Hiver

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Cet Hiver, rien ne mourut, tout resta vert. Et moi, j’étais là.

Tout resta vert, même lorsque la rigueur et la froideur grondèrent en montrant leurs crocs. Et moi, j’étais là.

Une morose matinée, il m’arriva de voir - une primevère ! Courageuse, téméraire, folle peut-être, elle reposait dans un petit jardinet crasseux ; du givre l’enserrait.Et moi, j’étais là.

Je vis ce givre et je vis cet enserrement ; j’enjambai la clôture pourrie qui nous séparait et allai m'asseoir auprès d’elle. Le gel m'accueillit à bras ouverts : rapidement, j’eus froid. Mais ce n’était pas grave : moi, j’étais là, et elle aussi.

Longtemps, je la regardais. Elle était jolie, dans sa chape de glace. Elle y apparaissait un peu triste, aussi. Cela, ce me semblait, et ce me ressemblait. Et moi, j’étais toujours là.

Elle était jolie, et elle était même belle. Le froid cruel avait imprimé de profondes nervures en elle, qu’elle tentait en vain de cacher. À l'œil nu, l’effort était efficace ; moi, j’y lu avec délice. Je suivis ces courbes, je les caressais des yeux - voyeur éhonté ! Et elle, elle était là.

Elle était là, nervurée et nerveuse, car le gel l’attaquait. Pourtant, elle aussi me re-gardait : « Et maintenant ? » Elle était de toute évidence frigorifiée, l’Hiver lui faisait payer cher d’avoir pris trop tôt sa liberté, et il la maintenait prisonnière. Elle grelotta. Et moi, j’étais là.

Alors - audace ! - je penchai vers elle les lèvres et doucement lui soufflai dessus. Ce fut comme si je cherchais à lui dire - je ne sais pas, je ne sais plus. Et elle, elle était là.

Souffle doux contre sa douceur, peut-être eut-ce l’effet escompté, quel qu’il fût. Cela, moi-même ne le vis-je pas, et elle seule le sut. Toujours est-il que l’effort m’épuisa, et je tombai presque inconscient à ses côtés. Et elle, elle était là.

Allongé et frigorifié, je continuais néanmoins mon ouvrage. Mon souffle se fit rauque, mes membres lourds et mon esprit vague. Inlassable et agonisant, je tâchais de la réchauffer. Et elle, elle était là.

Bientôt, la conscience vint à me manquer. Je me recroquevillai complètement autour d’elle. Au moins, me dis-je, au moins lui ai-je apporté quelque réconfort ; au moins mon corps la protégera et la nourrira. Ayant dit ou pensé cela, j’attendis la mort. Et nous, nous étions là.

Ou peut-être pas.



Le 30/01/2024

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