Chapitre 15

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Pour l'anniversaire d'Adèle, nous avions prévu de nous rejoindre dans un de nos bars habituels. Son arrivée était programmée pour vingt heures, mais en attendant Paul et moi allions boire une bière seuls. Paul m'avait prévenu qu'il ne voulait pas rentrer tard et j'avais même cette impression qu'il n'était pas impatient de retrouver Adèle.

En attendant, ce début de soirée était comme à chaque fois agréable et apaisante. Mais comme je l'avais pressenti, l'attitude de Paul changea du tout au tout quand Adèle arriva. Elle était venue avec deux de ses amis et la discussion était joyeuse et conviviale, mais Paul, lui, ouvrait à peine la bouche. Pourtant, quelques minutes encore avant leur arrivée, nous échangions sans difficulté. Que se passait-il ? Quel était ce malaise entre Paul et Adèle.

Il était donc à peine vingt et une heure quand il nous quitta, il refusa même de manger avec nous. J'avais vraiment besoin que ma relation avec Paul puisse être aussi épanouissante quand il y avait d'autres personnes avec nous, que quand nous étions seulement tous les deux.

Cette frustration devenait pesante. Je me retrouvais donc avec Adèle et ces amis, mais dans ma tête tournait en boucle des interrogations. J'étais au bord de l'implosion, j'avais besoin de parler à quelqu'un de ce que je ressentais, mais autour de moi personne ne pouvait prendre ce rôle. Aucune amie, aucun collègue, certainement pas une sœur ou une mère, encore moins mon mari ou mes enfants.

À bien y réfléchir la seule personne à qui je pouvais me confier était Paul.

Je rentrais de bonne heure ce soir-là, mais une fois dans ma voiture, je m'effondrais. Impossible de reprendre le volant dans cet état-là. J'avais besoin de parler à Paul, mais pour l'instant, je n'en avais pas le courage.

J'ai donc pris mon téléphone et j'y ai posé mes pensées et surtout les mots que j'aurais voulu lui dire.

Un jour, je te dirai que mon cœur a eu la mauvaise idée de te regarder. Depuis chaque minute, il vient envahir mon cerveau de problèmes insolvables et déchirants.

À la première minute d'éveil je pense à toi, et dès lors la journée n'est qu'une succession de pensées, tantôt délicieuses, tantôt étouffantes. J'attends le moment où tes yeux viendront caresser mon regard et pourtant, je n'ai jamais l'audace d'y plonger les miens.

Une petite éternité, une nuit m'a glissé l'espoir que moi aussi, je pouvais être douceur, petite chose fragile que l'on enlace délicatement. Juste là, à côté de moi, ta respiration caressant ma peau et ton bras contre mon corps, j'étais bien, juste bien, une petite éternité de bien. Mais je sais que je ne suis pas ton éternité !

Je suis restée là, de longues minutes, à pleurer en écoutant de la musique, puis j'ai démarré mon moteur et je suis rentrée.

En arrivant au bureau le lendemain, j'étais encore groggy par ma soirée de la veille. Mais pas question de laisser transparaître mon état. Je restais donc toujours souriante pétillante, quand je n'étais pas à l'abri des regards. Mais caché derrière mon écran, je n'arrivais plus à retenir les larmes. J'avais écrit sur mon téléphone les mots que je voulais lui dire, espérant que ça suffise à soulager mes souffrances. Mais je sentais au plus profond de moi que je devais lui faire part de ce que je ressentais. Les mots que j'avais écrits la veille ne pouvaient pas être ceux que je voulais qu'il lise. Avant de partir donc en week-end, je préparais un mot. Écrivant, effaçant, modifiant relisant dix fois, vingt fois. Me demandant continuellement si j'aurais le courage de lui envoyer.

Le balayant une dernière fois, il me semblait le reflet fidèle de mes pensées, tout en restant acceptable, pour Paul. Il était midi et il venait de quitter le bureau pour un week-end en famille. Cette distance me semblait propice à l'envoi de mon message, mais le penser est une chose le faire en est une autre. Mon doigt au-dessus du bouton envoyé faisait des allers et retours, hésitant. Mon cœur battait si fort, mes mains tremblaient.

Depuis toute petite, quand je devais faire quelque chose d'effrayant, je comptais jusqu'à trois et je n'avais jamais manqué à mon engagement personnel.

1, 2, 3 envoyé.

Désolé pour ce qui va suivre, mais j'ai juste besoin de vider mon sac. J'enfile ma tenue de casse-couille (rien d'attachant dans tout ça).

Un jour, je ne pourrais même pas dire quand, nous étions au café et je ne saurais dire pourquoi (peut-être un morceau de salade coincé dans mes dents), mais tu m'observais et chaque fois que je levais les yeux vers toi, je croisais ton regard et ça m'a mis mal à l'aise. Le problème, c'est que j'avais mis mon armure version Titane renforcé, depuis très très longtemps, pour me protéger et à ce moment-là, tu en as trouvé la faille. Cette saleté d'armure, ensuite, c'est lentement, mais sûrement décomposée et le petit cœur fragile, qu'elle était censée protéger, c'est retrouvé à découvert. Peut-être qu'au fond, j'avais besoin de me débarrasser d'elle et que j'ai tout fait pour qu'elle explose.

J'ai toujours su qu'une Josiane Balasko ne peut pas plaire à un Brad Pitt. J'ai toujours su aussi que j'ai promis pour le meilleur et pour le pire à cinq personnes et j'ai récité cette leçon encore et encore. Mais ce connard de cœur n'a rien voulu savoir.

Le coup de grâce est arrivé un jeudi, là dans tes bras, je me suis senti tellement bien, trop bien, beaucoup trop...

On n'était juste pas sur la même longueur d'onde. Toi, tu avais juste besoin de tendresse et moi, j'avais besoin de toi.

Voilà !

Encore désolé pour ce déballage

Vraiment désolé...

PS : Et bien évidemment ceci est une information à ne pas partager

Vite posé le téléphone loin de moi. Fermer les yeux. Trembler comme une feuille. Tendre l'oreille, pour entendre la vibration du téléphone. Attendre. Ouvrir un œil et allumé le téléphone pour voir si le message avait été lu.

Mon dieu il l'a lu...

Pour l'instant pas de réponse mais il n'y avait eu que quelques minutes (interminables). J'éteignais mon ordinateur et me dirigeais vers l'ascenseur. Encore un coup d'œil sur mon téléphone.

Mon dieu, il écrit...

Ne pas oublier de respirer.

« C'est un beau message en tout cas... ☺ Mais tu sais tout ça, je le sentais, je le devinais, et depuis déjà quelque temps.

Après, voilà, c'est comme ça, certaines choses sont compliquées à expliquer...

Et peut-être que j'ai ma part de responsabilité

Plus qu'à faire avec maintenant ☺ »

J'étais soulagé et le fait qu'il dise qu'il avait peut-être sa part de responsabilité, me rassurait.

En arrivant à la maison, je lui envoyais : « Maintenant, je vais passer en mode désintox »

« Ouais... courage !!! »

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