Mémoires : cinquième fragment

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À partir de ce soir-là, nous nous vîmes tous les jours. Il m'enjôlait de ses attentions, me rapportait chaque fois un cadeau. Il possédait ce côté paternel et protecteur qui me sécurisait, me rassurais. Du haut de ses dix ans supplémentaire, il comblait le vide du père que je ne connaissais pas. Je n’avais jamais été intéressé par les adolescents boutonneux de mon âge. Les quelques flirts vécus au lycée, s'arrêtèrent à un mélange de salive maladroit. Lui, il était si beau, élégant, viril. Comment aurais-je pu lui résister ? Je ne comprenais même pas pourquoi un homme comme lui s’intéressait à une gamine comme moi. Il n'insistait pas, ne réclamait rien de plus que ce que je voulais lui donner. Il me chuchotait avoir envie de moi, mais me donnait le temps nécessaire. Je me sentais respectée, choyée comme jamais auparavant. En deux mois, j'étais follement amoureuse, prise au piège.

Ma plus grande crainte restait que mon sentiment ne soit pas réciproque et qu’il m’abandonne au bord du chemin à peine entamé. Je me promis alors de tout faire pour garder cet homme extraordinaire qui avait croisé ma route.

Notre relation avançait à grand pas, tout allait très vite. Alors quand un soir il s’agenouilla devant moi une petite boîte en velours rouge tendue vers moi, je ne pus que répondre oui. J’étais tellement sûre de nous. Il venait de se déclarer, de m'avouer qu’il m’aimait. Comment résister ? Même une femme plus mûre que moi aurait craqué.

Il avait tout prévu et tout fut fait en un rien de temps. Mon déménagement, je ne m’en occupais pas, ma démission en tant que modèle, je ne la décidais pas non plus. Mais le cadeau qu’il me faisait, était si grand que je ne pouvais qu'accepter. Il m'inscrit dans cette grande école de stylisme dont je rêvais tant. Cadeau de fiançailles disait-il. Et puis pour lui, je ne devais plus travailler, il disposait des moyens nécessaires pour nous deux. J'éprouvais quand même le sentiment sourd de perdre le contrôle de ma vie. Mais à ce moment-là, cela n’avait pas d’importance tant je vivais sur un petit nuage.

La seule chose qui n’allait pas, c’était moi. Mon corps rechignait à se donner. Je ne répondais pas comme il fallait. Il me disait que ce n’était pas grave, que cela viendrait avec le temps. Il patientait et se contentait de m’apprendre les caresses. Le reste suivrait.

Nous dînions tous les vendredis chez sa sœur. Son rôle ne se bornait pas à celui d'une sœur. Elle était aussi celle qui l'éleva à la mort de leurs parents. Il ne prenait aucune décision sans qu’elle ne donne son aval. Elle demeurait l’ombre de son ombre. Mais, ultime preuve de son amour, pour la première fois, il s'opposa à son avis en emménageant avec moi. Sa sœur n'en était pas ravie et me voyait plus comme une profiteuse que comme une femme amoureuse. Elle ne comprenait pas l'engouement de son frère. Elle m'acceptait les lèvres pincées dans le seul but de complaire à celui qui prenait la place de l'enfant qu'elle n'avait jamais eu.

La vie à deux n’était pas des plus facile, mais les vexations qu'il m'infligeait, n’étaient que broutilles au vu de tout le reste. De temps à autre, il m'envoyait des remarques acerbes. Ma veste n’allait pas avec mon pantalon, je ne pensais pas de la bonne façon, j’avais laissé traîner une assiette. Des petits riens le mettaient dans une telle fureur que je ne trouvais aucune réplique. Je me taisais, regardant incrédule passer l’orage. Intérieurement, un malaise m'habitait. Et à chaque fois, il ne manquait pas de me rappeler tout ce qu’il avait fait pour moi. Je me sentais coupable. Il avait raison, je lui devais des efforts. Alors ma vie devint un contrôle permanent de mes faits et gestes, tout ce que je faisais, je l'envisageais selon ce qu’il pourrait en dire. Je restais toujours en alerte. Mon esprit, parfois, vacillait d'une fatigue qui m'enfonçait dans la léthargie, amplifiant ses coups de colère. Je croupissais dans cette spirale perverse qui m'aspirait malgré moi.

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