Chapitre 19 - 1

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Après avoir sollicité Enorën pour veiller sur Karel, Elma sortit du château et scruta les montagnes au loin. Parfois, le Maître disparaissait quelques heures dans cette direction. Elle pourrait peut-être trouver des indices sur ses véritables intentions et sur sa situation précaire. Au vu de son état, elle avait une occasion en or pour enquêter sur son histoire sans se faire surprendre. Une situation qu’Elma avait longtemps attendu et qui ne représenterait pas de sitôt. Elle était d’autant plus motivée après l’assemblée désastreuse après la mort de Radôn. Elle devait comprendre ce qui se passait vraiment, et si Karel courait un danger face à Serymar.

« Je suis peut-être une Sans-Pouvoir, mais je te le jure, Karel… je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour te protéger. Je te le dois bien, après avoir volé le rôle de ta pauvre mère malgré-moi. »

C’était l’une des choses les plus difficiles que Serymar lui avait ordonné de faire. Comment réagirait Karel lorsqu’il apprendrait cette terrible vérité ? Elma en frissonna. Elle l’aimait, cet enfant. Il lui avait apportée un bonheur indescriptible, une véritable lumière perdue dans ces plaines obscures. La culpabilité d’avoir volé ce lien précieux aux véritables parents de Karel l’étouffait. Si son amour était sincère, chaque bonheur ressenti la déchirait avec autant de force.

Elle reprit courage et continua sa route.

« Il me semble… qu’il prend toujours ce chemin. »

Lorsqu’il disparaissait de la demeure, il allait au-delà de ces vieilles ruines au dehors. Il restait absent pendant plusieurs heures par moments. Elma décida de suivre cette piste. Ce fut au bout de plusieurs longues minutes qu’elle arriva au pied des montagnes, sur un bout de terre enclavé.

Elma eut beau regarder, toutes ces parois noires se ressemblaient. Rien ne paraissait anormal. Elma étudia la zone de plus près.

« Il doit forcément y avoir quelque chose de particulier… »

Elle posa lentement sa main sur la roche et chercha un éventuel mécanisme caché. Rien.

Elma décida d’adopter une autre approche en se mettant à la place de Serymar. Le Mage était capable d’imaginer des procédures complexes pour mieux dissimuler ses secrets.

« Et si ce n’était pas ces montagnes ? Le Maître apprécie plutôt les choses discrètes, le genre de détail si insignifiant que personne n’y prête attention… comme… »

Elle inspecta le sol à la recherche d’un détail improbable, auquel personne ne penserait au prime abord. C’était bien plus dans le style de Serymar. Après plusieurs minutes d’inspection minutieuse, Elma s’accroupit et découvrit au pied de la paroi un bout de roche qui dépassait à peine du sol. Il était disposé dans une zone où le regard ne s’arrêtait pas et était lisse. Peut-être ?

Elma décida de tenter sa chance et débarrassa le sol de la cendre autour dans l’espoir d’y trouver quelque chose. Rien. Elle ne désespéra pas et continua. Toujours rien. Juste de la terre parfaitement noire. Pas de signe, pas de mécanisme, pas de sortilège. Rien.

Au cas où, elle toucha le bout de roche du doigt, mais rien ne se passa non-plus. Elle scruta la paroi et se releva.

Il ne pouvait y avoir rien. La jeune femme doutait que Serymar s’isolait dans un lieu où il n’y aurait rien de spécifique. Comment y accéder, s’il n’y avait pas de mécanisme ? Elma essaya d’analyser certains de ses souvenirs. Peut-être avait-elle manqué un détail ?

Ses réflexions la menèrent peu après sa propre arrivée, quand elle avait découvert un vieux calendrier en lambeaux sur lequel était dessiné une rose un peu particulière. Vu la manière dont le document avait été massacré, il lui avait paru évident que cette rage concernait un événement qui avait profondément marqué le Mage. Ce symbole, elle l’avait rencontré plusieurs fois. Sur ce calendrier, sur le sceau sur la porte du bureau de Serymar, et sur ce papier qu’elle avait essayé de traduire autrefois. C’était sûrement une piste à suivre.

Elma n’hésita pas. Elle ferait avec ses propres moyens de Sans-Pouvoir. Durant ces dernières années, elle l’avait observé.

