Chapitre 6 — La piste Klein

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Le vendredi soir, Gabriel était à bout de souffle. La fatigue le gagnait, les yeux brûlants de concentration. Les heures défilaient, chaque minute plus longue que la précédente, alors qu’il plongeait toujours plus profondément dans un océan de données, en quête de la moindre anomalie. Les résultats n’étaient pas concluants, les théories s’empilaient sans apporter de solution. Puis, soudain, un dossier mal indexé attira son attention.

Un rapport vieux de plusieurs dizaines d’années. Les premières pages semblaient ordinaires, un enchaînement de formalités administratives comme tant d’autres. Mais, au fur et à mesure qu’il descendait dans les annexes, une tension inexplicable se fit sentir. C’était comme si quelque chose se cachait juste en dessous, une vérité prête à se dévoiler, une clé qu’il avait frôlée sans jamais la saisir. Et enfin, il tomba dessus.

Le document était daté de 2040, presque illisible. Il ne comprenait pas. Comment un document numérique pouvait être illisible. Des dizaines de mots étaient manquant, remplacés par des chiffres et caractères spéciaux. Le document datait d’avant le cyberattaque de 2041. Un rapport sur la matière noire, probablement. Rien de particulièrement nouveau, mais ce qui attira immédiatement son attention, ce n’était pas le document, classé, caviardé. C’était les chiffres. LA suite de chiffres.

21.984 – 35.685 – 57.669 – 93.354 – 152.344 – 233.141 .

Extrait du rapport corrompu (Consultation via archive numérique – données partiellement récupérées)

Consortium Européen d’Astrophysique Théorique

Rapport préliminaire – Anomalies gravitationnelles dans les amas stellaires

Date : 7 ⸮o⸮⸮⸮vembre 2⸮⸮8

Classification : Pré⸮-3”⸮⸮mine – En at⸮⸮⸮e de validation

Section 4.2 – Comportement §’(⸮⸮oire non standard

No-s ob⸮e⸮⸮ations menées sur l’amas St⸮⸮⸮3z9°~ ont révélé une série d’osc⸮⸮⸮ons gravitationnelles inattendues, présentant une périod⸮⸮té stab⸮e et une mo⸮⸮⸮ion non co⸮⸮⸮lée aux masses baryoniques l⸮ca-§es.

[Bloc de données irrécupérable : 3X_7F@§09_A#]

Les données spectrales initiales ind:::::/:!§quent que ⸮~⸮⸮⸮⸮⸮⸮ΩΨ6.4_@⸮.

Lors de la session d’analyse du 1⸮/⸮a⸮s 2038, nous avons observé que l’amplitude de ces oscillations semblait répondre à un facteur ⸮⸮⸮e⸮nà§e⸮⸮e, une variation non prédite par les modèles existants. Il est import⸮⸮⸮e de noter que ce comportement n’a été constaté que ⸮⸮⸮orsque l⸮ ⸮⸮th⸮⸮⸮e d’analyse spectrale était appliquée à un seu⸮⸮⸮⸮ de s⸮⸮§!⸮⸮ilité supéri⸮⸮⸮e⸮⸮⸮⸮ 3σ.

[ERREUR 4X07] Fragment de données introuvable

[ERREUR 9X41] Protocole de récupération échec

[ERREUR 0X_$$] Lecture disque corrompue – Avertissement : risque de corruption étendue

Section 5.1 – Hyp⸮⸮⸮ses sur l’origine du phénomène

Trois scç§.;§-?ios ont été envisagés pour expliquer ces anomal:::/:!§es :

— ⸮⸮⸮s instrument⸮⸮⸮ : Une interf⸮⸮⸮nce liée aux capteurs [⸮⸮%$#], bien que des tests ultérieurs aient exclu cette possibilité avec un degré de certitude supérieur à ⸮⸮⸮%.

— Effet de ⸮⸮⸮⸮⸮ gravitationnelle sec⸮⸮⸮da⸮⸮⸮ : La présence d’un objet ⸮⸮⸮pact invis⸮⸮le modifiant la structure locale de la matière noire ⸮⸮⸮ [Fragment illisible – restauration impossible].

— Interaction avec un facteur inconnu : Certaines oscillations semblent varier en fonction de ⸮⸮⸮—⸮⸮⸮⸮⸮⸮⸮⸮⸮—⸮⸮⸮⸮⸮⸮⸮, fact-§?re 21.984 – 35.685 – 57.669 – 93.354 – 152.344 – 233.141 qui reste une anomalie non expliquée.

