1.0 - L'âge mythologique

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Nul ne connait les raisons qui obligèrent les premiers Humains, ancêtres des Sakases et des Nordaléens, à migrer vers les Terres du Partage. Les premiers venaient de l'est, par-delà la grande forêt des Amanites, tandis que les seconds descendaient du nord depuis la plaine d'Agash. Leur arrivée bouscula l'ordre établi, car les Dragons occupaient ces terres de longue date. Ils en avaient chassé les Nains, lesquels avaient eux-mêmes repoussé les Géants vers l'est. Chacune des quatre créatures majeures a eu un temps de présence marqué sur le vieux continent, plus ou moins durable et décisif. Mais en ces temps fabuleux qui virent mes ancêtres fouler ce sol, quelques Géants prospéraient encore dans le nord-est des Terres du Partage, et des groupes de Nains se tapissaient dans l'ombre des forêts les plus inaccessibles pour échapper aux Dragons.

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Moi, Zarqan d'Odjari de la maison Ataraxaas du clan Imagazoas, suis un descendant direct, mais lointain, de ces "pré-Sakases". Ce sont des temps obscurs, où la mémoire historique transmise de façon orale se confond avec les légendes et où les premiers héros se mélangent avec les dieux. Les récits fondateurs des Sakases et des Barbares y puisent toute leur inspiration, sans que l'on puisse distinguer le réel de la fable. Établir les faits au cours de cet âge n'est donc pas chose aisée, d'autant plus qu'à cette période reculée le temps semble s'étirer sans fin. Cependant, je vais tenter de retracer l'histoire de ma lignée depuis ces profondeurs antiques.

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Nous savons que ces Humains nouvellement arrivés sur les Terres du Partage n'étaient pas encore porteurs de civilisation. Les récits traditionnels indiquent que la cohabitation avec les Dragons fut très inégale selon les régions : parfois pacifique et empreinte d'un grand respect mutuel, parfois hostile voire en conflit ouvert. De nombreuses communautés eurent à combattre la créature ailée qui régnait sur leur terre. Des noms de héros, que je suis bien incapable de relier à ma lignée, sont parvenus jusqu'à nous et sont le témoignage de l'immense courage qui habitait les peuples premiers lors de ces siècles mystérieux.

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Itaq le Bondissant fut l'un d'entre eux. Désireux de prouver sa valeur auprès des siens, il ne se contenta pas de triompher d'un lion comme le voulait la tradition, mais préféra affronter le maître des plaines, le vieux Dragon Izurbagal aux Pattes Velues. La légende raconte qu'il se cacha trente jours et trente nuits dans une coquille d'œuf, avant que la créature solitaire ne l'emporta sous ses ailes jusqu'à son antre. À la nuit tombée, le Bondissant sortit de l'habitacle et planta sa lance dans le cœur de la bête, qui pensait assister à la naissance d'un dragonneau. La plaine qui court sur toute la moitié nord et est de la mer Centrale porte le nom de ce premier héros depuis ce jour, et nous ne lui connaissons pas d'autre toponyme plus ancien.

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Les Humains qui prirent progressivement possession des Terres du Partage étaient encore nomades et ne connaissaient pas l'agriculture. Dans un premier temps, les Nordaléens s'établirent en basse montagne, dans le septentrion sauvage. À la fois chasseurs-cueilleurs et éleveurs, ils furent probablement à l'origine de la domestication des carapates, qu'ils importèrent sur le continent. Solides et rustiques, à l'image de leurs maîtres, ces créatures permirent aux Nordaléens de migrer avec femmes, enfants et ressources sans grande difficulté. Chaque génération naissante avait pour responsabilité d'investir de nouvelles terres, si bien que ce peuple ancien atteignit rapidement les voies de communication fluviale menant à la plaine d'Itaq puis se jetant en mer Centrale. C'est sur les rives du fleuve Blanc, affluent du Cyclade, qu'ils rencontrèrent pour la première fois ceux de mon peuple, pas encore civilisés ni sédentaires.

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Ceux-ci avaient traversé la forêt des Amanites, qui s'étendait alors au-delà de ses limites actuelles, sans autres moyens que leurs lances, leurs chevaux et leur hardiesse. Il est possible que ce grand exode dont les mythes sakases conservent encore la trace fut la conséquence indirecte de la migration des Géants vers l'est, poussés par les Nains sur les Terres du Partage avant que les Dragons ne viennent s'y fixer. Les pré-Sakases atteignirent les rives est de la mer Centrale et se stabilisèrent dans le bassin du Cyclade. Nomades, ils trouvèrent sur la plaine d'Itaq le lieu de pâturage parfait pour leurs troupeaux de bœufs. Les Dragons en furent très friands, cela explique probablement pourquoi leur peuple eut à combattre âprement les créatures ailées tandis que les Nordaléens, eux, entrèrent dans une relation proche de la vénération avec elles. Mais Itaq le Bondissant, Vodjaq Cœur Ailé, Madzouq Bras Vif, dont les noms parvinrent jusqu'à nous, ne craignaient rien. Accompagnés de leurs tribus, ils s'installèrent sur la plaine en lieu et place des Dragons et marchèrent sur leurs carcasses avec une audace et une hargne qu'un jeune taureau aurait pu leur envier.

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L'apparence de ces guerriers primitifs devait certainement s'approcher de celle des Doriancils, leurs plus proches descendants : une peau très sombre, des cheveux noirs coupés courts et parfois rasés, le visage et le corps ornés de peintures claniques doublées de scarifications. En lieu et place de la large robe des Doriancils, ils ne devaient porter qu'un simple pagne. Mon clan, comme bien d'autres, ne déviera de ce tableau que bien plus tard suite à l'apport génétique des hommes du nord.

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La rencontre des pré-Sakases avec les Nordaléens, guerriers pâles qui revêtaient de grandes peaux lainées et qui se couvraient le crâne avec des hures de sanglier, trancha donc nettement avec ce qu'ils avaient déjà vu. Les deux peuples n'étaient pas faits pour s'entendre et une rivalité s'installa immédiatement. Elle fut contenue pendant de nombreux siècles, avant que l'inévitable confrontation ne se produise.

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