Chapitre 22

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Lyra ne parvenait pas à trouver le sommeil. Elle se retournait dans les draps. La soif lui tiraillait la gorge. Enfilant sa robe de chambre en grommelant, elle passa le pas de sa porte et s’engouffra dans le couloir, une bougie à la main.

En descendant l’escalier principal, seul le bruit de ses pas transperçait le silence de la nuit. Une fois arrivée à la cuisine, elle se servit un verre de lait chaud et s’assit sur la table en bois face à la cheminée. Il faisait bon. Le crépitement des flammes était reposant. Son verre terminé, elle décida qu’il était temps d’aller se recoucher. Mais en passant devant la bibliothèque, elle remarqua une lumière tamisée éclairant l'entrebâillement de la porte.

Elle poussa doucement la porte, pour jeter un coup d'œil furtif sur l’identité du lecteur insomniaque. Des cheveux aussi roux, même dans l’obscurité ne peuvent que se remarquer.

  • Le lit n’est pas à votre convenance ? Vous préférez peut-être dormir avec les chevaux, vous y êtes accoutumé.

Même en pleine nuit, il ne pouvait échapper à ses piques. Elle était entrée dans la pièce sans faire un bruit. Bien qu’il n’ait rien laissé paraître, entendre sa voix le surprit. Ce n’était pas la première fois qu’elle se faufilait derrière lui. Le soir du bal d’hiver, elle était cachée derrière un rideau. Il n’avait pas senti sa présence jusqu’à ce qu’elle leur crie dessus, comme à des enfants. Comment une femme avec autant de présence face à un public pouvait être aussi discrète ?

Pourtant à l’instant présent, elle était irréelle. Comme sortie tout droit d’un rêve. Seulement vêtu de sa chemise de nuit en mousseline et d’une robe de chambre en satin offerte par les deux reines. Ses longs cheveux lâchés ondulaient le long de son corps, la recouvrant comme une cape recouvrirait une impératrice. La lueur de sa bougie faisait ressortir l’ambre de ses yeux, le mat de sa peau et l’expression d'énervement sur son visage. Les ombres et les lumières léchaient les formes de ses courbes en une danse envoûtante. Il lui était presque impossible de se détourner de cette apparition nocturne.

  • Vous avez une très belle bibliothèque, finit-il par dire.
  • Elle est malheureusement bien vide. On a dû se séparer de beaucoup d’ouvrages à cause de nos problèmes financiers. J’espère que l'on pourra bientôt la remplir à ras bord, expliqua Lyra en s’adossant à une des étagères les bras croisés.
  • Je ne savais pas. Pour vos problèmes.
  • Comment auriez-vous pu ? Ce n’est pas vraiment le genre de sujet que l’on crie sur tous les toits. Ne veillez pas trop tard, ma mère à beaucoup de travail à vous donner pour préparer sa fête.
  • Pour hier, je voulais m'expliquer. Ce n’est pas …
  • Je ne veux pas en parler. Il ne s’est rien passé. Vous avez été très clair là-dessus. Bonne nuit Monsieur le Renard doré.

Et elle reparti aussi vite et aussi furtivement qu’elle était venue.

  • Passez une bonne nuit Lyra, soupira Kayden.

-§-

Les préparations se déroulèrent sans accroc, toute la maisonnée mit la main à la pâte. Madame Merryweather avait conviée toute personne habitant à Rivermoore, ainsi que d’anciennes connaissances de la capitale. C’est dire si la demeure allait être pleine à craquer. Mais rien n’était trop beau pour montrer à tout le monde que la famille Merryweather n’était plus sans le sous. Pendant ce temps-là, Monsieur Merryweather, accompagné de Cassandra, filaient à la banque régler leur dette.

La fête se tint le soir, dès que les premières étoiles percèrent le ciel. Bien évidemment ce genre de réception était loin d'égaler les festivités données à la cour, dont Lyra commençait à être coutumière. Les invités commençaient à affluer, saluant poliment la maîtresse de maison. Bien que l’ambiance en ce début de soirée était frileuse et timide, après quelques présentations et quelques coupes de champagne et de vin, la salle de réception finit animée par le violon du musicien, les danses et les conversations enthousiastes. Lyra profita de cette fête pour lâcher complètement la pression qu’elle avait pu ressentir à la capitale. Pas de représentation, pas de traité de paix, pas de sauvetage incongru. La jeune femme participait ce soir comme invitée et non comme conteuse. Près du buffet, elle retrouva d'anciennes connaissances, rencontrées au village. Parfait, elle allait pouvoir discuter tout en s'empiffrant toute la soirée. Le rêve !