[ERREUR 013-XR] Fichier endommagé – récupération partielle impossible

[ERREUR 4X07] Fragment supprimé ou inexistant

[Restaurer la version originale ? ACCÈS REFUSÉ – Document suspendu par directive scientifique 2042]

Cette séquence, 21.984 – 35.685 – 57.669 – 93.354 – 152.344 – 233.141. La retrouver, inscrite ici, dans un rapport, changea tout. C’était la première fois qu’un lien aussi direct émergeait, la première fois que cette séquence apparaissait dans un contexte scientifique autre que le leur.

Gabriel se pencha plus près de l’écran, son cœur battant plus vite. Il se sentait à la fois exalté et inquiet. Cette séquence, cet enchevêtrement de chiffres, était le seul point d’ancrage qu’ils avaient trouvé. Le seul lien tangible.

L’Institut Européen d’Astrophysique Théorique était un monolithe de verre et d’acier, baigné par la lumière diffuse d’un matin couvert. Gabriel s’arrêta un instant devant l’entrée, inspirant profondément. Il ne savait pas ce qu’il allait trouver, mais il savait qu’il devait chercher.

Après une série de formalités, il obtint une autorisation temporaire pour accéder aux archives papier du centre. Un vestige d’une époque où tout n’était pas encore numérisé. Il s’installa dans une salle silencieuse où de grandes bibliothèques s’alignaient, ordonnées, méthodiques.

L’archiviste lui apporta une pile de rapports reliés sous des couvertures cartonnées épaisses. Le papier avait jauni légèrement sur les bords, mais l’encre restait nette. Un paradoxe dans un monde entièrement digitalisé.

Gabriel laissa ses doigts glisser sur le dos des dossiers, feuilletant avec précaution les pages d’un vieux rapport préliminaire du Consortium Européen d’Astrophysique Théorique (2038). Il était venu jusqu’ici parce que les versions numériques étaient illisibles, détruites ou corrompues lors de la cyberattaque de la Seconde Guerre Froide, ce moment chaotique où une faille de sécurité avait permis cette tragédie, effaçant des décennies d’archives européennes et de données personnelles de milliers de citoyen.

Il s’était assis sur une chaise inconfortable, un néon crépitant au-dessus de lui, et avait ouvert le rapport poussiéreux. Le document faisait état d’une irrégularité.

“… une fréquence de résonance inattendue dans la matière noire environnante, non corrélée aux modèles standards… comportement oscillatoire suggérant une influence externe ou une variable inédite…”

Gabriel sentit une bouffée d’excitation monter en lui. C’était exactement ce qu’il observait dans NGC 6777. Une résonance stable, une fluctuation gravitationnelle qui ne suivait pas les lois classiques.

Consortium Européen d’Astrophysique Théorique

Rapport préliminaire – Anomalies gravitationnelles dans les amas stellaires

Matthieu Albrecht et Ci

Date : 7 novembre 2040

Comportement oscillatoire non standard

Les observations menées sur plusieurs amas stellaires ont révélé une série d’oscillations gravitationnelles inattendues, présentant une périodicité stable et une modulation non corrélée aux masses baryoniques locales.

L’analyse spectrale approfondie a mis en évidence un schéma récurrent dans ces fluctuations gravitationnelles. En appliquant une transformation de Fourier rapide aux données enregistrées, nous avons identifié une séquence numérique stable au sein du bruit de fond gravitationnel, indiquant une structure sous-jacente inconnue.

Séquence détectée :

13.701 – 21.984 – 35.685 – 57.669 – 93.354 – 152.344 – 233.141 – 377.422 – 610.566 – 987.987 – 1598.322…

L’analyse des écarts entre les valeurs successives de cette séquence montre une tendance récurrente : un facteur de divergence moyen de 0.618 (±0.002), valeur proche du rapport d’or et la suite de Fibonacci.

L’un des résultats les plus intrigants de cette étude est que l’amplitude des oscillations semble varier en fonction des conditions expérimentales appliquées. Cette fluctuation anormale ne suit pas les modèles standards de la physique gravitationnelle et suggère une influence encore non identifiée.

