Mémoires : quatorzième fragment

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Je me scrutais dans le miroir sans me reconnaître : mes joues creuses, mes yeux cernés, mon sourire tombant de mélancolie. Je n'étais plus celle que j'avais été. Même mon regard avait perdu sa brillance et je n'avais pas encore vingt ans. Pourtant, il me semblait avoir vécu plusieurs vies, d'avoir cent ans. Je devais me reprendre, cesser de m'abrutir avec des drogues qui ne m'aidaient pas. Je commençais donc par tout arrêter. Mes nuits devinrent difficiles, sans sommeil, mais mon cerveau se remettait à fonctionner. Je m'alimentai mieux, me forçant à ne sauter aucun repas. Je m'initiai à la course à pied, tous les matins, je parcourrai mes cinq kilomètres. Il ne me fallut que quelques semaines pour retrouver un corps en forme.

Et pour retrouver un semblant d'équilibre, j'avais besoin de savoir ce qu'il était advenu d'Eric.

Je décidais de retourner au hangar, peut-être y trouverais-je un indice ? Je me souvenais du chemin. Je m'y rendis un après-midi. Vigilante, je pénétrai à l'intérieur du bâtiment désaffecté. Du bruit venait du sous-sol. J'approchai de l'escalier, descendis quelques marches. Les hommes armés étaient toujours là. Encore une fois, je me demandais ce qu'ils pouvaient bien garder. Des gens sortirent de la pièce. Je remontais rapidement pour me cacher derrière une grande colonne de béton. Il était là avec deux autres personnes. L'une lui tendait une liasse de billets alors que les deux sbires armés portaient une caisse jusque dans le coffre de la voiture garée en plein milieu du dépôt. Je ne comprenais pas ce qu'il trafiquait, mais la situation confirmait ses activités illégales. Profitant qu'ils ne me voyaient pas, je me faufilais dans la cave. La lumière blanche et aveuglante me rejeta d'infâmes images à l'esprit. Je frissonnais.

Je regardais autour de moi, je devais me dépêcher. Je ne savais pas de combien de temps je disposais. Je ne trouvais rien concernant Eric. L'endroit était immaculé. Des caisses jonchaient le sol. Il y en avait plusieurs comme celle rangée dans le coffre. Ma curiosité n'y résista pas. Je soulevai un couvercle, des sachets de poudre blanche reposaient à l'intérieur. Je n'en revins pas. Voilà d'où il tenait tout cet argent. Il ne fallait surtout pas qu'il me voie ici. Je revins avec prudence me positionner derrière mon pylône. J'attendis plusieurs minutes qu'ils partent et encore plusieurs pour m'assurer qu'ils soient loin. Les deux gardiens redescendirent faire le pied de grue et je pus enfin m'éclipser.

Je devais voir mon amie, peut-être avait-elle des informations sur Eric ? Ma santé mentale en dépendait. Je me sentais tellement coupable de l'avoir mis dans cette situation par égoïsme. Chaque fois que je pensais à sa tête tuméfiée qui pendait sur un côté, mon sang se glaçait d'horreur.

Mon amie, je ne l'avais pas revue depuis plusieurs semaines. Il me l'interdisait, la rendant responsable de mon incartade avec Eric. Peut-être avait-il raison, mais elle restait ma seule amie. M'éloigner d'elle était une cruauté de plus de sa part. Sans penser aux conséquences, je bravais son interdiction.

Je me rendis chez elle, un samedi après-midi. Elle m'accueillit avec Loïc. Elle me trouva bonne mine. Je leur demandais s'ils avaient des nouvelles d'Eric. Ils me regardèrent gênés. Non, ils n'avaient pas de ses nouvelles, mais personne n'en avait. Il avait disparu de la circulation du jour au lendemain. Loïc disait être inquiet, comme les parents d'Eric qui avaient déclaré sa disparition. Mon estomac se retourna. Mes doutes se confirmaient. Il était arrivé le pire à Eric, et je m'en tenais responsable. Je devrais donc vivre avec cette culpabilité, toute une vie. Et que devais-je faire ? Le dénoncer ? Je ne savais pas. Une chose paraissait soudain évidente, je devais sortir de ses griffes sans quoi, je ne vivrais jamais tranquille.

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