- Eva ? Que se passe-t-il ?

Elle ouvrit les paupières sur German et plongea dans ses yeux noirs où elle pouvait lire une trace d’inquiétude.

- Je crois que j’ai trop bu, fut tout ce qu’elle trouva à dire.

German, qui l’avait observé toute la soirée, savait qu’elle mentait puisque qu’elle n’avait même pas terminé son deuxième verre de vin rouge. Il voyait un tel désarroi dans ses yeux, désarroi mêlé à quelque chose de plus puissant, comme de la peur. Elle le regardait toujours. Et sans raison, faisant juste confiance à l’appel de son corps, elle lui demanda dans un murmure, presque une supplique.

- Embrassez-moi.

German, qui crut avoir mal entendu, arqua les sourcils, perplexe.

- Quoi ?

- Embrassez-moi. S'il vous plaît.

Il la dévora du regard, elle lui demandait une chose qu’il désirait depuis plusieurs semaines. Ses yeux se baissèrent sur sa bouche rouge et tentante. Son air implorant finit par le convaincre et il ne put résister plus longtemps. Il prit la tête d’Eva dans ses mains, se pencha et s'empara de ses lèvres. Plutôt chaste au début, il profita de son soupir pour s’insinuer dans sa bouche. Le baiser qu’ils échangèrent fut intense, sauvage. German posa une main sur sa taille et remonta jusqu’à sa poitrine. Eva arqua les reins et enroula sa jambe autour de la cuisse de German. Leurs corps se moulaient à merveille. Elle ressentit la puissance de son désir. Elle se figea, ramenée à la raison et se détacha de sa bouche sans brusquerie. Lorsqu’il voulut reprendre ses lèvres, elle le stoppa d'un doigt.

- Excusez-moi German, je ne sais pas ce qu’il m’a pris. Vraiment, c’est une erreur.

Tout en parlant, elle se dégagea de l’étreinte de German, qui tenta de la rattraper par le bras.

- Attendez Eva….

- Non, laissez-moi. Vous m’excuserez auprès de ses messieurs, mais je préfère remonter dans ma chambre.

Elle lui tourna le dos et accéléra le pas jusqu’à ce qu’elle disparaisse au tournant du couloir.

German resta sans bouger pendant un moment. Il était encore stupéfait par la force de ce baiser, de loin le plus intense de ses souvenirs.

Le lendemain, jour du retour, Eva évita de croiser de trop près German tout comme elle éluda son regard. German s'en agaça, mais ne pouvait pas lui en vouloir. Il avait lui-même franchi une limite interdite. Eva ne correspondait pas au type de filles qu’il fréquentait d’habitude et il suspectait que cette différence l’attirait invariablement vers elle. Il ressentait un besoin de protection envers elle et il éprouvait cette envie de l’embrasser sans pouvoir s'expliquer cette faim viscérale. Et maintenant qu’il avait goûté au fruit défendu, un seul désir le tenaillait, recommencer. Cela allait drôlement lui compliquer la vie.

Ce jeu du chat et de la souris ne dura pas longtemps. Dans l’avion, assisse à côté de lui, elle ne put plus échapper à la confrontation.

- Eva, il faut que nous parlions.

- Je ne préférerais pas. Nous sommes adultes, nous pouvons tout à fait oublier un simple baiser insignifiant. Dit-elle le plus froidement possible alors même que son cœur battait la chamade.

German se sentit blessé dans son orgueil. Un simple baiser insignifiant alors que lui en était bouleversé. De colère, il répondit.

- Vous avez raison Eva. Vous aviez besoin de réconfort hier soir et je vous ai donné ce que vous cherchiez. N’en parlons plus.

Il se plongea dans la lecture d’un dossier qu’il avait déjà balayé de A à Z, mais cela lui permettait de donner le change et de contrôler la colère qui l’assaillait.

Eva mit le casque sur ses oreilles et se tourna de côté, faisant semblant d'écouter une musique qu'elle n'entendait pas, trop troublée qu’elle était par l'animosité de German et les sentiments qu'il faisait naître en elle.