Hypothèses sur l’origine du phénomène

Trois modèles ont été envisagés pour expliquer cette structure récurrente :

Biais instrumental : L’hypothèse initiale d’une interférence avec les capteurs ou d’une erreur logicielle dans le traitement des signaux a été testée. Cependant, plusieurs tests indépendants ont confirmé la persistance de la séquence numérique, éliminant la possibilité d’un artefact de mesure.

Effet de lentille gravitationnelle modifiée : L’influence potentielle d’un corps massif non détecté, tel qu’un objet compact (trou noir intermédiaire ou concentration locale de matière noire), pourrait expliquer la modulation gravitationnelle observée. Toutefois, la répartition spatiale des oscillations ne correspond à aucun modèle classique de lentille gravitationnelle, ce qui suggère un phénomène plus complexe.

Interaction avec un facteur inconnu : L’anomalie gravitationnelle semble réagir de manière subtile aux conditions d’observation. En modifiant les paramètres de collecte des données, des variations dans l’amplitude et la fréquence des oscillations ont été constatées. Cette observation soulève la possibilité que le phénomène soit dynamique et sensible à son environnement, hypothèse nécessitant une étude approfondie avant d’être validée.

Compte tenu du caractère inhabituel des résultats obtenus, nous recommandons une poursuite des analyses avec des instruments de sensibilité plus élevée, ainsi qu’un examen théorique plus approfondi des implications potentielles de cette découverte.

Toutefois, en l’absence d’un modèle explicatif robuste, le Consortium Européen d’Astrophysique Théorique recommande la suspension temporaire de ces recherches en attendant de nouvelles validations expérimentales.

Directive 2041 : Ce document est suspendu pour réévaluation scientifique et ne doit pas être utilisé comme référence officielle jusqu’à nouvel ordre.

Et enfin, dans la marge d’une page, à l’encre noire légèrement estompée :

“Klein – Kéroubim.”

Gabriel fronça les sourcils. C’était une écriture humaine, pas un ajout officiel. Quelqu’un avait tenu à relier ce rapport à un certain “Klein” et à ce mot énigmatique.

Il parcourut les pages, cherchant d’autres indices, d’autres annotations, mais il n’y avait rien d’autre. Juste ce message cryptique.Pourquoi Klein ?Et surtout, qui avait écrit ça ?

Il referma lentement le dossier et prit une décision. Il devait retrouver le scientifiques à l’origine de cette étude, Matthieu Albrecht.

Deux jours plus tard, Gabriel était assis dans le bureau de Matthieu Albrecht, astrophysicien théorique, ancien membre du Consortium Européen d’Astrophysique Théorique.

Le bureau d’Albrecht était un capharnaüm d’écrans holographiques projetant des modèles stellaires, de papiers manuscrits empilés sur un coin du bureau, de tasses de café vides. Un survivant d’une époque où la science se pratiquait encore avec un carnet et un crayon.

L’homme le détailla avec un mélange de curiosité et d’amusement.

— Je vais être honnête avec vous, monsieur Berjault. J’étais surpris de voir votre nom apparaître sur ma messagerie. Je croyais que ce rapport avait été enterré avec la moitié des archives de l’époque.

Gabriel sourit faiblement.

— En fait, je travaille sur une anomalie dans la masse de la matière noire d’une galaxie. J’ai retrouvé votre étude de 2040. Ça semble être a peu de chose près la même chose que ce que vous j’ai pu observé. Et quelque chose m’intrigue, une note manuscrite.

Il sortit l’image scannée de la note manuscrite.

Albrecht se pencha, ajusta ses lunettes et fronça les sourcils.

— Klein – Kéroubim…

Il haussa un sourcil, puis secoua la tête.

— Ce n’est pas mon écriture. Et je ne connais pas ce Klein.

Gabriel marqua une pause. Là aussi, une impasse.

— Mais vous faisiez partie de l’équipe qui a signé ce rapport, non ?

Albrecht hocha la tête, puis s’appuya contre son siège en croisant les bras.

— J’étais responsable de la modélisation des anomalies gravitationnelles. En 2040, nous avons observé des fluctuations dans la structure de la matière noire. Des variations qui ne suivaient aucun modèle connu.

Gabriel sentit un frisson lui remonter l’échine. Cela correspondait exactement à ce qu’il avait vu sur NGC 6777.

— Et qu’avez-vous trouvé ?

Albrecht eut un léger sourire fatigué.

— Une anomalie récurrente. Une oscillation gravitationnelle stable, présente dans plusieurs amas stellaires mais que personne ne pouvait expliquer.