Dans les cuisines Achim venait en aide à Marie, qui ne savait plus où donner de la tête, tandis qu’Anastasia attendait le retour de Cassandra pour lui demander la première danse. Aucune nouvelle du côté du Renard doré.

Madame Merryweather était aux anges. Toute l’attention était tournée vers elle. Elle encensait sa benjamine pour avoir eu le courage de conter au château devant ces Majestées.

  • Lyra est de loin la meilleure conteuse de tout le royaume, c’est le reine Thelma elle-même qui l’a qualifié ainsi, s’engaillardit-elle. Comme j’ai de la chance d’avoir des filles si exceptionnelles. Cassandra, mon aînée, est une véritable génie. C’est elle qui gère tout le domaine, elle a déjà écrit plusieurs livres et elle parle plusieurs langues étrangères et mortes. Enora, la deuxième, est championne de course hippique et la meilleure cavalière de tout l’est du royaume. Quant à Obélia, son talent pour la peinture est sans égale. Elle va bientôt être l’apprentie d’un grand peintre de la capitale. Voyez ces tableaux, c’est elle qui les a réalisé.

Ses interlocuteurs l'écoutaient attentivement. Était-ce par pure politesse ou bien pour commérer quand la mère de famille aurait le dos tourné ? Madame Merryweather n’en avait que faire, du moment qu’elle pouvait se vanter de leur fortune retrouvée. Elle aperçu justement la veuve Pinkley, la femme a qui elle voulait le plus étaler son bonheur sous le nez. Déterminée, elle fendit la foule et ne lâcha plus la vieille dame avant une bonne heure et demie.

Anastasia commençait à perdre patience. Cassandra n’était toujours pas rentrée de la banque et la soirée était déjà bien entamée. Lyra lui avait proposé de boire et de manger pour faire passer le temps mais la cochère avait la gorge noué à l’idée que l'aînée des Merryweather refuse son invitation à danser. C’est à ce moment que Monsieur Merryweather se décida à passer le perron de la porte, suivit de près par Cassandra. Ni une ni deux, Lyra prit la main d’Anastasia pour la placer dans celle de Cassandra qui rougit instantanément.

  • Allez danser ! ordonna-t-elle.

Lyra savait pertinemment que les deux femmes se plaisaient mutuellement, mais trop peu confiantes l’une comme l’autre il fallait leur donner un petit coup de pouce. Cassandra avait l’esprit vif et une intelligence aiguisée mais sa capacité à comprendre les sentiments des autres était pour le moins désastreuse. Quant à Anastasia qui louait ses multiples conquêtes, elle n’avait jamais ressenti une attirance aussi puissante de toute sa vie de bourelle des cœurs.

  • Mais Cassandra tu devais m’aider avec les papiers … se plaignit son père.

Trop tard. La demoiselle, entraînée par sa cavalière, se dirigeait déjà vers la piste de danse.

  • Ne vous inquiétez pas papa, je vais vous aider. J'ai assez mangé et si je vais danser je risque de rouler par terre.

Son père la remercia et lui assura qu’il n’en aurait pas pour longtemps. Tous deux se dirigèrent alors vers le bureau. Quelle ne fut pas leur surprise quand, en ouvrant la porte, il tombèrent nez à nez avec un masque doré.

  • Je peux savoir ce que vous faites ici ? s'emporta Monsieur Merryweather en constatant que le Renard doré tenait dans sa main un parchemin décacheté.

Ce dernier fut décontenancé un instant avant de se reprendre.

  • Et moi je peux savoir pourquoi vous entretenez une correspondance avec les partisans de Childéric III, le roi déchu ? Une correspondance qui visiblement manigance pour son retour sur le trône.

Lyra ne comprenait plus rien à la situation. Il y a quelques minutes encore, elle plaisantait avec les invités et dégustait un délicieux toast de caviar. Maintenant son père était fou de rage et le Renard le jugeait comme un traître.

  • Il doit y avoir méprise, n’est ce pas papa ? demanda Lyra pour apaiser les tensions.

Mais le Renard doré n’avait que faire de ses explications. Il plaqua les mains de l’homme dans son dos, sous le regard effaré de sa fille.

  • Eugène Merryweather, vous êtes suspecté de trahison envers la couronne. Vous serez jugé devant la cour martiale. Vous êtes prié de garder le silence jusqu’à votre procès.

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