Tout était calme dans la grande demeure. Pas un bruit. Pas un souffle de vie. Les lourds rideaux bleu roi tamisaient la lueur diaphane de la lune. La chambre à coucher demeurait à présent dans une obscurité glaçante. Sur la droite, gisaient par terre, près du lit à baldaquin, des draps et des couvertures crèmes. En face se tenait une coiffeuse joliment ciselée mais sans grande extravagance ni ornement. Une brosse à cheveux, des épingles et quelques rubans semblaient avoir été abandonnés sur la petite table dans la précipitation. Sur la gauche, l’armoire en bois massif, éventrée, laissait s’écouler une gerbe de robes, de vestes et divers jupons.

• Marie !

La porte de la chambre s’ouvrit avec fracas, illuminant par la même occasion la pièce. Une jeune femme se précipita et sauta tête la première sur le lit, s’enfonçant dans l’épais matelas moelleux. D'excitation, elle battait l’air avec ses pieds.

Une femme de chambre fit irruption peu de temps après. Elle alluma une par une les lampes à huile puis se plaça près de la demoiselle, attendant ses ordres.

• Je n’en reviens pas ! C’est merveilleux. Ou bien au contraire c’est terrifiant. Marie, je ne sais pas quoi en penser.

Marie regardait la jeune femme d’un air interrogateur, une lueur de curiosité malicieuse dans les yeux.

• Mademoiselle, je pourrais certainement mieux comprendre la situation si vous me l’expliquiez, plaisanta-t-elle.

La jeune femme, toujours allongée sur son lit, releva lentement ses longs cheveux chocolat, encadrant un visage à la peau brune cuivrée, dévoilant ainsi des pupilles ambrées. Pour toute réponse, elle tendit une lettre décachetée à la domestique.

À l’attention de

Mademoiselle Lyra Merryweather

• Le sceau royal, glapit Marie en passant délicatement son doigt sur la cire. Mademoiselle, vous avez reçu une lettre du château !
• Ce n’est pas le plus incroyable, s’esclaffa Lyra en se levant d’un bond sur le lit. Leurs Altesses en personnes exigent ma présence lors du bal d’hiver. Elles veulent m’entendre. Que toute la noblesse du continent écoute mes histoires.
• Vos parents sont-ils au courant ? Et vos sœurs ? Ils doivent être si fiers de vous.
• Pas encore, concéda la jeune femme. Je voulais que tu sois la première informée. Rien n’aurait été possible sans toi.

Marie sentit ses joues rosir de plaisir. Ne rechignant pas au compliment de sa maîtresse, elle lui rendit l’invitation et lui empoigna fermement les mains.

• Je vais faire de vous la Lady la plus belle et la plus inoubliable de la soirée !
• Marie, le bal n’est que dans quinze jours.
• Dépêchons-nous alors, nous avons du pain sur la planche, insista-t-elle. Ce soir je veux que vous dormiez. Reposez-vous afin de faire disparaître ces vilains cernes. Dès demain, je vais vous préparer un masque pour vos cheveux et votre peau à base de miel et de lavande. Il vous faut également une nouvelle robe. Il nous faudra aller chez la modiste. Tant de choses à faire et si peu de temps.

Lyra laissa échapper un éclat de rire, mélange d’amusement et de nervosité. Surprise, Marie rit à son tour, trop heureuse de l’honneur que faisaient les souveraines à la famille Merryweather.

• Nos priorités sont clairement divergentes Marie. Ton objectif est de me rendre sublime, le mien est de trouver les meilleures histoires jamais contées. Il me faut de l’aventure, du drame, un soupçon de magie et une bonne dose de romance. Je ne dois pas décevoir ni leurs Majestées ni ma famille.

Sur ses derniers mots, le visage de Lyra s’assombrit.