Soumission
Couchée sur un matelas déformé, je reprends connaissance dans un grenier vide. Mes paupières peinent à s’ouvrir, mais je distingue cet homme. Celui qui m’a endormie. Je ne réalise pas grand-chose. Malgré ce sommeil imposé, je suis affaiblie, ma vue est voilée. La fatigue est tenace. Je pense à Fanny. Je revois ses mimiques emplies de tendresse, ses mains qui à la moindre angoisse me rassuraient. Après ces trois longs mois, je ressens toujours sa bienveillance et son amour comme un nuage qui m’entoure. Son parfum si subtil flotte constamment dans l’air. Elle paraît ne m’avoir jamais réellement quitté, elle semble être proche de moi en permanence, à veiller silencieusement. Du moins, c’est que je me dis. Un raisonnement pour faire son deuil, selon Ève. Quoi qu’il en soit, je crois en un au-delà et à tout ce qui s’ensuit. Fanny était au courant, mais ne me sentait pas suffisamment prête pour en discuter.
Un bruit de métal tombant sur le sol m’extirpe de mes pensées. Je reprends progressivement mes esprits et me rends compte que je suis nue. Je vais pour me lever, mais mes mains sont ligotées une nouvelle fois. La peur monte en moi, mes yeux s’écarquillent, l’homme en pantalon militaire se rapproche.
— Tu en as mis du temps à revenir, s’exclame-t-il. Comment tu te sens, Eloïne ? m’interroge-t-il d’un ton inquiet.
— Tu es un malade, vire-moi tout ça !
Outragé, il me flanque une gifle d’une ampleur à me retourner la tête. Les cheveux dans les yeux, la joue en feu, je suis terrifiée. Je le conjure de cesser ce jeu dont je ne fais plus partie. Je gigote dans tous les sens, je tente d’arracher le bracelet de mon poignet droit avec les dents. Il m’arrête aussitôt et, de la même manière qu’à l’agence, m’enfonce son objet-boule. Je gesticule autant que possible, il me balance sur le dos et s’agenouille sur moi. Il me chope alors par la gorge et m’étouffe jusqu’à me priver d’air. Je sens son pénis durci entre mes cuisses.
— Calme-toi, me chuchote-t-il sereinement. Ton corps m’appartient. On va y aller en douceur. Mais si tu protestes, tu recevras une correction.
Il décontracte ses mains, je prends une courte inspiration. Il me contemple tétanisée.
— Fais-moi confiance. Tout ira bien, me précise-t-il de sa voix grave.
Je me rends compte de l’ampleur qu’a prise mon besoin d’évasion des griffes du psychopathe qui dorénavant m’agrippent. Des larmes froides ruissellent sur mes joues. Cet homme, barbare et paradoxalement comme inondé d’amour, les sèche du bout de son index.
— Souviens-toi. À chaque fois que tu hurleras ta haine, je te mettrai le gag ball, me dit-il inflexiblement.
Je détourne le visage, mon attention se pose sur une petite fenêtre ronde au bout de la pièce. Elle encadre le soleil. Je voudrais entrer dans ses flammes. Il me replace cruellement face à lui et hausse la voix.
— Tu as compris, Eloïne ?
Sa violence me panique. Je hoche la tête, lui faisant comprendre que j’ai retenu.
— Quand tu t’adresses à moi, tu m’appelles « Monsieur », ajoute-t-il.
La frayeur s’approprie tout mon corps et me paralyse. Il se colle à moi, je sens contre mes cuisses les à-coups de son pénis. Mon cœur bat à toute allure.
— Tout va bien, je prendrai mon temps, me promet-il d’une grande indulgence sadique.
Il me décharge de son poids, me rallonge correctement en me tirant vers lui par les mollets, me tend les jambes et attrape deux chaînettes accrochées au sommier du lit. Il les entoure à mes chevilles.
— Je reviendrai quand tu seras calmée, me dit-il en se dirigeant vers la sortie située devant moi.
Il la verrouille, me laissant seule dans ce décor glauque comme un simple jouet sexuel. La honte s’empare de moi et m’anéantit. Nue sur ce lit, humiliée, souillée, je déshonore la philosophie de Fanny. Les sanglots prennent le dessus sur mes larmes.
