Chapitre 21

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Les deux voitures venaient d’entrer sur les terres de la famille Merryweather. À travers la vitre de la calèche, Lyra apercevait sa demeure. La maison était toute petite vue d’ici, à tel point qu’il lui était difficile de distinguer la porte et les fenêtres. Les champs à leur appartenir étaient nombreux mais en friches. Plus personne ne pouvait s’occuper d’eux. Plus d’argent, plus de personnel. De gros corbeaux noirs comme la nuit, venaient gratter la terre humide, à la recherche d'insectes et de petites bêtes. Ils s’enfuyaient en un croassement rauque en entendant le grondement des roues sur la terre battue.

Il ne leur fallut pas attendre longtemps, avant d’arriver devant le perron et d’entendre le cri aiguë d’une femme à bout de souffle.

  • Ma chérie, mon bébé ! Tu es là. Tu es rentrée à la maison !

Madame Merryweather n'attendit même pas que le véhicule s’arrête complètement pour ouvrir la portière. Elle fit sortir sa fille et la serra fort dans ses bras. Cette sensation avait manqué à Lyra. Le parfum de sa maman et ainsi être bercée tendrement la renvoyait à des années de bonheur infantile et de nostalgie.

  • Maman, tu m’étouffes.
  • J’ai mis plus de six heures pour que tu sortes de mon ventre, alors câline ta mère jeune fille.

Ne pouvant désobéir à cet ordre irréfutable, elle se laissa aller à l’embrassade. Tout le reste de la famille les rejoignit rapidement. Heureux de se retrouver après cette, pour eux, trop longue séparation. Mais l'accueil qu’ils réservaient au Renard doré était bien différent de leur première rencontre. Bien qu’échangeant des salutations de politesse, leur sourire était figé et leur regard sévère.

  • Rentre ma chérie, tu dois être frigorifiée, on a demandé à Marie de te préparer une tourte au poulet. Tu vas prendre un bon bain chaud et … mais pourquoi une deuxième voiture ? Vous nous avez ramené des invités ? demanda Monsieur Merryweather après avoir embrassé sa fille.
  • Pas exactement, c’est plutôt un cadeau. De ces Majestées, répondit Lyra en s’avança vers la deuxième calèche.

En l’ouvrant sa famille eut une expression de surprise. Des coffres remplis de pièces d’or, des tissus en satins, des pierres précieuses et d’autres trésors étaient minutieusement rangés pour éviter qu’ils ne s’abîment pendant le voyage.

  • Quelle merveille, s’extasia Obélia en sortant de son écrin de verre une parure faite de saphir et d’émeraude.

Monsieur et Madame Merryweather n’en croyaient pas leurs yeux, ni leurs oreilles. Ils fixaient Lyra incrédule.

  • Pour me remercier pour ma participation à la paix du royaume.

Elle hésita un instant avant de reprendre sa phrase, cherchant ses mots.

  • Et pour avoir aidé à la sécurité du château, on m’a grassement récompensé, termina-t-elle, un regard vers Kayden.
  • C’est pour nous ?

Lyra opina du chef.

  • Nous sommes sauvés … murmura Madame Merryweather, les mains devant la bouche, avant de reprendre plus fort. La faillite est derrière nous ! Marie, où est Marie ? Demandez à tous les domestiques de revenir, nous augmenterons leur salaire. Nous allons préparer une grande fête. Oui quelque chose d’élégant mais d’inoubliable ! Les Merryweather reprennent du service ahah. Cette vieille bique de Madame Pinkley ne vas pas en croire ses mirettes.

Madame Merryweather exultait. Sous les regards hagards de tout le monde, elle faisait des allers-retours, donnant des directives à tout va, préparant son grand retour dans la société.

  • Maman, hasarda Cassandra, si nous parlions de tout ça à l’intérieur ? Nos invités doivent être fatigués par leur voyage. Et Lyra a beaucoup de choses à nous raconter.
  • Bien évidemment, vous êtes nos invités, se reprit Madame Merryweather. Excusez mon emportement. La nuit commence à tomber. Dormez ici cette nuit, proposa Madame Merryweather au Renard, à Achim et à Anastasia.

Ils acceptèrent avec plaisir, ne rêvant que d’un bon repas chaud et d’un lit. À avoir dormi dans la grange du cochon grillé, les trois avaient de douloureuses courbatures.

Marie présenta aux trois invités leurs chambres et leur indiqua que le dîner était à 19h, mais qu’en attendant ils pouvaient se reposer ou visiter la demeure. Puis elle s’éclipsa. Elle avait du pain sur la planche et une montagne d’invitations à envoyer. Madame Merryweather avait décrété que leur fête se tiendrait dans deux jours. Une échéance impossible à tenir pour une seule domestique, elle allait avoir besoin de beaucoup d’aide.

De son côté, Lyra se prélassait dans son bain. L’eau chaude décontractait chacun de ses muscles. Quel bonheur. La maison lui avait manqué. Plus qu’elle ne l’imaginait. Elle finit par sortir, se sécher et s’habiller. Il était encore tôt, le repas ne serait pas prêt avant une petite heure. Elle s’apprêtait alors à faire une sieste. C’était sans compter sur ses sœurs qui l’attendaient sur son lit.

Les curieuses. Elles ne pouvaient attendre plus longtemps d’écouter les croustillantes aventures de leur sœur. Surtout qu’elle avait tout de même sauvé le Renard doré. Leurs parents en apprenant que leur benjamine avait été en danger avaient immédiatement envoyé une missive pour connaître la situation et savoir si leur enfant était en sécurité et allait bien. Ils étaient prêts à partir le jour même à cheval pour la rejoindre. Mais un postier les en avait empêché en leur affirmant, tout en tendant une lettre de Lyra, qu’elle reviendrait dans trois jours. Les deux étaient furieux du peu de prévoyance de la soi-disante garde du château. Mais avaient sagement attendu leur fille.

