Chapitre 26

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Le quatre juillet arrivait à grands pas et Eva, qui passait habituellement ce moment avec les Bouchard, refusa l’invitation de German. Ils passèrent donc le week-end séparés. Ils ne s'étaient pas séparés depuis le début de leur relation. Un moment pour réfléchir, pensa German, à ce qu’il voulait avec elle.

German arriva le vendredi matin dans les Hamptons et sa mère lui demanda immédiatement :
« Eva n’a pas pu venir ? Pas de soucis au moins, j’aime bien cette fille.

- Non, enfin, c’est compliqué. Mais je dirais que tout va plutôt bien même si parfois, j’ai l’impression que des choses m’échappent.

- Tu sais German, il ne faut pas chercher à rationaliser quand on est amoureux…

- Non, non, ce n’est pas ça…Dit German surpris d’entendre sa mère insinuer qu’il était amoureux.

Celle-ci soupira de son déni :

- German, je t’ai vu la regarder comme je ne t’avais pas vu regarder une fille depuis Rebecca et à bien y réfléchir, tu ne t'es jamais comporté de cette façon avec Rebecca. Dit-elle sur un sourire entendu.

- Maman. Soupira German

Wyatt entra à cet instant Louisa dans les bras. Sa mère l’interpella :

- Wyatt qu’en penses-tu toi ? Penses-tu que German est amoureux d’Eva ?

Wyatt souleva les épaules et regarda son frère un sourire moqueur sur les lèvres :

- En tout cas, je ne l’ai jamais vu avec une autre fille de cette façon, comme un toutou attendant son sucre. Ah ah !

German prit le torchon qui pendait de son côté du plan de travail et le jeta à la figure de son frère.

- Oh là là, pas la peine de t’énerver frérot, ça arrive à plein de gens tu sais, de tomber amoureux.

German sortit de la cuisine entendant le rire moqueur de son frère lorsqu’il cria presque « certainement pas ». German n’était pas en colère, mais contrarié, il n’avait jusque-là pas vu son histoire avec Eva comme une relation amoureuse, mais plutôt une relation charnelle. Le genre de rapport qu'il connaissait bien. Cependant, s’il voulait être un peu honnête avec lui-même, il y entendait un fond de vérité dans la mesure où son désir et son besoin d’elle ne s'avéraient pas rationnels et qu’il ne se sentait jamais aussi bien avec personne, femme ou homme d’ailleurs, en dehors de sa famille. Pourtant, cela ne semblait pas le cas pour elle, elle peinait à lui donner sa confiance. Il rencontrait toujours un rempart pour bloquer ses tentatives d’immersion. Ses angoisses et ses peurs la submergeaient et il n’arrivait à les franchir qu’au lit où elle lâchait prise et s’offrait sans réserve.

Était-il amoureux ? Il n’en savait rien. Il l'avait été une fois. Mais ce qu’il ressentait pour Eva ne ressemblait pas à ce qu’il se rappelait avec Rebecca. Mais depuis, il était devenu adulte, son caractère s’était affirmé et il n’était plus un adolescent malléable. Et depuis Rebecca, il trouvait difficile de s’investir avec une femme. Il préférait les relations superficielles restant distant avec toutes ses conquêtes. Au contraire avec Eva, il vivait un besoin viscéral de partager, de quelque chose de plus. Il ne se souvenait pas avoir jamais passé autant de temps avec une fille. Même là, auprès de sa famille, il éprouvait la tentation d’être avec elle. Elle lui manquait. Alors, il prit conscience des sentiments qui l’enchaînaient à elle. Il décida de la rejoindre à Jericho où elle passait le quatre juillet avec les Bouchard.

Eva et les Bouchard se rendirent autour de vingt et une heure sur la place de la petite ville pour assister au feu d’artifice. Une buvette avait été installée et Eva proposa d’aller chercher des boissons. Attendant son tour, elle sentit une main se poser sur ses reins et une voix murmurer « Bonjour bébé » en français. Elle se figea, tétanisée, elle ne tourna même pas la tête, ses muscles se paralysèrent. Cette voix tout droit sortie de ses pires cauchemars, elle la reconnaîtrait même après mille ans, comme la mère pingouin reconnaît son petit parmi des milliers au son de son chant. Il prit son bras et avança alors que le serveur leur demandait ce qu’ils voulaient. La musique du bal qui se donnait sur la place bourdonnait dans les oreilles d'Eva. Elle fut prise de vertiges. Elle tourna la tête vers un Stéphane Lombard plus âgé, mais dont les yeux gardaient toujours le bleu de ses souvenirs, toujours aussi perçant et autoritaires. Cet homme avait toujours été beau. Son élégance, cependant, cachait sa laideur. Aucun son ne sortait de la bouche d’Eva qui restait là plantée à côté de Stéphane sans bouger. Elle aurait pourtant dû prendre ses jambes à son cou et fuir, mais son corps ne répondait plus. Elle détesta se revoir comme l’adolescente qu’elle était il y a dix ans, incapable de l’affronter. Il commanda une bière pour lui et un verre d’eau pour elle qu’elle pris machinalement quand il le lui tendit.

« Je vois que tu ne t’attendais pas à me voir. Dit-il en buvant une gorgée de bière.

Elle secoua la tête. Il lui prit son verre des mains et le posa à côté du sien sur l’étal de la buvette. Il empoigna son bras et l’entraîna sur la piste de danse improvisée pour l’occasion et la serra contre lui posant une main dans le creux de ses reins comme un amoureux. Eva frissonnait de terreur.

German, qui venait d’arriver sur la place, chercha Eva du regard et stoppa net en la voyant danser dans les bras d’un homme qui l’enlaçait bien trop collé. Leur façon d’évoluer ensemble ne laissa pas de doute à German, ces deux-là se connaissaient et Eva laissait cet homme poser sa main au creux de ses reins, là où seule sa main à lui devrait pouvoir s'appuyer. Le pincement au cœur qu’il ressentit lui arracha une grimace. Eva, avait-elle une liaison avec lui ? Puis il vit l’homme se pencher dans le cou d’Eva et la façon dont elle le laissa faire, et le baiser qu’il déposa sur sa joue, ne lui laissa plus aucun doute. Il pensait Eva différente. Il ne pouvait que constater son erreur. Les femmes, étaient-elles donc toutes des menteuses ? Ne pourrait-il jamais avoir une totale confiance en l’une d’elles ? Rébecca l’avait déjà trompée par le passé le laissant dévasté. Il s’était promis de ne jamais se refaire prendre au jeu de l’amour. Pourtant, en voyant Eva dans les bras de cet homme, il comprit qu’il avait perdu le défi lancé à lui-même. Il était tombé amoureux de sa petite assistance au regard envoûtant, voulant croire à sa pureté et à son innocence. Elle s’était bien moquée en vérité. En colère contre lui, contre elle, il rebroussa chemin, reprit la direction de New York pour rentrer chez lui.

Eva sentit la panique l'assaillir quand Stéphane se pencha sur son oreille et lui murmura « on se reverra bientôt bébé » avant de l’embrasser sur la joue, se retournant et disparaissant dans la foule. Elle se retrouva au milieu de la piste où tout tournait autour d’elle. Le feu d’artifice venait de commencer, la lumière l'entourait, le ciel s’éclairait de mille couleurs alors que le noir cachot de son passé l'aspirait. Elle était de nouveau la jeune fille parisienne, dont le seul malheur reposait sur l'instant où son chemin croisa un beau et riche homme qui en avait fait sa marionnette. Encore aujourd’hui, elle s'était tétanisée, l'autorisant à la toucher, à l’avilir.

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