Chapitre 30 - 1

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Dans l’un des couloirs de la demeure, Karel décida de se mettre au défi. Il ne rejoindrait pas le Mage à pied, il allait tenter une téléportation plus large que ce dont il avait l’habitude. Karel décida de rejoindre son Maître depuis sa propre position.
Karel prit un petit moment pour se concentrer, se rappelant de chaque conseil donné. Analyser tout d’abord la situation : trois étages les séparaient tous les deux. Serymar se trouvait comme souvent dans un petit salon du rez-de-chaussée, certainement occupé à étudier. Karel était plus haut, à l’étage des salles d’eau. Très bien. Il voyait plus ou moins l’effort qu’il devrait fournir. Maintenant, se concentrer. Utiliser juste ce qu’il fallait de son énergie, ni plus, ni moins.

Il expira et se concentra aussi fort qu’il le put : visualiser son corps puis le point d’arrivée. Karel disparut soudain.

Le jeune garçon apparut d’un seul coup dans la bonne pièce, sauf qu’il rencontra le vide sous ses pieds : Karel tomba lourdement sur le sol dans un bruit sourd, juste à un mètre des pieds de Serymar assis dans un fauteuil, qui ne releva pas les yeux. Embarrassé, Karel se releva tant bien que mal et parvint à voir à temps un simple signe de Serymar, pas plus perturbé de voir son Apprenti surgir et tomber du plafond.

  • « Bonjour, Karel. »

Karel baissa le regard, embarrassé. Il allait vraiment falloir qu’il travaille sa précision. Il frotta son dos pour faire passer la douleur et acheva de se redresser pour se rapprocher du Mage. Karel lui offrit un petit sourire gêné, embêté de ne pas avoir su réussir son coup. Il jeta un œil curieux à ce que Serymar étudiait, et ce en dépit du regard que le Mage lui lança, quelque peu agacé par cette attitude.

Karel fronça le regard. Il peinait à comprendre de quoi ce document retournait. Il s’agissait d’un schéma plutôt complexe, recouvert de runes par endroits où étaient dessinées plusieurs silhouettes humanoïdes constellés de détails. Des lignes semblaient les relier d’une certaine manière, mais rien de bien compréhensible pour Karel. Il fixa Serymar. À ses yeux, il était aussi instruit que redoutable. Depuis que le Mage l’entraînait, jamais Karel n’était parvenu à l’atteindre. Alors pourquoi son Maître portait-il des cicatrices aussi monstrueuses, dont celle visible sur le dos de sa main gauche ? Curieux, Karel lança un regard à son Maître et lui demanda encore d’où est-ce qu’elle provenait.




Le Mage le considéra pendant de longues secondes et plia soigneusement son document.

  • « Fût un temps où, comme toi, je manquais d’expérience et enchaînais les défaites. »

Karel lui répondit par une expression surprise. Il fit comprendre qu’il n’arrivait pas à croire que son mentor ait pu se faire dominer.

  • « Et pourtant. »

Ceci dit, Serymar toisa son Apprenti sévèrement.

  • « Si tu continues à prendre à la légère tes entraînements, tu seras aussi blessé. Ou pire. »

Karel comprit parfaitement où est-ce qu’il voulut en venir, se souvenant de Radôn mourant sous ses yeux. Il frissona.

N’ayant pas eu de réponse précise, Karel abandonna et se dirigea vers le couloir. Serymar claqua des doigts pour attirer son attention afin de lui adresser d’autres signes.

  • « Travaille encore sur la téléportation. Ou tu n’auras pas besoin d’ennemis pour te blesser. »

L’embarras gagna à nouveau Karel, qui répondit à l’affirmative et quitta la pièce.

Serymar le regarda disparaître dans le couloir et demeura ainsi pendant de longues minutes, pour vérifier que Karel ne se trouvait pas encore dans les parages. Il glissa une main derrière son dos d’où il extirpa un autre document qu’il déroula d’un geste de la main. Dessus, d’autres schémas cette fois axés sur les organes respiratoires et toute la région linguistique, que ça soit au niveau de la gorge ou même au niveau de la mémoire, avec tout son système nerveux. Il n’était pas question pour l’instant que Karel découvre qu’il n'était pas né comme la grande majorité.

Serymar se remit à son étude de cette curieuse anomalie dont il ignorait encore la provenance. Cela ne pouvait être magique. Karel n’était sous l’emprise d’aucun sort. Le Mage l’aurait senti. Il aurait même été tenté de trouver un stratagème pour tenter de le défaire. Il s’agissait donc d’une anomalie de naissance. Sonder Karel par magie lui apporterait évidemment la réponse, en procédant comme il l’avait fait pour lui sauver la vie, mais Serymar s’y refusait pour deux raisons : la première étant que Karel découvrirait la vérité, et la seconde qu’il risquait fortement d’y passer, car Serymar devrait toucher à sa mémoire. Et ça, il en était hors de question. Pour accomplir ses projets, Karel devait demeurer lui-même. Intact.