Elle ramassa un peu de cendres sur le sol et entreprit de reproduire le même dessin sur la paroi rocheuse. Une fois satisfaite, elle recula. Rien ne bougea. La jeune femme soupira, déçue.

  • Vous et vos mystères ! s’agaça-t-elle.

Elle refusait de se décourager. Il fallait certainement faire autre chose. Quelque chose d’insignifiant, auquel personne ne pourrait penser…

  • « Il faut que j’apprenne à faire confiance à mes alliés » ? railla-t-elle, peu convaincue.

Rien ne bougea encore.

  • Evidemment.

Elle prit quelques secondes de réflexion.

  • Non, ça ne peut quand même pas être ça… Rose Blanche ? tenta-t-elle.

Elle s’attendit à ne rien avoir, mais elle fut surprise par un grincement des rochers devant elle. La paroi ne s’ouvrit toujours pas, mais Elma sut qu’elle tenait cette fois le bon bout. Ce symbole représentait donc bien quelque chose pour le Maître des lieux.

Son esprit se reporta encore sur le vieux calendrier. Autrefois, Serymar avait été perturbé qu’elle ait pu mettre la main dessus par hasard. Peut-être que l’indice s’y trouvait. Elma savait lire désormais. Elle pourrait peut-être parvenir à déchiffrer ce que le Mage y avait inscrit malgré la violente rature. Elle devait suivre la piste de cette rose et savoir ce qu’elle représentait.

Elma décida qu’elle le chercherait plus tard et voulut tenter une dernière chose. Elle posa délicatement sa main sur le mur de pierre, inspira et prononça cette fois avec bien plus de conviction :

  • Rose Blanche.

Un autre tremblement, plus intense que le précédent. Elma était incapable de se faire une idée sur l’événement relié à ce symbole, mais cela confirmait qu’il était important pour Serymar, au point de le rendre souvent mélancolique et en colère à la fois. La place n’était donc plus au doute : il s’agissait là d’un indice. Elma étira un petit sourire victorieux. Elle décida d’essayer la phrase qu’elle avait déchiffré avec difficulté :

  • « Aussi belle qu’une rose, mais au caractère aussi acéré que les épines qui la protègent des intentions malveillantes ».

Cette fois, la rose dessinée à la cendre s’illumina, laissant entrevoir ce qu’il y avait derrière, arrachant une exclamation de stupeur à Elma. Une caverne profonde, ornée de cristaux du sol au plafond. La grande majorité étaient bleutés ou sombres, comme s’ils contenaient quelque chose, au vu des lents mouvements qu’elle put apercevoir à l’intérieur, comme si une brume y était emprisonnée.

Elma n’eut pas le temps de s’appesantir. Déjà, l’entrée commençait à disparaître, signifiant qu’il ne s’agissait pas tout à fait de la bonne manière d’y accéder. La jeune femme se dépêcha de plonger un bras à l’intérieur de la caverne pour ramasser un cristal au hasard. Elle se retira aussitôt pour éviter de se retrouver coincée. Le motif cendreux se détacha du rocher qui redevint normal.

Par prudence, Elma effaça ses traces de fouille sur le sol et regarda le cristal sombre entre ses mains. Un léger frisson lui parcourut l’échine. Désormais, elle savait ce qu’elle devait chercher pour pouvoir accéder à cette caverne. Si sa théorie était bonne. Une théorie bancale qui s’appuyait sur le fait que Serymar ait gardé le vieux calendrier.

Elma fixa le cristal et aperçut des images floues en mouvement à l’intérieur de la masse sombre. Elle savait qu’il s’agissait des expériences ratées du Mage consistant à se délester de ses souvenirs. Elle l’avait souvent vu s’infliger ce sort, et se retrouver frustré de constater que si ça fonctionnait sur les autres, ce sort restait sans effet sur lui-même.

Elma serra le cristal contre elle, déterminée. Elle se remémora ces instants où elle avait surpris le Mage manipuler ces cristaux. Il les avait portés au niveau de son front. Est-ce que ça fonctionnerait si elle faisait de même ?

  • Je suis vraiment désolée de vous désobéir, Maître, mais je ne peux pas continuer à vous laisser faire en fermant les yeux. Karel ne mérite pas ça ! Et pour tenter de vous trouver une solution pour vous sauver tous les deux, je n’hésiterai pas !

Agenouillée sur le sol, Elma se plaqua le cristal sur son front et lâcha un cri de surprise face à ce qui s’ensuivit.




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