De longues heures se sont perdues dans ces combles. Mes pleurs ont fini par s’arrêter. Je suis vidée, anéantie.
Il revient avec un ruban mauve. La terreur accapare mon être, mes dents se crispent sur la boule. Il s’approche de moi et me coiffe avec le tissu.
— Voilà, tu es mieux, me dit-il en virant une mèche rebelle de mon front. J’ai horreur que tu te caches, sache-le.
Il s’assied auprès de moi. Étendue nue, je suis comme offerte, contre mon gré, à cet homme habillé.
— Je vais t’emmener te doucher, m’annonce-t-il sèchement.
Il me délivre du lit et je me lève. Dos à lui, il lie mes poignets avec une corde, au-dessus de mes fesses. Il me guide ensuite par le bras vers la sortie nous menant à un escalier étroit en colimaçon. Nous prenons notre temps. Il fait sombre, une odeur de renfermé imprègne le lieu. Je l’accompagne comme un automate.
Arrivés en bas, il compose le code d’une deuxième issue cloîtrée par un cadenas. Un petit passage nous dévoile une tenture épaisse à travers laquelle nous passons. Nous arrivons dans son salon. Je me retourne succinctement et réalise que ce tissu, l’air de rien, camoufle parfaitement l’étage. De grosses parures enjolivent le plafond. Leurs couleurs chaudes et chaleureuses me réconfortent. Un lustre éclaire un grand matelas ovale posé à même le sol, au côté d’un chevalet de peintre. Un effluve indescriptible plane dans la pièce, une senteur que j’apprécie et qui adoucit, elle aussi, mon état d’affolement. Des rideaux pourpres et opaques, sur deux fenêtres voûtées, nous cachent de l’extérieur. Nous longeons des poufs et coussins dispersés autour d’une grande table basse, il m’entraîne vers l’unique issue et nous entrons donc dans un large couloir terne rempli de tableaux. Des portraits de femmes, des dames ravissantes posant nues. Toutes nous observent passer. Il m’arrête à la salle de bain et m’y entraîne. Elle est spacieuse et si lumineuse qu’elle m’éblouit. Une baignoire nacrée sur pieds argentés m’attire, elle est superbe. Je reste figée. Il tourne la clef de la serrure et me relâche, je me ressaisis et repère les toilettes.
— Vas-y, m’ordonne-t-il d’un ton sec.
Il me prive de parole avec cette boule. Je refuse en secouant la tête. Il me comprime alors la nuque, m’assoit brutalement sur la lunette. J’urine sans pouvoir me retenir, près de cet homme imposant qui me tient et me surveille sans cesse.
— Soulève-toi quand tu as terminé.
Il coupe du papier hygiénique et, une fois terminé, il m’essuie les parties intimes. Il m’emmène ensuite, en m’étranglant, dans la baignoire.
— Assieds-toi, me dit-il tout en me libérant de ses mains rugueuses.
J’obéis. Il dénoue la corde de mes poignets, ouvre l’eau chaude et la verse sur ma peau. Il enduit délicatement mon dos de savon à la pêche puis, tout en les palpant, mes seins. Mes tétons se durcissent à son contact. Il m’ausculte ainsi calmement, d’une extrême lenteur.
Une fois lavée, il me rince. Je me sens toute petite avec lui. Ses gestes bienveillants et ce bain m’apaisent. Je me laisse aller et il s’en rend compte. Il sourit. Je saisis le pommeau de douche et le passe sur mes jambes pour nettoyer les dernières traces de mousse. Il me le reprend des mains, augmente la puissance du jet et le place sur mon clitoris.
— Tu le veux vraiment, Eloïne ? me défie-t-il d’un ton provocateur. Tu en veux plus, tu es sûre ?
Il le passe alors sur ma vulve, le bouge de haut en bas. La terreur s’empare de moi, mes hanches dansent, suivent chacun de ses mouvements. Je me cambre, il m’adosse contre la baignoire et, d’un coup, mes émotions se transforment en un plaisir extrême. Il m’empêche de me lever. Je me remplis toute entière d’un bien-être innommable, je gémis et me sens glisser. Allongée, il élève mes chevilles sur les rebords, ce qui m’écarte alors les jambes, et saisit un gode bleu qu’il m’enfonce. Je me soulève pour mieux faire entrer ce pénis vibrant. Il le récupère aussitôt.
