Chapitre 4 - 2

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La chambre de Karel avait été aménagée dans l’unique tour de la demeure. Elma ressentit sa charge s’alourdir dans ses bras. Karel s’était enfin endormi. Elle le coucha délicatement dans son lit et l’embrassa avec douceur sur le front.

Le quotidien commençait à peine à s’améliorer. Durant les six premiers mois, Elma avait dû pleurer presque autant que Karel, qui ne reconnaissait pas en elle celle qui l’avait porté. La culpabilité d’Elma s’en était retrouvée décuplée et encore plus difficile à supporter. Plus les jours passaient et plus elle se détestait d’avoir volé malgré-elle le rôle d’une mère. D’autant plus qu’elle s’estimait encore trop jeune pour le désirer. Elle n’était qu’une adolescente qui avait grandi trop vite, et elle tenait rancœur à Serymar de l’avoir mise dans cette situation.

Sa déception lui empoisonnait davantage son cœur déjà meurtris lorsqu’elle repensait à ce premier enfant qu’elle avait refusé de porter l’année précédente. Elle avait la désagréable impression que le destin l’avait punie d’avoir pris une telle décision. Surtout quand elle voyait qui lui avait mis Karel dans les bras.

« Je pensais que, s’il y avait bien une seule personne pour comprendre ma détresse, c’était bien vous, Maître. », songea-t-elle avec douleur.

Elma regarda le bébé endormi dans son lit et son mal-être s’accentua davantage. Karel n’avait rien demandé. Il serait injuste de lui allouer le moindre reproche. Il ne demandait qu’à être aimé et ne faisait que rechercher la chaleur de sa mère.

Elle enjamba sa couche improvisée à même le sol pour entendre Karel s’il se réveillait au milieu de la nuit. Elma avait décidé de s’installer momentanément là au lieu de partager sa propre chambre avec lui. L’étage dédié aux serviteurs pouvait être bruyant selon les heures de la journée.

Elma sortit de la petite chambre et ferma la porte avec précaution. Elle comptait bien revenir pour vérifier si tout allait bien. Par la force de l’habitude, elle avait fini par connaître les heures de réveil du petit garçon.

Lorsque sa main quitta la poignée de la porte, ses yeux lui brûlèrent. Des larmes de culpabilité. Encore et toujours, comme chaque soir depuis un an. Elle imaginait la détresse des parents de Karel.

Elle s’en voulait d’autant plus qu’elle se surprenait à apprécier de passer du temps avec lui et de s’y attacher de plus en plus. Ce petit était une source de lumière dans ces plaines mornes. Une lueur de vie et d’espoir. Sincèrement peinée qu’il soit privé du lien précieux avec ses vrais parents, Elma désirait faire en sorte que la vie lui soit la moins pénible possible, bien qu’elle ne savait pas comment s’y prendre. Elle avait seulement seize ans. Si elle avait été plus forte, si elle avait eu moins peur de Serymar, peut-être serait-elle parvenue à l’empêcher d’enlever Karel.

« Je suis si lâche. » regretta-t-elle, amère.

À sa colère s’ajoutait l’incompréhension : si son Maître ne rentrait pas dans la catégorie des bonnes personnes, Elma le connaissait depuis assez longtemps pour savoir qu’il s’imposait certaines limites et ne prenait le risque de les franchir que s’il n’avait plus le choix.

La seule chose dont elle était certaine, c’était que les Dragons souhaitaient sa disparition par l’intermédiaire de Karel. Ce qu’elle trouvait curieux. Pourquoi les Dragons restants ne s’en prenaient-ils pas directement à Serymar ?

Perdue dans ses pensées, elle descendit jusqu’à l’étage inférieur où se trouvaient les appartements du Mage ainsi que son bureau.

« Maître… par les Dragons, mais qu’est-ce qui vous a pris de commettre l’irréparable ? Quelle est la raison qui vous a poussé à enlever Karel ? Qu’est-ce que vous ne nous dites pas ? »

Il ne risquait pas de lui répondre si elle lui posait la question. Elle s’engagea dans le couloir, devenu encore plus sombre par l’obscurité de la nuit. Elle s’y dirigea jusqu’au fond et fit face à la porte sur sa gauche. Le bureau du Maître des lieux.

« Je dois savoir. » pensa-t-elle comme une évidence.

Elle hésita, prise de culpabilité. Comment pouvait-elle penser à fouiller dans le dos de celui qui lui avait sauvé la vie ? Serymar était devenu son mentor à bien des égards.
« Justement. », tenta-t-elle de se convaincre. « Je ne peux pas fermer les yeux sur ce qu’il a fait. »
Déterminée, Elma tenta d’ouvrir la porte. Sans surprise, un sceau enchanté apparut, verrouillant l’accès à la pièce. La jeune fille soupira. Elle aurait dû s’en douter. Elle se figea soudain lorsqu’elle aperçut dans le sceau une forme qui lui était familière : l’image d’une rose blanche. Elle ignorait encore ce que ce symbole représentait pour son Maître, mais elle savait qu’il s’agissait d’un élément important. Craignant d’alerter le Mage, elle s’éloigna, jurant sur la capacité de Serymar à prévoir la moindre faille.

Un frisson glacé lui parcourut soudain l’échine lorsqu’elle ressentit une présence à quelques mètres d’elle. Une seule personne ici en possédait une aussi forte.

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