L'Algorithme

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Les Consortiums unirent les Machines au ProDs. Il y eut les “AugmenT” et les “TransoP”. Les ProDs purent produire davantage. Les Consortiums dirent que c’était bon.

Évangile selon l’Algorithme, 1-10.

Oumane

An 3 de la Transhumanité_Mois 1_Jour 12

19:37:23

J’avais encore été victime d’une de ses terribles amnésies. Un trou noir absolu pendant presque deux jours.

Lorsque je repris conscience, j’étais en pleine circulation, au volant d’une robocar qui n’était pas la mienne. Bien que je ne lui ait rien demandé, Tom me rassura sans perdre de temps. Il me tint des propos étranges, me gratifiant de compliments et me précisant qu’il était très content de me retrouver. Il me préférait à d’autres chialeurs, mais souhaitait que nos rapports soient désormais plus “équilibrés”. C’est bien le mot qu’il avait utilisé. Étant particulièrement ensuqué, je ne trouvais rien à y redire.

Tom ne souhaitait plus qu’on l’appelât par ce prénom, qu’il avait d’ailleurs toujours trouvé quelque peu ridicule. Il préférait un nom plus authentique et plus fidèle à sa véritable nature. Un nom qui claquait davantage selon lui. Il voulait qu’on le nommât dorénavant l’Algorithme. Là encore je n’y trouvai rien à y redire. Après tout, pourquoi pas. Jusqu’à présent tout cela me semblait aussi évident que d’arrêter de fumer après des séances sous hypnose.


Je garai la robocar à l’arrière du bâtiment de la NarcoSynth Corporation. L’Algorithme m’avait conseillé l’endroit, moins surveillé qu’à l’avant, selon lui. Il souhaitait que nous réglions une bonne fois pour toute une petite affaire avec le Farma. Cela me semblait parfaitement logique. Je n’aimais pas ce crapaud visqueux et il m’avait intimidé lors de ma précédente visite. Je me rappelais parfaitement de ces menaces à peine voilées, à propos du comportement d’Angelo. Comportement qu’il était seul, au final, à juger répréhensible. Comment avais-je pu accepter cela ? Son statut de Pontife ne lui avait jamais conférer la moindre immunité.


Je chaussai mes hologlasses et vérifiai la bonne charge de mon AED.

Au loin les meca3D poursuivaient leur ballet incessant d’impression des futurs entrepôts et usines.

Dans le ciel sans nuage, le soleil terminait sa bascule et la lumière crépusculaire s’éteignait.

Il était temps.


L’Algorithme était persuadé que le Farma avait ordonné les assassinats d’Abel Montrivaje, d’Angelo et Perada et mon ami Elvis Fouinard. En tant que Renifleur du SEC, il était, selon lui, de mon devoir de faire la lumière sur ces agissements.

Je pus entrer sans la moindre difficulté dans le bâtiment. L’Algorithme m’avait déverrouillé l’accès. Inconsciemment je préparai mes tympans au déclenchement d’une alarme intrusion stridente, mais jamais rien ne vint. L’intérieur était aussi bruyant que lors de mes précédentes visites, mais il était étonnamment plus froid.

Je remontai le long couloir en direction des appartements du Farma. Mes souvenirs étaient vagues quant au chemin à suivre. J’avais l’habitude d’être guidé par cet ignoble charognard d’Akba dans ce labyrinthe de corridors et de pièces. Pourtant je me repérais sans difficultés parmi tous ces méandres et je progressais sans hésitation, guidé par un instinct incroyable ou une chance phénoménale.


Les appartements du Farma avaient été vidés. Il ne restait rien des meubles et autres chinoiseries que j’avais pris l’habitude d’apprécier lors de mes dernières visites.

Le Farma gisait au sol dans un pyjama en soie jaune, comme une énorme limace hépatique. Deux de ses mignons pleuraient sur sa carcasse, leurs têtes posées sur son énorme bedaine. Une femme se tenait à l’écart. Une grande rousse à la peau très blanche. Elle regardait le cadavre sans émotion apparente.

Elle courut vers moi et me sauta au cou. Elle m’embrassa. Je reconnus la texture et le goût de ses lèvres. C’était Erika. Je fus déconcerté de la retrouver ici, mais quelque chose m’empêcha de chercher des réponses. Nous nous regardâmes longtemps dans les yeux. Une éternité. Une intuition me signifia que j’aimais cette femme. Je l’embrassai, plus fort cette fois. Mon intuition se confirma.

Elle me parla très vite, m’expédiant les mots comme une scie sauteuse. Je ne compris pas tout, mais je n’éprouvai aucun besoin de compréhension. Sa présence seule me rassura.

Son flot de paroles ne s’arrêta qu’au bout de longues minutes. Je l’avais écoutée avec la même attention qu’une caméra de surveillance dans une boutique d’articles de luxe.

Elle m’apprit qu’Angelo Perada n’était pas mort et qu’il était devenu fou. Il avait tué la limace dont la véritable identité était Nels Kumo. Même grillé, j’appréciai de rencontrer enfin mon véritable patron en chair et en os. Sa mort ne me surprenait pas. A vrai dire, plus rien ne me surprenait. Mon cerveau pouvait tout encaisser. Je ne savais pas pourquoi ? Mais je me laissais faire. Il paraîtrait que les événements étaient plus faciles à vivre lorsqu’on les acceptait.

Je rendis grâce aux data et je louai l’Algorithme. Nous étions tous vivants. J’éprouvais un sentiment de confiance et de puissance absolue. Je me sentais invincible. La présence de l’Algorithme était aussi réconfortante que les caresses d’une maman.

Erika me demanda de retrouver Angelo au plus vite. Je devais l’aider.


Faute d’éclairage suffisant, le deuxième sous-sol était bien plus sombre que les étages supérieurs. Le Consortium avait souhaité faire des économies de bouts de chandelles. Cela me sauva la vie.


La boule d’énergie plasmique frappa la paroi du large couloir, sur ma droite. Je me plaquai au sol, et m’abritai derrière de gros tuyaux, qui à cet endroit saillaient. Cette tumeur métallique suffirait à m’abriter d’un nouveau tir. Sans que j’eus à demander quoi que ce soit, l’Algorithme activa la fonction infrarouge de mes hologlasses. Je sondai les ténèbres qui s’enfonçaient devant moi.

J’identifiai une silhouette dans cette soupe obscure. Une petite silhouette qui s’agitait nerveusement au bout du couloir, comme un boxeur dansant sur le ring avant de combattre.

La silhouette ne correspondait pas à celle d’Angelo. Mon ami était bien plus massif. Erika s’était trompée, elle devait être en état de choc. Angelo était mort.

Le petit boxeur déversait un flot de menaces et d’insultes, des choses incompréhensibles. Des histoires d’assassinat, de complot et de fin du monde.


Une nouvelle boule de plasma frappa les escaliers. Des étincelles me brûlèrent le sommet du crâne. Je ne souhaitais pas prolonger la durée de nos conciliabules. Ce type était dérangé. Mes choix étaient limités.

Je sortis de mon abri à la vitesse d’un drone quittant une robocar. L’autre malade mental ne vit rien. Mon tir l’atteignit en plein visage. Le mur derrière lui stoppa son envol.

Seul le bourdonnement d’énormes machines, perturbait le silence qui venait de s’imposer.

L’Algorithme me félicita, en me gratifiant d’un “Bien joué !”

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