Mémoires : neuvième fragment

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J'ai commencé à prendre des cachets pour dormir. La chambre, le noir, me terrorisaient. Les médecins ne savaient que faire de ma mélancolie. Un cachet et au lit, paraissait la solution miracle. Même ça ne me suffisait pas. Je m'abrutissais, c'est vrai, mais je gardais mes sourdes angoisses.

Je me sentais seule, prise au piège. Ma mère me manquait plus que jamais. Je n'avais personne à qui parler. Il avait écarté le peu d'amis qui dessinaient auparavant mon monde. Il ne me restait que lui. Sa présence m'était nécessaire. Il devint ma sécurité quand moi, je me transformais en dérangeante compagne. Concubine qu'il laissait de plus en plus seule. Sans doute, était-il fatigué de mon mental chancelant. Pourtant, j'agréais à tous ses désirs, toutes ses folies. Ce qu'il voulait que je fasse, je le faisais. Mon corps demeurait sa chose. Un objet qu'il oubliait parfois.

Il m'amenait dans ses soirées mondaines, il me brandissait tel un trophée. Et quand cela l'arrangeait, je me laissais toucher par d'autres hommes. Je me dégoûtais, mais j'affichais toujours un sourire forcé qui n'atteignait jamais mon cœur.

Un soir, je tombais nez à nez avec la seule femme que j'aurais préféré ne pas croiser. Mon ancien employeur, discutait joyeusement avec ma belle-sœur. M'apercevant, elle se dirigea vers moi dans un grand sourire. Elle prit de mes nouvelles. Je répondais les lèvres pincées, à mi-voix. Mon cœur déchiré, oscillait entre l'envie de me jeter dans ses bras, de retrouver sa chaleur, sa sécurité maternelle et de déverser la honte qui me submergeait. Dans sa perspicacité, elle décela mon mal-être. Ses questions se firent plus pressantes. Contre toute attente, ma belle-sœur vint à mon secours, il me cherchait. Je m'excusais, polie, et disparut de son champ de vision.

C'était sans compter sa persévérance. Elle se présenta chez moi, un matin, accompagnée de sa fille, mon amie. Nous ne nous étions pas vu depuis des mois.

Il était treize heures et je traînais encore en pyjama, les cheveux dépeignés. J'étais heureuse de les voir. Mon amie me regarda les yeux écarquillés. Elle me trouva changé. Bien trop maigre. Je ne mangeais pas beaucoup, il est vrai. Les yeux cernés de mes nuits blanches. Sa mère scanna l'appartement, trouvant les boîtes de cachet, elle me dévisagea en secouant la tête, elle insista pour savoir ce qu'il se passait. Je lui racontais à contre-coeur ma dépression sans lui avouer le plus noir, le plus vil. Elle comprit bien vite que mon couple ne tournait pas rond. Elle me proposa son aide. J'habiterai chez elle un temps, mon amie étudiait en dehors de Paris, je prendrais sa chambre. J'étais terrorisée par ce qu'elle m'offrait. Comment réagirait-il ? Mal très mal. Je me voyais incapable de lui faire ça. Il me tuerait certainement. Je refusais. Elle insista, mais je tins bon. Je ne pouvais pas le quitter. Elles partirent me laissant à ma détresse.

Il les croisa dans l'escalier. Furieux, il me fit payer cet écart aux règles qu'il m'imposait. Une fois ses nerfs calmés par les bleus sur mon corps, il me fit promettre de ne plus jamais les revoir. Pour avoir la paix, j'acceptais. 

Puis, un événement changea mon opinion.

Un soir où je rentrais après mes cours, je le trouvai dans la chambre, assis sur le lit, une tête blonde entre ses jambes. Quelque chose en moi se révolta. Je pris un sac, le remplis à la hâte de vêtement sans trop savoir ce que j'emportais et je claquais la porte de l'appartement sans un mot.

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