Polly
Lumière artificielle, mon regard s'égare. Muselée par de terribles secrets, je vocifère ma douleur et ses erreurs.
Par-delà les vitres brisées s'élancent des troncs effeuillés. Mes pensées dérivent entre les rameaux fatigués, comme le souffle d'un vent embrasé. Elles glissent entre les flammes épuisées, les branches calcinées d'un arbre abandonné. Délaissé à son triste sort, les intempéries et l'ombre du monde, à l'instar de mon corps, sous ses mains calleuses, devenu immonde.
Le silence fait trop bruit, cacophonie terrifiante qui me brise les os lorsque son visage se crispe sous l'intensité de coups de reins assassins. Autour de ma gorge, ses doigts se crispent sous une jouissance écœurante. Désormais poupée de chiffon entre les griffes d'un esprit déviant, je me tisse un univers en couleur. Une touche de brun comme ses yeux ébahis, un ciel cyan pour dissimuler les éclaboussures de sang. Jaillissement carmin sur les murs où se réverbèrent ses rires mutins. J'ai lutté, en vain.
Condamnée, la fleur ensanglantée, j'ai souri dès lors qu'il s'en est allé. Quelques heures se sont écoulées avant l'assaut divin. Fatal. J'ai hurlé des mots injurieux que ma bouche n'a su prononcer. Les lèvres gercées, assoiffée, j'ai quémandé de l'eau, une oasis dans le désert, une goutte sous un cagnard brûlant. J'ai récolté ses fureurs, ses baisers humides et endiablés qui m'ont révulsée. Il a semé les débris de mon âme harassée, comme des fragments de cristal acérés. J'ai espéré, prié puis, j'ai pleuré sans discontinuer. Jusqu'à la douleur de trop, la souffrance fatigante qui a laissé mon cœur en lambeaux. Ma peau de porcelaine s'est fissurée, angélique poupée aux ailes arrachées.
Polly s'est effacée, princesse illuminée de brillantes idées s'est assoupie pour un instant de répit désiré. Là où le feu ne consume plus, où la pluie ne l'arrose pas comme une vulgaire rose au bourgeon fané. Les pétales sont flétris, semblables au corps abîmé d'une âme envolée. Enfin en paix ?
Lumière artificielle, ne reste d'elle qu'une photographie jaunie sur un coin de mur à la peinture écaillée. Une mèche de cheveux blonds comme les blés scotchée sur un polaroïd corné. Quelques bribes d'une vie condamnée, d'une enfant martyrisée, oubliée dans un hangar excentré. Sur le ciment repose un cadavre à l'ossature fracturé, aux yeux écarquillés par la peur et l'intensité d'une affreuse cruauté, d'un bourreau affamé.
Affamé d'une peau satinée, d'un regard effrayé, d'une sueur froide sur une échine délicate et douce à se damner.
Polly s'est envolée.
Nirvana - Polly
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