Chapitre 2.4 - Premier envol

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Je me tenais à l’extérieur, au bord du gigantesque hangar, observant la silhouette du BULTIA encadrée par les arches lumineuses. À côté de moi, Séraphina et Elowen se trouvaient, la première concentrée sur sa tablette, la seconde collant presque à moi, le regard brillant.

« Il est vraiment courageux, mon père, vous savez… » dit Elowen, le ton à la fois fier et inquiet.

Je lui adressai un sourire. « Oui, il l’est. Et c’est le meilleur pour cette première. »

Avant le lancement, j’avais ordonné une dernière checklist. « Voyants verts confirmés sur le circuit principal, servocommandes testées, compensateurs alignés. Adamai fournit la puissance. Les Jack Frost Boost sont synchronisés ? »

« Synchronisés et stables, » confirma Daniel depuis le cockpit.

« Très bien Pavel. Train rentré, commence la montée progressive. Un mètre pour commencer. »

Les réacteurs grondèrent, projetant au sol une buée glaciale qui blanchit l’herbe. Autour, des techniciens en gilet surveillaient attentivement leurs écrans et instruments portatifs.

« Magnifique… » souffla Elowen, ses doigts serrant doucement mon bras.

Pavel fit décoller le BULTIA. Il monta à un mètre, les stabilisateurs compensant chaque petite oscillation.

« Les jauges restent dans le vert. Les actuateurs répondent parfaitement, » commenta Séraphina.

Daniel lança d’un ton joueur : « Iris, autorisation pour monter plus haut ? J’ai la zone nord dégagée. »

Je vérifiai les flux sur mon affichage holographique. « Pas plus de cinquante mètres. Lentement. »

« Bien reçu… » fit Pavel, la voix tendue.

Je levai les yeux, le souffle un peu court. L’ombre du BULTIA s’étendait au sol, tandis que l’air tourbillonnait en cristaux de givre. Elowen se rapprocha encore.

« Il a l’air tellement concentré… j’espère qu’il va bien, » dit-elle.

« Il est attentif à chaque détail. »

« Iris… petit à-coup sur le joystick, ça répond sec, » signala Pavel.

« Noté. Daniel, reste vigilant sur les retours d’effort. »

« Tout est bon. Continue Pavel, tu assures. »

Je soufflai, les épaules un peu plus détendues. Séraphina me donna un petit coup. « Tu réalises qu’on écrit l’histoire, là ? »

« Et encore, tu n’imagines pas ce que mon père prévoit avec ce véhicule, » répondis-je.

Chapitre 2.4 - Premier envole vis alors une foule commencer à se rassembler hors de la base pour observer. Mon communicateur vibra : un message privé d’Atlas. « Des hélicoptères peuvent aussi voler à la verticale »

Je souris, amusée. « Pavel, et si on passait au vrai vol ? Toujours en sécurité, puissance réduite. »

« Vous êtes sûre ? »

« Oui, offrons un vrai spectacle à ceux qui nous regardent. »

« Bien reçu. »

Le BULTIA bondit soudain, franchissant le mur du son dans un immense bang. Pavel cria, surpris par la poussée, tandis que Daniel, secoué, perdit presque connaissance. Je gardais un œil attentif sur eux, comme je l’avais toujours fait avec mon père. Daniel tourna des yeux blancs, Pavel parvenait à stabiliser malgré tout.

« J’ai à peine accéléré… » dit-il, encore sous le choc, tandis que Daniel reprenait lentement ses esprits, le teint blême.

« Très bien, réduis la poussée, » soufflai-je.

« Oui, ce serait mieux, » répondit Daniel d’un ton maladif.

Pavel ramena le BULTIA en stationnaire au-dessus de la base. « À quelle hauteur on peut aller ? » demanda-t-il.

« Dans l’espace sans doute… mais je m’en abstiendrais. »

« Pourquoi ? Ça vaudrait le coup… » dit Pavel, visiblement grisé.

Daniel posa une main sur son bras. « On n’a pas testé l’étanchéité pour le vide spatial… et… je préfère rester sur Terre. » Il se retint de vomir.

