Chapitre 8

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Noël amena le dernier jour de l’année. Un brouhaha emplissait l'appartement de Peter. Cette année Jude avait répondu présente à l'invitation. Elle était entre deux relations et n'avait donc rien de prévu. Eva se tenait derrière les fourneaux, peaufinant les préparations. L'odeur aillée du gratin qui terminait sa cuisson réveillait les papilles des convives déjà bien éméchés. Eva découpa les tranches d'agneau qu'elle disposa dans le plat de service doré et jetable acheté pour l'occasion.

"Allez, tout le monde à table." Cria Eva.

Le repas se passa dans un capharnaüm pittoresque. Tout le monde parlait avec tout le monde et personne n'entendait personne. Tous savouraient et s'extasiaient sur le plat préparé par Eva. Il faut dire qu'elle honorait ses origines. La soirée débordait de vie. Les éclats de rire ricochaient sur les murs, s'amplifiaient dans les appartements voisins. La voisine du dessus tambourina sur le sol pour faire entendre son mécontentement. Les haussements de voie qui firent écho aux percussions colériques accentuèrent le niveau sonore. Jude n'arrivait plus à s'arrêter de ricaner, contaminant Eva et Peter.

- Encore une mégère frustrée. gloussa Jude.

- Et encore, tu ne l'as pas vu, cela doit faire trop longtemps qu'elle n'a pas...

- Peter ! s'offusqua Eva, ironique.

- Ne vous inquiétez pas Madame le dragon empêcheur de tourner en rond. Nous partons dans cinq minutes. hurla Peter, les mains en coupe autour de sa bouche en direction du plafond.

Ils s'emmitouflèrent dans leurs manteaux de laine et sortirent, direction Time Square pour partager le décompte de l’arrivée de la nouvelle année avec des milliers d’autres New Yorkais. L'ambiance était à l'unisson. Eva aimait cette ville, son atmosphère surtout en cette période. Rien de plus grisant que cette union des âmes, d’un peuple réunit dans un même esprit de fête. Des soirs comme celui-ci, elle se retrouvait, joyeuse, moins renfermée, plus elle-même.

Le douzième coup frappant, tout le monde hurla « bonne année », s’enlaçant, s’embrassant, trinquant, buvant à même les bouteilles. Eva serra plusieurs inconnus qui lui volèrent de chastes baisers. Les premières minutes d'une nouvelle année, laissaient place à l'espérance. Un court moment où l’on oubliait ses peurs, ses doutes, où tout paraissait lumineux. Un instant que l’on voudrait voir s’étirer, mais qui vous laissait amer dès le lendemain. Ils terminèrent leur nuit très tard, recréant un monde idéal avant de se séparer au petit matin.

Quand son téléphone sonna à 8h30, Eva ressentit, un dur retour à la réalité. Elle répondit la voix pâteuse et en français :

- Oui.

- Eva, c’est German. Je vous réveille.

- Un premier janvier à 8h30 absolument pas. répondit-elle sarcastique, toujours en français.

- Eva en anglais ça m’aiderait.

Elle s’assit dans son lit.

- Pardon, qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

- J’ai besoin de votre aide sur un document, je n’ai reçu qu’un exemplaire en français et ils ne répondent plus à mes mails ni au téléphone…

- Un premier janvier, étonnant ! Cela ne peut pas attendre lundi ?

- En fait, j’aurais besoin de sa traduction pour lundi matin au plus tôt.

Eva souffla.

- Très bien emmener le moi.

- Super, j’arrive dans 15 min et… Au fait… Bonne année Eva.

La tonalité du téléphone agressa son tympan, quinze minutes pour se doucher et s’habiller, elle pouvait le faire. Cet homme était un vrai bourreau, même un jour comme celui-ci, il s'entêtait à travailler.


Quand German frappa à la porte, elle était encore en peignoir. Son imagination ne fit qu'un tour en songeant qu'elle était nue derrière le coton éponge. Il se rabroua mentalement pour se refaire une contenance. Il lui tendit un petit sachet en papier et un grand café du Starbucks d’à côté sans sembler s'apercevoir de son accoutrement.

- Vraiment désolé Eva, je n’aurais pas insisté si ça n’avait pas été urgent. Vous savez que nous avons très peu de temps…

- C’est bon, je n’avais rien de prévu un premier janvier à 9h alors…

Sa mauvaise humeur l’amusa.

- La soirée a été mouvementée ?

Elle le regarda agacée.

- Vous savez German, il n’y paraît peut-être pas, mais j’ai une vie en dehors de Bouchard ! Et vous feriez bien de suivre mon exemple.

- Oh là ! J’éviterai les appels à 8h30 dorénavant.

Sa colère, certes justifiée, l’amusait. Ses yeux étincelaient telle la lumière vive d’un éclair et les rendaient encore plus attrayants.

- Hum, hum, dit-elle en le regardant par-dessus son gobelet de café chaud. Alors ce papier à traduire.

Il sortit un document plié en quatre de la poche de son jean. Car pour une fois, il n’était pas en costume et cela lui donnait un petit côté bad boy sexy. Eva pris le papier, le déplia et s’installa à sa table invitant German à lui faire face. Alors qu'elle écrivait la traduction sur un papier blanc, le haut de son peignoir bailla laissant entrevoir sa peau nacrée et le galbe de son sein. German ne perdit rien du spectacle, les gouttelettes qui perlaient de ses cheveux et ruisselaient dans le creux de sa poitrine en une caresse lascive, l'enfiévrèrent. Il était hypnotisé, captif des images sensuelles qui tournaient dans son esprit.

- German ? Vous êtes avec moi ?

La voix d'Eva trouva le chemin de sa raison. Elle lui tendait le papier plein de son écriture. Il baissa les yeux sur le document et prit quelques minutes faisant mime de lire pour reprendre contenance.

- Parfait, merci Eva.

- Vous allez bien ?

German avait du mal à retrouver son sang-froid. Cette femme n'avait absolument pas conscience de la sensualité qui émanait d'elle, il en était remué d'une manière qui ne lui était pas habituelle.

- Oui pourquoi ?

- Vous avez l'air bizarre.

Il devait retrouver la distance réglementaire qu'il devait avoir avec son assistance. Il se leva.

- Je vous laisse à votre journée. Merci.

Il tourna les talons et sortit troublé par ses émotions qu'il ne s'expliquait pas.

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