Mémoires : premier fragment

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Je regardais les flammes rougeoyantes qui avalaient lentement le sapin du petit cercueil de ma mère. Nous étions trois tristes âmes alignées, un affligeant petit comité pour un dernier au revoir à une anonyme, passagère d’une vie oubliée.

Mes yeux fixes, ma bouche entrouverte sur un souffle retenu, je regardais sans voir, perdue dans ma douleur. Elle m’avait pourtant promis de se battre, mais une fois encore, elle avait failli à sa parole.

Les portes du four se refermèrent dans une lenteur funeste. Je n’avais plus rien. Sa vie était passée et ne laissait que moi, pauvre petite orpheline écrasée d’un trop lourd fardeau.

Un sentiment d’abandon m'assaillit, si grand, si vertigineux, je pouvais sentir la terre se dérober sous mes pieds. La mère de mon amie m'enserra la taille, fébrile soutien à mon malheur.

Je n’avais pas dix-huit ans. Qu'allais-je pouvoir devenir ? Ma vie, jusqu’à présent n’avait pas été rose, mais au moins, elle avait été parsemée d’insouciance. Maintenant, j’étais seule, sans pilier auquel m’accrocher.

Je n’arrivais pas à pleurer, j’avais trop mal. Elle ne méritait pas de partir comme ça, sans personne, sans fleurs. Je n’avais pas eu l’argent pour en acheter. Il ne me restait rien.

Je ne devais plus compter que sur moi-même maintenant. Terrifiante pensée.

Je sortis du funérarium soutenue par mon amie. La neige tombait en petits flocons légers et je levais la tête machinalement pour observer leur chute. L’un d’eux vint s’écraser dans la chaleur de ma joue échauffée par une douleur contenue. Alors mes larmes jaillirent, mon chagrin se déversa de ma poitrine où il était resté prisonnier. J’étais déchirée, mes soubresauts ne s’arrêtaient plus. Mon amie me prit dans ses bras. Je m’accrochais à elle avec force pour ne pas m’écrouler, mes jambes, tremblantes, me tenaient à peine.

À l’arrière de la voiture, je contemplais le paysage familier défiler sans le voir. J'entrais dans le petit appartement où j'avais toujours vécu. Tout me sembla étrangement nouveau, je redécouvrais, m’attardais sur des détails, chaque objet me ramenait à un souvenir. Comme si je déambulais dans un musée rempli des souvenirs d'une autre, Je n’osais pas toucher. lI ne me restait plus que quelques jours avant de devoir quitter ce qui avait été jusqu’à présent mon foyer, sans pouvoir emporter ces souvenirs de mon enfance, qui seraient effacés. Triste évanescence d’un bonheur fugace.

Mon amie resterait ce soir, mais demain…Demain serait plus dur, plus seul, plus froid. Il faudrait bien survivre. Je n’avais pas le temps de m’appesantir dans le chagrin, je devais m’adapter, trouver en moi la force d’avancer vers un avenir que je ne percevais pas, dans le brouillard nébuleux qui asphyxiait mon esprit.

Ma mère me conseillait de "ne jamais lâcher", qu’il existait toujours "un espoir". Mais comment faisait-on à dix-sept ans pour avancer sans guide ?

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