— Laisse-moi faire, je sais ce qui est bon pour nous, reprend-il sur la même intonation.
Il me le remet progressivement et s’amuse de mon excitation, je me retiens, mais un long gémissement m’échappe. Il écarte mes lèvres humides, m’enfonce le gode au plus profond, le fait glisser dans mon sexe mouillé. Je crie d’extase. Il manie le jet délicatement sur l’ouverture de mon vagin et me sourit sadiquement en me décrochant le bâillon, ce qui me fait mieux gémir.
Il éloigne le pommeau de douche et se déshabille. Il se branle et de son autre main m’offre des va-et-vient. Mon dos se courbe, le gode vibrant pénètre raidement ma chatte chaude. Il fait valser le pommeau sur ma vulve. Je hurle de joie. Profitant de ma bouche ouverte, il m’enfonce son pénis tout au fond. Sa bite durcie sur mon palais me fait crier de plus en plus. Je jouis longuement, à côté de cet homme sans-gêne, d’un orgasme violent.
Mon corps, devenu extrêmement sensible, s’affale dans l’eau et mes cuisses se resserrent spontanément.
— Eloïne, m’oblige pas à t’attacher, me menace-t-il.
Son pénis toujours dans ma bouche, il ressort mes chevilles et les repose contre les rebords. Il accroît la vibration du gode et me le renfonce. Il me tire les cheveux, me décale sur ses couilles que je suce. Je les sens rouler, il me tire en arrière, me renfonce sa verge tendue et m’impose une vive fellation. Par surprise, il remet le jet d’eau précisément sur mon clitoris. Je me sens immensément bien, sa bite contre ma langue me plaît, son odeur me rassure, et très vite des spasmes de bonheur m’envahissent encore, je gémis, je jouis d’un deuxième orgasme d’une intensité inattendue. Il me bloque alors par les cheveux et à son tour, jouit. Son sperme arrive directement dans ma gorge, je l’avale avec envie et m’effondre d’épuisement.
— Tu as été sage, me félicite-t-il en m’embrassant le front.
Il m’aide à me relever, mes jambes flanchent et ne me tiennent plus. Je m’apprête à tomber quand il me rattrape au vol pour me porter, une main dans le dos et l’autre sur mon sexe. Je sens, contre lui, mon cœur battre vivement dans mon clitoris. Nous sortons d’un pas vif et arrivons dans le couloir aux mille tableaux. Je m’appuie contre son cou pendant qu’il marche. L’odeur de son sperme reste sur ma langue. Je le savoure, profitant de ce goût auquel je n’ai pas eu droit depuis déjà longtemps.
Nous entrons dans sa chambre. Un lit monstrueux, aux couvertures et oreillers satin rouge sanguin, contre un mur rempli d’anneaux. Trois lampes murales argentées, une fenêtre aux rideaux rubis opaques. C’est morose. Il me largue habilement sur le matelas. Exténuée, je me recroqueville sur moi-même.
Il m’attache les poignets par deux bracelets de cuir et les sangle à la devanture du lit. Je ne peux pas me débattre, et me mets à somnoler.
— Eloïne ! Redresse-toi.
Il me réveille énergiquement, je sursaute, il se trouve accroupi tout proche de moi, un verre d’eau à la main. Je lutte pour ne pas m’assoupir. Il m’assied et me fait boire de lui-même, j’engloutis ces quelques gorgées et me rends compte que j’étais totalement déshydratée. Je suis perdue.
— À quoi tu penses ?
Je ne lui réponds pas et me contente de fixer le verre. Il me le reprend et m’en sert un autre, que cette fois je déguste.
— Pourquoi tu fais ça ?
Je me surprends à lui poser machinalement cette question, d’une petite voix étourdie par tous ces changements.
— Pourquoi tu n’as pas pris une femme aussi cinglée et obsédée que toi ?
Sans rien dire, il me tend une part de gâteau aux fruits. Je mange sans résister, c’est bon et il me faut des calories. Une fois fini, il me fait signe de m’allonger puis me recouvre des draps. Je m’endors le corps étrangement allégé, partageant ce lit avec lui.
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