— Pourquoi avoir suspendu l’étude ?

Albrecht soupira, puis fit pivoter son écran principal pour afficher un graphique représentant les perturbations gravitationnelles observées.

— Parce que nous n’avions pas les outils pour comprendre ce que nous observions.

Il fit défiler plusieurs modèles, les équations mathématiques s’enchaînant sur l’écran.

— À l’époque, nous avions deux hypothèses. La première était que nous avions affaire à un biais instrumental, une erreur dans nos capteurs ou nos algorithmes d’analyse.

— Et la deuxième ?

Albrecht le fixa, sérieux.

— Que cette oscillation n’était pas un phénomène purement gravitationnel. Qu’elle réagissait à quelque chose d’extérieur à elle.

Gabriel sentit un poids s’installer dans sa poitrine. Albrecht haussa les épaules.

— Mais c’était une hypothèse trop spéculative. Mais nous avions détecté des variations infimes dans l’oscillation en fonction des méthodologies utilisées pour l’observer. Comme si elle s’ajustait en réponse aux conditions d’analyse.

Gabriel prit une inspiration.

— Ils ont décidé de classer votre recherche ?

Albrecht acquiesça.

— Pas classée. Suspendue. Il faut comprendre que l’Union Européenne ne fonctionne pas comme les anciennes superpuissances. Elle ne censure pas. Elle avance avec prudence. Elle attend d’avoir des moyens plus fiables avant d’exploiter une découverte trop incertaine.

Gabriel se redressa légèrement.

— Et après la suspension, quelqu’un a eu accès au rapport. Quelqu’un a écrit cette note.

Albrecht tapota l’écran, réfléchissant.

— Si cette annotation n’était pas là au départ, alors elle a été ajoutée par une personne ayant consulté le dossier après 2042. Nous pouvons retrouver qui c’était.

Il accéda aux archives du Consortium et afficha la liste des dernières personnes ayant eu un accès restreint au rapport.

Un nom apparut : Lukáš Novotný.

Gabriel pencha la tête.

— Qui est-ce ?

— Un chercheur… Albrecht fit défiler quelques informations. Non, un étudiant en astrophysique computationnelle. Il a travaillé sur des modèles de dynamique gravitationnelle avancée après la cyberattaque. .

— Il est encore en activité ?

— Non, je ne pense pas. Je n’ai pas de mention de ce Lukáš après son cursus à…. Brno, République Tchèque.

Gabriel serra la mâchoire.

Un étudiant ayant voulu avoir accès à l’étude d’Albrecht. Des données perdues. Un homme qui, après avoir eu accès à ce dossier, avait annoté le document. Klein, Kéroubim. Qui était ce Klein? Que voulait dire Kéroubim? Il tenait enfin une nouvelle piste.

Lukáš Novotný.

De retour au labo, Gabriel compila toutes ses découvertes dans un dossier informatique. Lorsqu’il intégra la note manuscrite, Gabriel frissonna. Klein. Il avait déjà croisé ce nom, il en était certain. Mais Kéroubim… c’était la première fois qu’il le voyait. Il se passa une main dans les cheveux, perturbé. Ce mot ne faisait aucun sens dans ce contexte scientifique, et pourtant, il ne pouvait s’empêcher de sentir qu’il était lié à quelque chose de crucial. Il murmura les mots, comme pour tester leur résonance.

— Klein, Kéroubim…

Le bruit des syllabes effleura l’air, mais la vérité qu’il cherchait était ailleurs. Il n’arrivait pas à l’atteindre. Mais la présence de ces chiffres dans ce rapport était le premier véritable indice, la première connexion. Il n’avait plus de doute : leur expérience, ce rapport d’Albrecht, Klein, Novotný, étaient liées. Mais comment ?

Sonia, qui observait en silence, s’approcha lentement. Elle avait vu la façon dont Gabriel se tendait, comme s’il venait de faire une découverte décisive. Elle scruta l’écran à son tour, ses yeux s’arrêtant sur la séquence de chiffres. Elle connaissait bien cette suite elle aussi. La trouver sur un autre document ne faisait que confirmer que tout cela n’était pas une coïncidence. Mais ça ne faisait qu’ajouter à l’énigme.

— C’est… c’est la même séquence que dans les données… dit-elle, son ton teinté d’inquiétude. Qu’est-ce que ça signifie ?

