Chapitre 46 - 3

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  • Karel… Nous t’aimons beaucoup.

Il accompagna sa phrase avec les signes adéquats, comme pour bien insister, et surtout réellement démontrer à son fils à quel point chacun faisait de gros efforts. Sûrement moins que lui, mais des efforts tout de même.

  • J’aimerai bien que tu te dises seulement une chose : même si nos actions envers toi ne te plaisent pas, sache que chacune d’elle ne va que dans un seul but : t’aider à aller bien et avancer dans la vie. C’est ça, « aimer » quelqu’un réellement.

Karel n’osait plus réagir, une main posée sur son bras, encore sous le choc d’une telle réaction.

  • Alors peut-être que nous faisons mal les choses. Mais si tu ne dis rien, nous ferons encore des erreurs envers toi. Ce n’est pas de ta faute si tu ne peux pas parler. En revanche, Karel, tu es en parti responsable de ce manque de compréhension entre nous tous. Et j’apprécierai que ta sœur apprenne à se préoccuper un peu plus d’elle-même et soit plus concentrée à ses études. Ce qui ne veut pas dire que tu dois mettre de la distance, s’empressa-t-il de rajouter, conscient des problèmes de compréhension de Karel. Au contraire, ta mère et moi sommes heureux que vous soyez complices. Mais il faut faire attention à ce qu’elle puisse vous apporter à l’un et à l’autre, et non l’inverse.

Il s’éloigna et se laissa choir sur le lit. Karel était toujours comme paralysé. Décidément… Sorel se demandait ce que son fils avait pu vivre pour être à ce point perdu sur la façon de réagir dans une situation donnée. Il décida de le guider.

  • Tu sais, là, j’aimerai en fait que tu viennes t’asseoir à côté de moi pour que nous trouvions une solution ensemble pour essayer d’arranger ta situation avec les autres. Sans nous énerver. Juste en discutant. Laisse-moi devenir ce père que je n’ai jamais été pour toi, Karel, et surtout celui que tu mérites. J’espère sincèrement qu’un jour… Tu parviennes à nous pardonner de t’avoir abandonné. Par les Dragons, c’est atroce…

L’émotion le prit en prenant compte de cette réalité, une main sur ses yeux comme pour dissimuler sa peine. Si seulement ils avaient su que Karel était encore vivant ! Non, en fait, ils auraient dû s’en assurer. Sorel en était convaincu, même s’il n’avait jamais souhaité l’admettre. Il n’était pas étonnant que Karel ait du mal à leur faire confiance, ni qu’il ait cru se faire abandonner de nouveau. Son fils avait grandi dans les mains d’un monstre, puis avait vécu à la rue sans rien comprendre du monde qui l’entourait.

Un long silence tomba. Karel se sentait coupable. Son regard se posa sur la sacoche dans laquelle se trouvait l’ardoise qui lui avait été offerte. Karel regarda tour à tour son père et le sac, avant de le rejoindre. Il sortit l’ardoise et la craie afin d’écrire une phrase. Il s’installa à côté de Sorel, posa une main sur la sienne et lui montra son message de l’autre.

« Je ne pas vous vouloir jamais. Savoir pas ».

Son père se redressa et lut le message rapidement. Il lui prit les deux objets et griffonna exactement la même chose, mais en y apportant les corrections adéquates. Sorel regarda son fils et constata que Karel se faisait attentif pour la version orale.

  • « Je ne vous en ai jamais voulu. Vous ne saviez pas ». Oui, c’est difficile, je reconnais. Et… Merci. J’aimerai que tu dises la même chose à ta mère, ça la rassurerait.

Karel opina et étudia la phrase afin de se corriger.

  • Maintenant, raconte-moi ce qui s’est passé, s’il te plaît.

La gêne le gagna. Son père lui offrit une expression rassurante et lui sortit une petite liasse de feuilles reliées entre elles par de petites cordelettes, ainsi qu’un crayon.

  • Ta mère et moi avons fait quelques dépenses pour toi pendant votre entretien, lui expliqua-t-il. Je pense que ça sera un peu plus pratique dans un premier temps. J’ai l’espoir qu’un jour, nous n’en auront plus besoin.

Karel se sentit aussi surpris que profondément touché. Depuis qu’il avait quitté les Monts, il avait pu constater que tout ce qui était livres et matériel d’écriture était cher et pas forcément accessible à tout le monde. Constater que ses parents avaient dépensé un peu plus juste pour lui, pour créer avec lui une sortie de sa propre prison mentale… Karel en était sidéré. Ce cadeau, le geste, le sous-entendu derrière, c’était juste… trop…

Bouleversé par tant d’égard, Karel se jeta à la taille de son père, dissimulant son expression et ses yeux humides. Comment lui exprimer qu’il était à la fois désolé de leur avoir causé du tort sans le savoir, et que ce geste le touchait sur un point particulièrement sensible ?

Sorel l’entoura de ses bras, surpris mais heureux. C’était la première fois que Karel lui témoignait une telle affection. Ce geste, il l’avait désespéré. Il le serra alors un peu plus fort, espérant faire comprendre à ce garçon à quel point il se sentait désolé pour leurs erreurs à son encontre et à quel point il était aimé.

  • Tu n’es plus seul, Karel, cette fois, nous sommes là. Tu vas t’en sortir, je te le promets. Nous ferons tout pour.

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