Chapitre 20

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Le brouhaha de la salle à manger, au rez-de-chaussée, traversait la porte en bois. Lyra aimait entendre ce capharnaüm. Tant de voix réunies dans un même endroit. Elle y trouvait un sentiment de réconfort. L’impression de faire partie d’un tout. Sans doute parce qu’à la maison les discussions allaient bon train. La demeure Merryweather était rarement silencieuse.

  • Kayden, pouvez-vous m’aider ? Je crois que mes cheveux sont coincés dans un bouton.

À l’entente de son nom, Kayden eut un frisson. C’était si rare de l’entendre. Et la façon dont elle le prononçait, était la plus belle du monde.

Lyra se tenait dos à lui, passant une partie de sa tignasse chocolat par-dessus son épaule. Effectivement une mèche de cheveux était enroulée autour du bouton qui attachait les deux parties du col de sa chemise. Toute une ligne de boutons suivait la courbe de sa colonne. Il tira dessus.

  • Aïe, vous êtes d’une délicatesse dites moi, ironisa-t-elle. Vous voyez quelque chose au moins avec votre masque ?
  • J’ai fait la guerre avec, je vois parfaitement. Désolé, je vais faire plus attention.

Ses gestes devinrent plus doux. Pour autant, il ne semblait pas s’en sortir avec cette mèche rebelle. Elle entendit un tintement, comme une épée que l’on sort de son fourreau.

  • Donc voilà comment je vais finir, assassinée par celui que j’ai sauvé. Une bien triste fin pour la conteuse de Rivermoore.
  • Ne dites pas n’importe quoi. Je vais devoir vous couper cette mèche, elle est bien trop accrochée. C’est nouveau ça, vous parlez de vous à la troisième personne.

Tchac

Enfin, la résistance de la mèche rebelle céda, et Lyra pu détendre son cou et ses épaules. De son côté le Renard rengaina sa dague.

  • J’ai bien peur d’abuser de votre générosité mais pouvez-vous déboutonner le haut de ma chemise ? Pour le reste je me débrouillerai je vous assure. D’ordinaire se sont les femmes de chambre qui m'aident à me déshabiller.

Il ne dit pas un mot, pourtant la jeune femme sentais déjà que l’un des bouton venait d’être défait.

  • Vous avez les mains froides.
  • Et vous, vous ne faîtes que des reproches, soupira-t-il.

Il n’avait pas remarqué qu’elle était aussi grande. Que son parfum sucré était aussi enivrant. Que sa peau était aussi douce. Que …

  • Ça devrait aller maintenant, merci. Je peux terminer toute seule.

Il retira ses mains rapidement, comme si les boutons venaient de lui brûler le bout des doigts. Puis il s’avachit sur le fauteuil en attendant que la jeune femme termine de revêtir ses vêtements pour la nuit. Il suivait des yeux les flammes vacillantes, c’était envoûtant. Et la chaleur qui s’insinuait dans son corps était si agréable.

Lyra finissait de défaire ses cheveux. Elle entendait derrière elle la respiration du Renard se faire plus lente, plus profonde. S’approchant à pas de loup, la jeune femme se pencha vers lui. Elle passa une main devant son masque. Aucune réaction.

Les reflets des flammes dansaient sur la surface dorée, ravivant la flamboyance de sa chevelure rousse. Son torse se levait lentement. Sa tête reposait mollement sur le revers de sa main, accoudé au fauteuil. Il semblait apaisé.

  • Vous vous êtes endormis ? Je n’arrive pas à savoir avec votre masque, chuchota Lyra.
  • Je fermais juste les yeux.
  • Vous devriez vous allonger .Vous êtes épuisé depuis l’attaque. Entre votre convalescence, la sécurité du palais et maintenant mon chaperonnage.
  • Je ne vous chaperonne pas, je vous protège.
  • Très bien, dans ce cas je me sentirais bien plus en sécurité quand mon protecteur aura passé une bonne nuit de sommeil dans un vrai lit.

Elle le leva et l’obligea à se diriger vers le lit.

  • Je vous ai dit que je dormirai sur le fauteuil.
  • Et moi je vous dit que vous dormirez dans le lit ! Ne m’obligez pas à me mettre en colère.
  • Ce sont les enfants qui font des crises de colère et ce sont eux qui ont le plus besoin de sommeil, affirma-t-il en poussant Lyra sur le lit.

Mais elle n’avait pas dit son dernier mot, en utilisant toutes ses forces elle fit basculer Kayden qui se retrouva sur le lit. Au-dessus d’elle.

Tous deux arrêtèrent de respirer l’espace d’un instant. Une étrange tension s’abattit dans la chambre. Les clients bavardaient toujours bruyamment. La cheminée crépitait toujours dans l’âtre. Un pétale fané tomba mollement du vase de fleurs sauvages.

Le cœur de Lyra tambourinait tant dans sa cage thoracique qu’elle était persuadée qu’il pouvait l’entendre. C’était sans penser que celui du Renard faisait aussi des bonds. Ses longs doigts pâles s'emmêlaient dans les cheveux de la jeune femme.

Elle brisa l’immobilité du moment en passant ses mains de chaque côté du masque du Renard.

  • Puis-je ?

D’un mouvement presque imperceptible, il hocha la tête.

Elle enleva alors lentement le masque, révélant peu à peu ce visage qu’elle avait si peu aperçu. Ses cheveux roux tombaient à présent devant ses yeux d’un vert profond, n'étant plus retenu par le masque. Une peau blanche comme la neige, un nez droit entouré de tâches de rousseurs, une bouche aux lèvres fines et les trois larges cicatrices. Son ample chemise laissait entrevoir un torse musclé, autrefois mutilé.

  • Je… murmura-t-il.

Lyra releva la tête. Rapprocha son visage. Elle pouvait sentir son souffle chaud frôler sa peau. Parsemant ses joues d’agréables picotements. Et ses yeux verts, il lui était impossible de se détourner d’eux tant ils brûlaient d’une lueur ardente. Il la dévorait du regard. Lyra ne s’était jamais sentie aussi belle, aussi désirable. Sa poitrine était sur le point d’exploser. Tout son corps se contractait sous le poids du jeune homme. Encore un peu plus. Ses lèvres frôlaient à présent celles de celui que l’on surnommait le Renard doré.

Kayden.

  • Je voulais vous remercier de m’avoir sauvé, dit-il précipitamment.

Il se releva aussi vite que possible, le visage empourpré et les lèvres frémissantes. Tout en ramassant son masque tombé à terre, il se dirigea vers la porte.

  • Je vais dormir dans la grange, ça vaudra mieux.

Et il referma la porte derrière lui, laissant Lyra sur le lit. L’unique lit de la dernière chambre de l’auberge. Seule et étourdie.

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