« Tout compte fait, je suis bien contente d’être restée au sol, » lança Séraphina depuis son pupitre.

« Papa, tu as déjà passé quatre mois dans l’espace ! Si tu recommences, je le dirai à maman, » gronda Elowen dans le micro.

« Pas besoin ma chérie, tu l’as entendu, on ne peut pas encore. » répondit-il, un peu penaud.

Daniel soupira. « Désolé d’interrompre cette discussion de famille… mais ça va mieux, on peut reprendre les tests. »

« T’es sûr ? » demanda Séraphina.

« Oui, mais plus doucement, sinon mon estomac ne tiendra pas. »

Je souris. « Très bien, on reprend. »

Elowen me tira doucement. « Iris… on peut parler un peu ? »

Séraphina me fit signe qu’elle gérait.

Je la conduisis vers l’aire de repos, un petit espace aménagé à côté du hangar, avec des bancs métalliques et une table garnie de thermos, de gobelets et de fruits frais. Le sol, recouvert d’un tapis synthétique vert, apportait un contraste apaisant au milieu du béton, tandis qu’un auvent blanc tamisait la lumière en un halo paisible.

Elowen s’assit doucement, s’aidant de sa béquille, et leva les yeux vers la silhouette imposante du BULTIA encore visible à travers la baie du hangar. Son regard brillait d’une lueur étrange, presque fébrile.

« Je voulais te dire quelque chose… » murmura-t-elle, ses doigts jouant nerveusement avec le tissu de sa jupe.

« Dis-moi, tout va bien ? Ce n’est pas le sérum, j’espère ? »

Elle secoua la tête, un sourire mystérieux aux lèvres. « Non, ça va. C’est ton père… il va bientôt se réveiller. J’ai réussi à le trouver dans le monde des rêves. On a pu lui parler, pour lui dire qu’il fallait qu’il revienne maintenant. »

Ses mots me parcoururent d’un frisson inattendu. Je me penchai vers elle, cherchant son regard. « Tu es sûre que tu n’as pas juste… fait un simple rêve ? »

Elle me répondit par un large sourire. « Non, je t’assure. On s’est vraiment vus. Et il était en bonne compagnie. »

Je fronçai légèrement les sourcils. « Séléné ? »

« Oui. On a réussi à le trouver avec Atlas, et crois-moi, ça n’a pas été facile, » dit-elle en laissant échapper un petit rire.

Je restai silencieuse, laissant tout cela infuser en moi. Père m’en avait déjà parlé, mais je n’avais jamais vraiment pris ces histoires au sérieux, pensant que c’était surtout la fatigue et les injections qui lui faisaient entendre des voix. Mais entendre Elowen parler ainsi du monde onirique, avec autant de détails… cela me déstabilisa.

« Iris ? Ça va ? Cette nouvelle ne te fait pas plaisir ? »

Elle me fixait, gênée par mon silence plus long que prévu. Je pris ses mains entre les miennes, et même si mes doigts mécaniques ne pouvaient transmettre de chaleur, j’espérais que mon geste parlerait pour moi. « Merci Elowen. J’ai tellement hâte qu’il revienne. »

Elle me parla encore de ce monde onirique où mon père se trouvait, et où elle se rendait aussi. Tout cela me dépassait, mais je voyais qu’elle y croyait sincèrement, en me décrivant des détails qui me donnaient presque envie d’y croire moi aussi. Puis elle me parla de son état, qui s’améliorait sans cesse, et du fait qu’elle marchait de mieux en mieux, plus longtemps, ce qui me réjouit sincèrement.

Nous dûmes interrompre notre conversation quand Séraphina m’appela pour revoir certains détails sur le vaisseau. Les tests continuaient de bien se dérouler, et Pavel commençait déjà à maîtriser la machine, s’autorisant même quelques figures acrobatiques, au grand désarroi de Daniel.

Mon regard se porta alors sur la foule, qui avait légèrement diminué mais restait présente. Je fus soudain attirée par une silhouette féminine : c’était clairement Natali, qui poussait une chaise roulante. En regardant de plus près, je lâchai aussitôt mon poste de contrôle et partis la rejoindre aussi vite que je le pus.

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