Chapitre 32 - Dankred [2/2]

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Hiliam de Rilke était fidèle à la description qu'en faisait les livres d'Histoire. Il était grand, blond et manifestement très imposant même sans son armure. Son visage mangé par une barbe de plusieurs jours portait les stigmates d'une vie de batailles, mais sa jeunesse transparaissait dans l'éclat de ses yeux bruns.

—Qu'est-ce que tu fais, s'énerva-t-il en tentant de reprendre sa route. Il n'y a pas de temps à perdre ! D'Omstër a au moins un quart d'heure d'avance sur nous !

— Arrête. Il y a quelque chose devant nous.

Hiliam scruta les environs.

— Silje, il n’y a rien.

— Il te ressemble, souffla Tamsin, fascinée. Ou plutôt, tu lui ressembles.

Dankred ne répondit pas, incapable de détourner son attention de Silje. Aucune des légendes qui avaient bercé son enfance ou des fresques peintes à même les murs du château de Berhyl ne l'avaient préparé à la vision de son ancêtre. Pendant longtemps, il avait assimilé ces représentations à de la propagande.

Elles ne l’étaient pas.

Silje était la plus grande femme qu’il ait jamais vue. À tel point qu'Hiliam, qui frôlait lui-même les deux mètres, semblait presque petit à côté d’elle. Sa longue chevelure brune était retenue dans un assemblage de tresses compliqué, une coiffure qu'il n'avait jamais vue portée à Rilke. La partie droite de son crâne était rasé, révélant un tatouage entrelacé qui courait autour de son oreille, descendait dans son cou et disparaissait sous son armure. D’autres motifs prenaient naissance sur les côtés de son visage avant de se fondre dans la masse de ses cheveux. Mais le plus remarquable, c'était la puissance qui émanait d'elle. C'était un pouvoir intense, à la fois familier et profondément étrange. L'espace d'une seconde, il eut l'impression d'accrocher le regard de glace qui caractérisait désormais les membres de leur famille. Mais Silje ne le voyait pas. Elle se tourna vers Hiliam, son front d'albâtre plissé en signe de confusion. .

— Il y a quelque chose, je le sens. Du maakt, très concentré.

Elle ne le voyait pas mais elle le sentait. Dankred frissonna. Déconcentré, il manqua laisser échapper le souvenir. Il raffermit à la hâte son emprise sur la réalité. Au même moment, Silje eut un mouvement de recul.

— C’est lui, souffla-t-elle. L’Aesir. Il nous regarde !

Hiliam posa une main sur son épaule, manifestement un peu effrayé par la réaction de sa femme. Il n'eut cependant pas le temps d'en dire davantage. Une cavalcade retentit dans leur dos, et trois nouvelles silhouettes surgirent dans le halo de leurs torches. Ce fut au tour de Dankred de rompre d'un pas. À eux quatre, les Vaillants occupaient presque toute la largeur du tunnel. Ils émettaient une puissance telle qu'il n'en avait jamais ressentie. Comme leur soeur, les nouveaux venus scrutèrent les profondeurs du tunnel avec étonnemment. Le prince de Rilke frémit lorsque le regard du plus grand d'entre eux, un géant aux cheveux noirs qui ne pouvait être qu'Angvar, passa sur lui sans le voir.

— Qu’est-ce que c’est que ce machin ? s’enquit l'Ours.

— Vous sentez ça ? Ça crépite presque, enchaîna le plus jeune, Eïr.

Malgré sa taille, sa silhouette longiline et ses traits juvéniles trahissaient sa jeunesse. Contrairement aux autres, il ne portait pas d'arme. Un cors de guerre ouvragé était passé à sa ceinture là où aurait dû se trouver son fourreau. 

— C’est l’Aesir, murmura Silje. Il est là, quelque part.

Angvar sursauta et dégaina aussitôt son épée, prêt à en découdre. Eïr couina de terreur et fit un pas en arrière. Le dernier des trois hommes ne pouvait être qu’Eschul. Il se contenta de faire quelques pas en avant. Dankred, Tamsin et le reste du groupe retinrent leur souffle tandis qu’il appliquait sa main sur la paroi du boyau, juste à côté de celle de la jeune femme.

— Fascinant, commenta l'Erudit comme pour lui-même. Mais tu te trompes, Silje. Il n’est pas là. Enfin, pas tout à fait.

Bien que dépassé par les événements Hiliam ne se démonta pas. Il leva la tête vers Angvar, manifestement en quête du soutien.

— Je suis d’accord avec Eschul. Il n’y a rien ici. Quoique vous sentiez, ça ne nous empêchera pas de passer. Pouvons-nous, s’il vous plaît, tenter de rattraper Lorik ? Je commence à en avoir assez de cette guerre.

À la grande surprise de Dankred, tous se tournèrent vers Silje pour guetter sa décision. La déesse serra les dents, puis les poings, avant de déclarer.

— D'accord. Mais vous avez intérêt à courir vite, parce que je vais fermer ce tunnel. La chose qui vit ici ne doit jamais en sortir, croyez-moi. Mes frères, je vous demanderais de m’assister dans cette tâche.

Les quatre hommes hochèrent la tête. Ils reprirent leur course sans plus d'atermoiements. Lorsqu'ils les traversèrent purement et simplement, Isther ne put s'empêcher de pousser un glapissement de terreur. Dankred, pour sa part, tenta de happer un peu du pouvoir de son ancêtre. En vain. Le halo de la torche s'éloigna dans leur dos, et le silence retomba dans le tunnel.

— Eh ben ça, lâcha finalement Leander d'une voix blanche. Si on m'avait dit un jour que...

— Est-ce que c'était... ? hasarda Isther.

— Les Vaillants ? En chair et en os, pour ainsi dire.

Même Lev semblait ébranlé. Il lui fallut un moment pour secouer ses mèches brunes et reprendre ses esprits.

— Quoiqu'il vienne de se passer, cela ne change rien. Notre mission reste la même. Nous devons continuer d'avancer.

Dankred hocha la tête. L'espace de quelques secondes, sa fascination l'avait emporté sur l'épuisement. Maintenant qu'elle s'était dissipée, il lui était impossible d'ignorer la sensation chaude du sang qui s'écoulait de son oreille. Une migraine intense se répandit entre ses tempes, pulsant au rythme précipité de son coeur.

— Nous n'avons plus beaucoup de temps, je..., commença-t-il. 

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Un grondement lointain se fit entendre. De la poussière se détacha du plafond, bientôt suivie par des pans de roches entier. Dankred et Tamsin échangèrent un regard alarmé. Les Vaillants étaient en train de refermer le passage ! Ils allaient mourir ensevelis.

— Nous sommes dans le mauvais souvenir ! paniqua Isther.

— Courez ! hurla Leander.

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