Gabriel lui explication. L’étude de 2040, les archives corrompues, Novotný, et Klein, Kéroubim.

Ils étaient à un carrefour, un point de bascule où la science et le mystère se rejoignaient. Ce rapport était plus qu’un simple document, il était la preuve qu’ils n’étaient pas seuls à chercher une explication. Quelque chose d’encore plus vaste semblait se dessiner à l’horizon, mais Gabriel et Sonia n’en avaient qu’une vision floue, à peine perceptible.

Le silence s’étira dans la pièce, lourd et pesant. Un frisson d’incertitude passa entre eux. L’inconnu n’était plus seulement une abstraction. Il était là, palpable, prêt à les engloutir dans son sillage.

Gabriel murmura, en boucle.

— Klein, Kéroubim. Klein, Kéroubim…

Les mots se perdaient dans la pièce, tel un courant d’aire.

Le lendemain, Gabriel en était toujours à chercher. Lumière froide de l’écran se reflétait sur les verres de ses lunettes. Gabriel cligna des yeux, la gorge sèche. Cela faisait plus de trois heures qu’il fouillait les archives numériques, compulsant méthodiquement chaque mention du nom Klein et Novotný dans les bases de données académiques. Rien. Ou plutôt, rien de concluant. Des dizaines d’occurrences, mais aucun lien évident avec la matière noire. Pourtant, il le savait. Il tenait quelque chose. Il relut une énième fois la note manuscrite qu’il avait trouvé sur le document caviardé: Klein, Kéroubim. Deux mots, rien de plus. Mais ces chiffres, cette séquence qui hantait son esprit… Ils étaient là, sous ses yeux, et il ne pouvait pas croire au hasard.

— Tu compte dormir un jour ?

La voix de Sonia, étouffée par la fatigue, le tira de sa concentration. Elle se tenait dans l’encadrement de la porte, bras croisés, l’air inquiet.

— Pas maintenant, je suis sur un piste.

Elle s’approcha et jeta un œil à l’écran.

— Klein. ça me dit quelque chose, mais…

Elle plissa les yeux, visiblement en train de chercher dans sa mémoire.

— C‘est un nom assez commun en réalité. Mais dans la recherche, ça me dit quelque chose. Novotný en revanche, ça ne me parle pas.

— Il y a aussi des initiales sur certains autres documents. Comme référence ou comme aide rédactionnelle à certains articles : E. K

— K, pour Klein ?

— Peut-être.

— Stanislas est un puits de connaissance concernant les confrères, dit Sonia. Un E. Klein, il devrait pouvoir nous éclairer.

Gabriel se redressa d’un coup. Stanislas. Bien sur. S’il y avait quelqu’un qui pouvait lui dire qui était Klein, c’était bien lui. Il attrapa son téléphone. La voix rauque de Stanislas résonna dans le silence du bureau.

— Tu sais quelle heure il est ?

— Klein, E. Klein, lança Gabriel sans préambule. Ça te parle ?

Un silence. Puis un soupir.

— Klein… Ouais je connais.

Gabriel sentit son cœur battre plus vite.

— Alors ?

— Alors, rien d’excitant, je te préviens, faisait Stanislas d’un ton l’as. Elias Klein, c’était un chercheur. Brillant, paraît-il, mais complètement à coté de la plaque. Un de ces types qui voient des révolutions partout et qui finissent par se cramer tout seuls. Un obsessionnel de la découverte. Il bossait sur quelque chose à l’époque, mais personne ne le prenait au sérieux.

— Pourquoi ? Demanda Gabriel.

— Parce qu’il était un peu allumé si tu vois ce que je veux dire. Il était persuadé d’avoir trouvé quelque chose que personne d’autre ne voyait. Et comme souvent, ce genre de convictions mènent…

— À l’isolement.

Un frisson parcourut Gabriel. Un scientifique brillant mais rejeté, obsessionnel, obsédé par une idée que personne ne comprenait. Il avait déjà entendu cette histoire. C’était la sienne.

— Oui. Je ne sais pas ce qu’il est devenu. Mais pourquoi tu me parle de Klein ?

— J’ai peut-être trouvé quelque chose.

Il raccrocha, sans le laisser répondre. Il ouvrit immédiatement un nouvelle recherche, cette fois en élargissant les critères : pas seulement des articles scientifiques, mais aussi les postes académiques, les conférences, les affiliations.

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