, invisible mais palpable, que je sentis vibrer en la traversant.

J’atterris dans son royaume.

Toujours aussi fabuleux. Toujours aussi vaste.

Les constellations dansaient au-dessus de moi, des étoiles filantes coupaient l’horizon, et partout autour, une infinité de structures flottantes se dessinaient, suspendues au-dessus de cette mer de nuages qui servait de sol à son monde.

Je tournai la tête de droite à gauche, lentement. Mais je ne la voyais pas. Après tout ce temps séparés, j’aurais cru que nous nous serions retrouvés immédiatement.

Je fis quelques pas dans cet espace suspendu, mes pieds ne rencontrant que la douceur impalpable du nuage. Le silence n’était pas pesant. Il était vivant. Comme une attente douce, une pause dans le flot de l’univers.

Soudain, je sentis un choc dans mon dos. Il me fit basculer légèrement, avant que deux bras ne m’enlacent tendrement.

Je me retournai. C’était elle.

Ses cheveux longs flottaient autour d’elle comme des filaments du soleil. Elle avait un sourire immense sur les lèvres. Ses yeux, vastes et calmes, reflétaient chaque galaxie qui dansait dans le ciel.

« Tu es enfin revenu, » souffla-t-elle en posant une main sur ma joue.

Je fermai les yeux, juste un instant, pour savourer ce contact. Sa voix, douce et cristalline, me réchauffait l’âme.

« Tu as tant changé, » dit-elle doucement. « Et pourtant, tu restes le même. »

Je la regardai, et les mots me manquaient. Mais elle n’avait pas besoin de réponses. Elle les lisait en moi.

Elle enfouit sa tête contre mon torse et resserra son étreinte. Je posai mon menton sur sa chevelure, refermant mes bras autour d’elle à mon tour.

« Je suis tellement heureux de te retrouver, » murmurai-je, appréciant ce moment autant que le rêve m’en laissait le droit.

Nous restâmes ainsi longtemps, jusqu’à ce qu’elle rompe le silence d’une voix douce, mais teintée de gravité :

« Tu as encore pris beaucoup de risques. Tu n’étais pas obligé d’attendre si longtemps, » dit-elle en me pinçant doucement la peau au niveau du ventre.

Je poussai un léger cri face à son attaque sournoise.

« Je devais terminer ce sur quoi je travaillais… » répondis-je.

Elle recula légèrement, posant ses mains sur mes épaules, comme si elle voulait m’ancrer dans cette vérité.

« Je t’ai senti, même lorsque tu ne rêvais plus. Tu étais trop fatigué pour venir. Trop rongé pour te reposer. Tu as repoussé les limites. Encore. Et encore. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de stable en toi. »

Ses mots n’étaient pas des reproches. C’était un constat. Doux. Mais implacable.

« Je comprends… Je ferai en sorte de ne plus prendre autant de risques, » dis-je en détournant le regard.

Elle saisit doucement ma mâchoire pour rediriger mon regard vers elle. Je pouvais voir une légère tristesse dans ses yeux.

« Ne me fais pas de promesse que tu ne peux pas tenir. »

Elle plongea son regard dans le mien. Je ne sus quoi répondre, jusqu’à ce qu’elle dépose ses lèvres sur les miennes. Et nous partageâmes un moment tendre, suspendu hors du temps.

Je m’abandonnai à elle, sans opposer la moindre résistance. Nos corps s’accordèrent dans ce monde sans gravité, comme si rien d’autre n’existait que cette étreinte. Le silence se fit à nouveau. Mais ce silence-là n’avait rien d’un vide. Le sol moelleux sous nous offrait un confort inattendu à nos retrouvailles.

Il était plein.

Plein de tous les mots qu’on ne disait pas, de toutes les douleurs qu’on n’avait pas encore osé nommer, de tout l’amour retenu pendant trop longtemps.

Je sentis ses doigts se glisser entre les miens.

« Je n’ai jamais cessé de t’attendre, » souffla-t-elle. « Même quand ton esprit sombrait. »

Je fermai les yeux. La chaleur de sa main contre la mienne me ramenait à moi-même. À ce que j’avais fui. À ce que j’étais encore capable d’être.

« Le temps me manque, malheureusement, » murmurai-je.

Elle ne répondit pas par des mots. Elle se pencha simplement et déposa un baiser au creux de ma paume.

Puis elle me guida jusqu’à un arbre qui se trouvait là, dans ce monde. Ses feuilles semblaient serties d’or, et des fleurs étranges, semblables à de petites flammes suspendues, ornaient ses branches.

Nous nous installâmes au pied du tronc, l’un contre l’autre. D’un simple mouvement de la main, elle fit s’ouvrir le ciel au-dessus de nous, dévoilant lentement les étoiles scintillantes qui s’illuminaient une à une, comme des réponses en attente.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Jérémy Chapi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0