Chapitre 2.5 - Réveil

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Je tentai de bouger, mais tout mon corps me parut incroyablement lourd. Mes muscles étaient douloureux, engourdis, et mes articulations craquèrent comme si elles n’avaient pas servi depuis des siècles. Après six jours d’inconscience, rien d’étonnant. Je tournai la tête avec difficulté. Une perfusion courait depuis mon bras jusqu’à une poche suspendue. Ma gorge était si sèche que chaque respiration me brûlait.

Dans un coin de la pièce, à moitié dissimulée par l’ombre, se tenait Natali. Elle m’observait, les bras croisés, son regard oscillant entre inquiétude et soulagement. Quand elle vit mes yeux s’ouvrir pour de bon, elle se redressa brusquement et s’approcha.

« Ne bougez pas trop, vous venez tout juste de sortir d’un coma de six jours. Votre corps a besoin de temps pour se réhabituer. »

Sa voix se voulait ferme, mais je percevais qu’elle tremblait légèrement. J’esquissai un sourire qui n’atteignit probablement que mes yeux.

« J’ai soif… » articulai-je péniblement.

Elle attrapa aussitôt un verre d’eau, m’aida à me redresser et le porta à mes lèvres. Ce simple liquide me parut être le plus délicieux des remèdes.

« Tout le monde va bien ? » murmurai-je, peinant à trouver ma voix.

« Oui, ne vous inquiétez pas. Pensez d’abord à vous », répondit-elle en réajustant mon coussin avec une douceur inattendue.

Je pris soudain conscience de mon bras gauche amputé au niveau du biceps, soigneusement enveloppé dans des bandages. Je fixai ce vide, le cœur serré.

« Vous m’en voulez pour votre bras ? » demanda Natali, qui avait remarqué où se posait mon regard.

« Pourquoi je t’en voudrais ? Tu m’as sauvé la vie », répondis-je en tentant un léger sourire.

Elle baissa les yeux, soulagée, puis m’offrit un petit sourire timide.

Son regard se fit plus grave, presque lointain. « Il faut dire que ce jour-là… vous avez fait peur à beaucoup de monde. Je crois que je n’oublierai jamais le silence après votre cri, ni tout ce qui a suivi. »

« Je suis désolé », soufflai-je, avant de laisser planer un silence, le regard perdu dans le vide. Puis je repris, d’une voix plus douce : « Si je tombe… tu me relèveras ? »

Ses joues se teintèrent de rouge pour la première fois. Elle toussa légèrement pour masquer sa gêne.

« À ce moment-là, ce n’était pas vraiment moi qui parlais, et puis… »

Natali m’interrompit : « Vous savez, si le président ne m’avait pas expressément confié votre protection, je ne serais pas restée si longtemps à vos côtés… mais aujourd’hui, même sans ordre, je ne partirais pour rien au monde. »

Sa déclaration me prit au dépourvu, et je cherchai tant bien que mal à cacher mon visage gêné.

« Dis… et si on se parlait comme des amis, maintenant ? » lui demandai-je sincèrement.

Elle fronça légèrement les sourcils, se pencha vers mon oreille et murmura : « Seulement quand nous sommes entre nous. » Puis elle se redressa. « Comprenez que je tiens à garder mon professionnalisme en public. »

« Très bien, faisons comme ça, ma chère Natali. Mais avant tout… est-ce que ça veut dire que tu acceptes officiellement d’entrer à mon service ? »

Elle marqua une légère pause, s’assit au bord du lit et plongea son regard dans le mien. « Je sais très bien que c’est mon père… enfin, Atlas, qui t’a demandé cela. Je ne veux pas que tu te sentes obligé. »

« Moi, ça me convient. Tu m’as appris tellement de choses… et j’aimerais te considérer comme mon bras gauche. Enfin, quoi que… tu l’as déjà pris, au sens propre. »

Son regard devint presque réprobateur. « C’était encore trop tôt pour une plaisanterie pareille. »

« Oui, sûrement… mais tu acceptes ? »

Elle me tendit sa main droite. « J’accepte. »

Nous échangeâmes une poignée de main pour sceller cet accord entre nous.

« Mais… où est ma fille ? Je pensais qu’elle serait la première à m’accueillir. »

Elle me pinça doucement le bras. « Iris est restée à votre chevet sans interruption pendant cinq jours. Elle a dû s’absenter pour superviser les tests d’un vaisseau et m’a demandé de veiller sur vous pendant son absence. »

« Ma chérie… » pensai-je avec émotion. Je remarquai à peine la familiarité qu’elle venait d’accepter entre nous, préférant ne pas la souligner pour éviter une nouvelle réprimande.

« Tu en demandes trop à ta fille… et malheureusement, moi aussi maintenant. »

« Comment ça ? » intriguée.

« Tu le sauras bientôt. Si on sortait la voir ? »

Elle se leva du lit. « À la base, elle m’avait demandé de la prévenir dès votre réveil, mais je pense qu’il serait plus profitable d’aller la rejoindre. »

« Oui, je veux bien, mais dans cet état, j’ai bien peur de ne pas pouvoir marcher. »

« Pas de souci, je reviens avec une chaise roulante et des infirmiers pour m’aider à vous déplacer », dit-elle avant de quitter la pièce.

Je profitai de ce moment de calme pour repenser à ces instants passés avec Séléné dans ce rêve. Dire qu’il allait falloir attendre encore pour la revoir… Je cherchai à me tourner sur le lit, comme pour me préparer à me lever, mais rien que cette manœuvre me vida de mon énergie. Une douleur aiguë me traversa lorsque, par inadvertance, je m’appuyai sur le moignon de mon bras gauche. Je décidai de rester assis sur le côté, sentant déjà un léger vertige.

Deux infirmiers en blouse vert clair entrèrent alors dans la chambre et m’attrapèrent pour éviter que je ne bascule en avant, au moment même où Natali revenait avec la chaise roulante.

« Que faites-vous ? Je ne peux donc pas vous laisser seul deux minutes sans que vous tentiez une bêtise », lança-t-elle d’un ton faussement sévère.

« Pour être franc, je n’ai jamais aimé les hôpitaux… ni cette odeur aseptisée », répondis-je avec un petit sourire fatigué.

Les deux infirmiers me saisirent et me posèrent délicatement sur mes jambes, mais lorsque je voulus prendre appui, elles me lâchèrent presque aussitôt. Heureusement qu’ils me retenaient, sinon je serais allé m’écraser au sol.

« Je m’en doutais, vous ne pourrez certainement pas remarcher avant demain », dit l’un d’eux.

Je grimaçai légèrement, déjà épuisé, et ne cherchai pas à répliquer lorsqu’ils me déposèrent dans la chaise roulante.

« Je vous emmène auprès de votre fille. Essayez de vous reposer pendant le trajet », dit Natali.

« Merci… » murmurai-je, tandis que je sentais déjà la torpeur me reprendre dans ses bras.

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