Alors Serymar ne céderait pas à la solution facile : il finirait par découvrir d’où provenait cette anomalie. Il avait déjà résolu des énigmes bien plus difficiles que ça autrefois, alors trouver la solution à celle-ci, il en était certainement capable.




§§§§§




Arrivé au dernier étage, Karel avisa le fond du couloir. C’était ici que se trouvait le bureau du Mage. Jamais Karel n’y avait mis les pieds. Autant dire que les lieux attisaient fortement sa curiosité. Qu’y avait-il de si intéressant à l’intérieur pour que le Mage y passe parfois des journées entières ?

Karel songea à sa dernière discussion avec le Mage. Voilà plusieurs années qu’il essayait de l’atteindre, en vain. Le jeune garçon se disait qu’il fallait sûrement adopter une autre stratégie, car en l’état, il ne savait plus quoi imaginer pour enfin gagner un duel. En réfléchissant, Karel se souvint une des premières choses que Serymar lui avait appris : il devait connaître ses adversaires le mieux possible afin d’avoir l’avantage. L’Apprenti porta son attention sur la porte du bureau.

Doucement, il approcha la main et le sceau apparut sous forme d’une figure fort complexe composée de nombreuses lignes fines et brillantes qui semblaient former une rose. De nombreuses runes lumineuses et minuscules flottaient mollement autour du cercle principal. Inutile de forcer le passage. Le Mage le sentirait aussitôt, de toute façon, et Karel ne tenait vraiment pas à ce que son Maître sache ce qu’il avait en tête en cet instant.

Plissant les yeux, Karel essaya de mémoriser l’enchevêtrement de lignes qui composaient le sceau, sans succès. C’était beaucoup trop complexe. De plus, certaines lignes et formes n’étaient pas fixes. Karel songea à tenter autre chose. Il réfléchit en faisant appel à son imagination et à sa logique. La porte était en bois. L’un de ses pouvoirs était relié à la nature. Peut-être qu’en le combinant avec la magie de l’esprit, il parviendrait à quelque chose ? Autant essayer cette approche.

Le bois était une matière vivante, même si dans ce cas précis, la matière était morte. Karel se savait malgré-tout capable de parvenir à quelque chose : deux ans plus tôt, il était parvenu à ressusciter un arbre jusqu’à l’en faire fleurir. Bois calciné ou transformé en porte, quelle différence ?

Karel posa à plat sa paume sur le panneau, le plus loin possible du sceau magique, ferma les yeux et se concentra. Une chaleur afflua rapidement en lui. Il dirigea cette sensation vers sa paume posée contre la porte. Les premières secondes ne donnèrent aucun résultat, mais Karel tint bon : enfin, ses efforts aboutirent lorsqu’il parvint à une ancienne veine à l’intérieur du bois, autrefois porteuse de sève. Karel sentit quelque chose battre sous sa paume, tel un cœur que l’on essayait de réanimer. Lentement, Karel réduisit la distance qui le séparait de la porte. Il posa son autre main, colla son front contre le bois comme pour se faciliter le contrôle à ses pouvoirs psychiques. Le garçon tenta d’entendre ou voir, il n’en savait rien, quelque chose qui pourrait l’aider. S’il insufflait son énergie dans la veine de sève afin de la réanimer… son Maître lui avait expliqué un jour que certaines espèces sur Weylor étaient capables d’entendre les murmures des arbres. Peut-être que Karel pouvait faire pareil à l’aide de ses pouvoirs psychiques ?

L’expérience fut concluante. Karel grimaça soudain en ressentant une sensation de brûlure sur son torse. Il ne paniqua pas, surtout lorsqu’il comprit de quoi est-ce qu’il s’agissait : les zones de chaleur correspondaient au tracé du sceau, comme si, en animant le bois, Karel pouvait voir ce qu’il s’y était passé dessus plus tôt. Il se concentra, essayant d’ignorer cette gêne. Ce fut seulement après plusieurs minutes que Karel parvint à retenir la forme du tracé magique.

Enfin, Karel rompit son contact avec la porte. Il aperçut brièvement plusieurs tâches marron lumineuses qui s’éteignirent aussitôt sur la surface du bois, celle-ci redevenant sombre. Très vite, Karel palpa son torse pour vérifier s’il n’avait aucune blessure et soupira de soulagement lorsqu’il constata que sa peau n’avait rien. Il releva la tête, faisant cette fois face au sceau magique, le regard déterminé. Il tendit ses mains vers l’avant, plia certains doigts et commença à tracer le sceau dans l’air face à lui. Karel se fit le plus précis possible, les traits crispés par l’effort. Dessiner un tracé aussi complexe lui parut sans fin, surtout en y mettant autant d’énergie psychique.

Enfin, un déclic se fit entendre. La porte s’ouvrit dans un léger grincement. Karel transpirait avec toute l’énergie qu’il avait dépensée, mais la satisfaction peignait son visage. Il n’en revenait pas : il avait réussi !

Suite ===>

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