Chapitre 2.3 L’appel inattendu

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Pavel Vinogradov

Le soleil se levait doucement derrière les montagnes pendant que je prenais mon petit déjeuner, un café fumant à la main, les yeux sur ma tablette. Je ne suivais pas vraiment l’actualité, mais toutes les chaînes parlaient de la nouvelle principauté qui allait voir le jour. À mes yeux, ça ne changerait pas grand-chose à ma vie.

Mon téléphone vibra sur la table. Je crus d’abord à un message banal de la NASA, même si j’étais en congé. Mon cœur fit pourtant un petit bond en voyant le nom s’afficher : Iris Chapi. Après tout ce qu’elle avait fait pour Elowen... comment aurais-je pu l’ignorer ?

« Bonjour Pavel. Comment vas-tu ? »

« Je vais bien. Ton appel m’a un peu surpris. »

« Désolée, je te dérange peut-être ? »

« Non, ne t’inquiète pas, je triais juste mes papiers. Dis-moi, pourquoi m’appelles-tu ? »

Ma fille apparut dans la cuisine, encore à moitié endormie, attrapa un verre de lait et des biscuits.

« Pourrais-tu venir aujourd’hui à la base militaire ? J’aimerais te parler d’un projet important, et j’aurais besoin de ton expérience. Si tu es d’accord, bien sûr. »

Elowen vint se poser à côté de moi, toujours somnolente, trempant ses biscuits dans son lait.

« Ça ne devrait pas poser de problème, Iris. Je demanderai aussi à ma femme quand elle sera levée et je te tiendrai au courant. »

Au nom d’Iris, Elowen sursauta légèrement.

« C’était Iris, pas vrai ? » me lança-t-elle, toujours aussi perspicace.

« Oui. Elle veut que j’aille à la base, pour discuter d’un projet. Elle n’a pas donné de détails. »

Elowen s’accrocha à mon bras, moins solide qu’elle ne voulait le faire croire.

« Je peux venir avec toi ? J’aimerais la revoir… et marcher encore un peu, ça me fait du bien. »

Je repris le téléphone. « Ça ne te dérange pas si ma fille vient ? Après tout, c’est une base militaire, pas un lieu public… »

« Bien sûr que non, ça ne me pose aucun problème », répondit Iris, sa voix soudain bien plus enjouée.

Elle me proposa la fin de matinée. Je raccrochai et me laissai retomber dans mon fauteuil, un sourire aux lèvres mêlé d’inquiétude. Depuis le sérum, chaque pas d’Elowen était une victoire, même si elle récupérait à une vitesse fulgurante. Qui étais-je pour lui refuser un moment auprès de celle qui avait rendu tout ça possible ?

Un convoi nous attendait déjà. Des militaires nous escortèrent à travers plusieurs zones sécurisées. Elowen, main sous mon bras et béquille dans l’autre, observait tout avec des yeux brillants. Son enthousiasme contrastait avec mon malaise.

À l’approche des hangars, mes réflexes d’ancien pilote militaire refirent surface. L’odeur d’huile, les échos métalliques, le claquement des bottes sur le sol me ramenèrent des années en arrière.

On nous fit entrer dans un immense bâtiment, aussi vaste qu’une cathédrale industrielle. Là, Iris nous attendait avec Daniel. Un soulagement me traversa en la voyant arborer ce mélange d’assurance et de douceur sincère.

« Pavel, Elowen… je suis vraiment contente que vous soyez venus », dit Iris, projetant son image sous forme d’un corps vêtu d’une longue robe bleu nuit filée d’argent. À ses côtés, Daniel nous fit un petit signe de tête complice, habillé en mécano avec sa casquette. Leur tenue tranchait avec nos vêtements civils et surtout avec les treillis militaires qui défilaient autour.

« Tout l’honneur est pour nous, Iris », répondis-je, masquant ma curiosité.

Iris inclina la tête, posa son regard sur Elowen.

« Tu progresses vite. Je te trouve déjà beaucoup plus assurée qu’à ton dernier passage ici. »

Ma fille esquissa un sourire timide. « J’ai encore un peu de mal… mais je voulais te revoir. Et j’ai quelque chose à te dire plus tard. »

Iris sembla touchée, puis se recentra sur moi.

« Où est Jérémy ? Je pensais qu’il serait là aussi », lançai-je, et Elowen me pinça légèrement le bras.

Iris marqua une pause, presque douloureuse.

« Comment dire… mon père est actuellement dans le coma, à cause d’un projet sur lequel il a travaillé. »

« Il n’a rien de grave, j’espère ? » Elowen me pinça encore plus fort, me lançant un regard pour que je n’insiste pas.

« Il se rétablit. J’espère qu’il ne tardera pas à se réveiller », dit-elle d’une voix légèrement triste qui me prouva combien cela la touchait. Puis elle inspira profondément. « Mais passons à la raison de votre venue. »

Iris fit un signe. Les lourdes portes au fond du hangar s’ouvrirent lentement, dévoilant des anneaux immenses, plus hauts que ma maison, illuminant l’endroit de leur lueur bleutée. Mais surtout, au centre, se trouvait un véhicule long et massif, posé sur un train d’atterrissage renforcé. Un bus futuriste, aux vitres teintées, à la coque gris mat, flanqué de quatre réacteurs bardés de câbles et de vérins.

Daniel posa la main sur mon épaule, tout fier.

« Voici le BULTIA. Conçu par toute l’équipe, Séraphina, moi, et sous la supervision constante d’Iris. »

Je m’avançai, l’inspectai comme un nouvel avion.

« Un bus ? Avec ça ? Pourquoi pas dans un centre d’essai plus classique ? »

Iris eut un sourire mystérieux.

« Parce que ce n’est pas un simple bus. C’est une plateforme volante capable de transporter des passagers là où aucun avion classique ne pourrait aller. Il repose sur la technologie des anneaux célestes, mais aussi sur des réacteurs Jack Frost Boost. Ceux que tu as connus sur le Liberty, quand tu es parti avec mon père. »

Elle montra du bras un petit anneau fixé derrière le véhicule, lumineux.

« Je te présente l’anneau céleste Evangelyne. Il alimentera ce véhicule. »

Puis elle plongea son regard dans le mien.

« Pavel, accepterais-tu de participer aux tests ? »

Elowen se serra contre moi, les yeux brillants.

Je clignai des yeux.

« Vous… voulez que je pilote ça ? Moi ? »

Daniel acquiesça.

« Après tout ce que tu as traversé avec Jérémy, tu es le seul en qui nous ayons une confiance totale. »

Je restai silencieux. Un poids étrange me serra la poitrine. Je repensai au sérum, à Jérémy qui avait tout risqué pour Elowen. Peut-être étais-je le seul choix logique.

Iris s’approcha, le regard doux, presque fragile.

« Mon père t’aimait beaucoup. Il t’a laissé piloter le Liberty, il n’aurait pas confié ça à n’importe qui. Ce projet… c’est son héritage. Je veux que tu sois le premier à le tester. »

Je regardai Elowen. Elle me fit un petit signe de tête, un sourire timide aux lèvres malgré sa béquille.

« D’accord… Montrez-moi ce qu’il faut faire. »

Iris sembla soupirer de soulagement.

« Merci, Pavel. On commencera doucement. Je te ferai visiter, puis on passera aux premiers protocoles. Tu verras, le BULTIA est aussi docile qu’il est révolutionnaire. »

Daniel posa la main sur mon dos et nous guida vers le cockpit. Je jetai un dernier regard aux anneaux célestes, massifs et silencieux. Une intuition étrange me traversa .

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