Personne n’avait encore abordé le sujet mais les trois sœurs comptaient bien avoir le fin mot de l’histoire.

  • Bon alors raconte ! ordonna Enora impatiente.
  • Sérieusement les filles je suis fatiguée …
  • Tu te reposeras demain, renchérit Obélia. Allez, ça fait des jours qu’on attend et nous aussi on était inquiète.

Lyra soupira. Devant tant d’insistance, elle ne pouvait se dérober. Elle leur décrit alors tous les événements qui s’étaient déroulés. Le traité de paix, la pression de la reine Thelma lors du dîner, sans oublier la délicatesse et le charisme de Lysandre de Lomond ainsi que l’impolitesse de la risible Lady Blonde. Mais également les rencontres qu’elle y a faites. Son amitié avec Madeleine, Alphonse, Damien, et Landry. Bien évidemment elle ne put esquiver le soir du bal et le sauvetage du chef de la garde. Elle leur raconta presque tout. Omettant consciemment le passage de la découverte de son visage.

  • Et bien si un jour on m'avait dit que Lyra Merryweather allait sauvé la vie de quelqu’un ! ricana Enora.
  • Ouais bin grâce à moi et à mon génie du sauvetage express, on peut dire au revoir à la ruine familiale.
  • Oui, oui super mais dis donc j’ai l’impression que t’es sacrément proche du Renard doré, non ? Tu as fait tout l’aller avec lui sur son cheval. Vous passez presque deux semaines ensemble, tu le sauves, et maintenant il t’escorte même pour le retour.

Enora et Obélia reportèrent leur attention sur Cassandra qui venait de pointer un élément très intéressant.

  • Ouh ouh, est-ce qu’il y aurait un air de romance dans l’air, petite sœur ? Mais attends si ça se trouve t’as vu son visage ! Alors dis à quoi il ressemble ? Il est beau ?
  • Ou alors moche comme un poux ? demanda Enora.
  • Ça suffit, vous m’embêtez avec toutes vos questions. Il ne s'est rien passé et il ne se passera jamais rien avec ce lâche ! Il va être l’heure d’aller dîner alors laissez moi tranquille, s'emporta Lyra.

Une chose était sûre, il ne s’était absolument rien passé.

Elle fit lever ses sœurs de son lit et les poussa vers la porte. Puis la leur claqua au nez. Les trois jeunes femmes s’échangèrent des regards étourdis. Lyra pouvait s’énerver, très souvent même, mais là c'était différent. Elle était furieuse et vexée.

-§-

Le dîner était grandiose. Madame Merryweather avait demandé à Marie d’aller chercher en hâte tout ce qu’elle pouvait trouver à cette heure tardive pour préparer un festin. La domestique n’avait pas chômé. Gigot, pomme de terre, ragoût, volaille, pain aux céréales, légumes de saison, fromages et fruits. Achim s’en léchait les babines, tandis qu’Anastasia croquait déjà dans une aile de dinde. Ce qui fit rire l'aînée des Merryweather.

Le Renard avait pris place à la gauche de Lyra. Et cette dernière détestait sentir cette proximité avec lui. Plus elle y pensait, plus elle se rappelait de la veille. Elle avait faillit… Elle avait eu envie de …

  • Ça va ma chérie ? demanda Monsieur Merryweather. Tu es toute pâle.
  • Désolée, je vais bien. C’est seulement le voyage qui m’a fatiguée.
  • Alors repose toi bien, car on va donner à tous les gens du comté de Rivermoore une fête qu’ils n'oublieront pas de si tôt, tu peux me croire, s’exclama Madame Merryweather rose de plaisir.
  • Oh mon amour, j’aime quand tu t’emportes ainsi, roucoula son mari.
  • Eugène voyons, pas devant les enfants, minauda-t-elle en retour.

Cassandra se racla la gorge pour que cette conversation gênante prenne rapidement fin.

  • Dites moi, Renard doré, qu’est ce que cela vous fait d’être le plus jeune chef de la garde ?
  • C’est un honneur de protéger le royaume et nos deux reines, répondit-il poliment.
  • Protéger nos reines c’est bien mais quand vous ne pouvez pas vous protégez vous même, c’est embêtant.
  • Enora ! sermona Lyra.

Kayden fut surpris que la conteuse prenne ainsi sa défense. Après le malentendu de la veille, il pensait qu’elle lui en voudrait, mais peut-être que …

Lyra se ressaisit et s'excusa. Elle lança un regard si noir au Renard doré qu’il eu du mal à déglutir.

Non, elle lui en voulait.

Cassandra poursuivit.

  • Peut-être aimeriez vous rester pour la fête. En attendant vous pourrez loger ici.
  • Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne … commença Monsieur Merryweather.
  • Excellent idée ma chérie, coupa Madame Merryweather. Plus on est de fous, plus on rit. Reposez vous convenablement et vous repartirez une fois les festivités terminées. Et puis nous avons besoin de bras supplémentaires pour tout préparer.
  • Maman, on ne va pas les garder ici plus que de raison, ces Majestées ont besoin d’eux, renchérit Lyra.
  • Ces Majestées t’ont gardé pendant deux semaines. On peut bien leur emprunter leurs employés pour deux, trois jours. La discussion est close.

Les trois pauvres malheureux n’eurent donc pas le choix. Les voilà invités dans la demeure des Merryweather, au fin fond de la campagne perdue de Rivermoore, pendant trois jours.

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