Chapitre 2

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Il y a eu un jour, un matin, je crois, je buvais le café comme chaque jour, écoutant mes collègues racontant des banalités, adaptées à une vie en société sans risques. Il y a eu donc ce moment où je l'ai senti me regarder sans raison. Je ne parlais pas, j'étais au milieu du collectif à l'écouter. J'hésitais et doutais, curieuse et mal à l'aise. Mais la curiosité l'a emporté et j'ai croisé son regard. J'ai vite détourné mes yeux, par timidité, mais cette sensation persistait. Chaque fois que je le regardais ses yeux m'observaient, ou plutôt ses beaux yeux m'observaient. J'étais mal à l'aise, car il n'y avait aucune logique dans ce comportement. Et j'aime la logique, comprendre les choses et surtout les comportements.

Dans les jours qui ont suivi, je me suis aperçue que chaque fois que je venais lui dire bonjour, nos regards se croisaient longuement. Souvent, les gens vous disent bonjour en regardant le plafond, votre front ou passant de l'un à l'autre. Et si parfois, pendant une demi-seconde, vos regards se croisent, ils se fuient comme deux aimants opposés. Là, chaque matin, en marchant vers lui pour venir lui dire bonjour, nos yeux ne se lâchaient pas, jusqu'à ce qu'enfin, je lui fasse la bise. Un instant dans ma journée, qui était un phare dans la nuit. Chaque matin, en arrivant dans le bureau, j'étais impatiente de retrouver cette bulle. Petit à petit, j'allais même me coucher plus tôt, pour retrouver avec délice ce moment. Son comportement avec moi avait changé, quand nous étions l'un près de l'autre, nous bavardions plus et régulièrement nous échangions regards et sourires lors de nos pause-café. J'avais même parfois l'impression de lui plaire, mais mon reflet dans le miroir me ramenait rapidement à la réalité. Mais que nos échanges étaient agréables.

Il est vrai qu'avant, si un homme me montrait de l'intérêt, je me mettais en mode glaçon, en respectant toujours les distances de sécurité et en fuyant le regard de ce possible séducteur. Mais je ne sais pas pourquoi, pour lui, j'ai abaissé ma garde. Il était effectivement tout à fait mon genre d'homme et puis il était délicat dans son comportement. Je ne me sentais pas agressée par ses regards, qui étaient toujours souriant, bienveillant, doux... Il ne me donnait pas l'impression de forcer le passage vers moi. Il laissait juste une porte entrouverte et la lumière qui s'en échappait semblait chaude et réconfortante. Un réconfort dont j'avais grand besoin.

Petit à petit, j'ai eu l'impression que nos corps étaient souvent proches. Il se plaçait souvent près de moi, ces mains me touchant presque. J'avais l'impression de créer avec lui une intimité, réconfortante. Je ne faisais jamais le pas de côté que j'aurais dû faire, espérant peut-être que sa main vienne effleurer la mienne.

Durant cette période comme par miracle, j'ai commencé à perdre du poids. Un poids que je cherchais à perdre depuis des années, mais qui refusait de partir... Au contraire. J'avais envie d'être belle, de me mettre en valeur. Moi qui ne mettais que des pantalons, j'ai osé : jupe, robe... J'ai souligné mon décolleté par un collier. J'ai apposé un trait d'eye-liner pour intensifier mon regard, j'ai pris soin de moi chaque jour. J'ai appris à porter un autre regard sur moi.

Les vacances n'étaient plus ce moment que j'attendais avec impatiente, au contraire, je commençais à les redouter, car durant ces moments de séparations, il me manquait, son regard me manquait, nos échanges me manquaient.

Pour la première fois même, quand je suis partie pour mes congés estivaux, j'ai eu un vrai blues, et même quelques larmes. Je suis donc passée dans une boutique, pour acheter quelques films romantiques et ainsi ressentir, par procuration, des sentiments amoureux.

À mon retour, ce comportement singulier de Paul, à commencer à me questionner. Et comme à mon habitude, j'avais envie de combler ce manque. J'ai farfouillé sur Internet pour trouver des infos sur le langage corporel. La longueur des regards, la distance entre deux personnes, les sourcils qui se lèvent quand les regards se croisent, les sourires, la douceur de la voix... Tous ses comportements correspondaient, en général, à de l'attirance. Avec un bémol, tout de même, car il était précisé aussi que certaines personnes avaient cette manière d'être avec tout le monde. Et dans cette situation, la deuxième version, semblait plus logique. Je ne pouvais oublier que nous ne jouions pas dans la même cour de la séduction. Et, comme beaucoup de jeunes hommes, il disait aimer les femmes minces, qui étaient sûrement son critère principal. Il me restait donc la couleur des cheveux, car il avait une préférence pour les brunes, mais qui correspond à plus de la moitié des femmes françaises.

Et puis, je ne me rappelle plus pourquoi, mais son comportement a changé et il est subitement devenu plus distant, ce qui m'a fait beaucoup de peine, je l'avoue. J'ai ressenti aussi un manque... un manque de nos échanges, de notre intimité, cette sensation d'être écouté, par un ami.

Mais il fallait être réaliste sur la situation !

Alors comme à chaque fois, je redescendais gentiment de mon nuage et me contentais donc de le voir depuis mon bureau, sans qu'il puisse le voir, car il me tournait le dos.

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