Chapitre 6

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Le réveil sonna. Amélia ouvrit difficilement les yeux et il lui fallut quelques secondes pour se rappeler où elle était.
Résignée, elle se leva et ouvrit le volet de l'unique fenêtre de son minuscule studio.

L'appartement était des plus ordinaires.
L'entrée se composait d'un long couloir par lequel on accédait à sa salle de bain, constituée d'un toilette, d'une cabine de douche et d'un lavabo. Un grand placard de rangement aux portes coulissantes séparait l'entrée de la pièce principale.

Cette dernière était plutôt bien agencée. Dans le coin le plus à droite, un espace cuisine avait été aménagé, constituée de plusieurs placards, de plaques électriques et d'une desserte à micro-ondes.

Le reste du mobilier était de première nécessité: un meuble bas sur lequel était posée une petite télévision à écran plat, une table de salon et un lit d'une personne.
Les murs, blancs, étaient immaculés, sans décoration aucune, comme si le logement n'avait pas eu de précédents occupants.
Un lieu impersonnel, sans histoire, sans attache particulière. Exactement ce qui représentait la personnalité d'Amélia.

La jeune femme attrapa le paquet de Philip Morris qu'elle avait posé sur la table la veille au soir, se dirigea vers la fenêtre ouverte et s'alluma une cigarette.

L'air frais matinal et la fumée âcre envahissant ses poumons lui firent du bien.
Le soleil commençait à se lever, donnant à l'horizon des couleurs orangées, et elle contempla le spectacle que lui offrait ses yeux encore endormis tout en tirant avidement sur la petite tige fumante.
Elle adorait ce moment de la journée où les cauchemars de la nuit s'évanouissaient avec l'apparition des premières lueurs du jour, elle trouvait ce moment apaisant.

Elle tira la dernière bouffée sur sa cigarette et jeta son mégot sur les toits des garages en contrebas.
Il faudrait qu'elle pense à acheter un cendrier.
Elle fouilla dans son sac de voyages, étalé au milieu de l'étroit couloir et en sortit un legging et un t-shirt, qu'elle enfila. Elle prit ensuite ses clés et sortit de son studio.

À son étage, la présence de plusieurs portes lui indiqua qu'elle avait de nombreux voisins.
Elle devait loger dans une sorte de résidence étudiante mais en plus huppée.
Elle prit l'ascenseur puis sortit de l'immeuble pour se retrouver dans les rues de Rouen, encore calmes à cette heure de la journée.

Les quais de la Seine n'étaient qu'à quelques mètres, aussi décida-t-elle d'aller faire son footing matinal là-bas.
Sa séance de sport journalière était devenue une routine depuis qu'elle était un agent. Et l'exercice physique quotidien avait fini par gommer ses rondeurs d'adolescente, la rendant svelte et athlétique.

Tandis qu'elle courrait le long du fleuve qui séparait la ville en deux rives, elle repensa à sa conversation de la veille avec Lemoine.
Le flic pouvait bien lui dire ce qu'il voulait, le sentiment de culpabilité qu'elle ressentait ne la quittait pas. Son erreur avait été fatale, détruisant des familles entières.
Elle ne valait pas mieux que les monstres qu'elle pourchassait. La seule différence était qu'elle ne serait jamais jugée pour ses actes.

Elle repensa également à cette inspecteur, qui l'avait interrogée après son cours la veille et à l'Ecorcheur.

« La méthode pour tuer sa victime est toujours différente »

Les tueurs en série organisés était réguliers, ça faisait partie de leur singularité. Ils avaient besoin d'un rituel, ce qui leur permettaient d'assouvir leurs pulsions. Mais Vallée avait eu l'air de dire que ce n'était pas le cas de celui-ci.

« Et toujours la même signature, ce morceau de peau... »

Que faisait-il de ces peaux ? Est-ce que, à l'instar d'Ed Gein, il s'en fabriquait des abat-jours ? Les conservait-il pour revivre ses crimes ? Ou alors, n'était-ce que du fétichisme ?

La voix de Lemoine lui revint.

« Crois-moi, celui-ci, il se fout de la presse »

De tous les individus qu'elle avait côtoyés, les tueurs en série étaient probablement les plus prétentieux. BTK, le tueur du Zodiaque... Narguer la police, jouer avec la presse, tel était leur plus grand plaisir, hormis celui de torturer leurs victimes. Repousser plus loin les limites, au risque de se faire attraper. Cependant, l'Écorcheur ne semblait correspondre à aucune de ces caractéristiques.

Qui était-il ? Comment tuait-il ses victimes ? Quels étaient son rituel, ses motivations ? Des milliards de questions assaillaient la jeune profileuse.

Elle s'arrêta de courir et marcha le long des quais, le temps de reprendre sa respiration. Il fallait qu'elle sache. Il lui fallait des réponses. Elle voulait en connaître d'avantages sur ce tueur, auquel cas il ne cesserait de la hanter.

Lemoine ne voulait pas qu'elle s'en mêle. Une fois de plus, elle n'allait pas l'écouter.

Elle faisait le pied de guerre depuis trente minutes maintenant. Mais elle était déterminée, la patience ne lui avait jamais défaut.

Le commissariat de Brisout de Barneville n'était qu'à dix minutes de route.
La jeune femme connaissait bien cet endroit pour y avoir passée un nombre incalculable d'heures durant son enfance.

L'homme qu'elle attendait finit par arriver, portant une sacoche dans une main et un café dans l'autre. Ses yeux s'écarquillèrent à la vue de la jeune femme.

—  Agent Downey ? Je pensais que votre cour ne devait avoir lieu que cet après-midi...

— C'est le cas. Je ne suis pas là pour ça.

L'inspecteur Vallée la dévisagea puis il baissa les yeux, l'air soulagé.

— L'Écorcheur... Vous êtes là pour lui.

Elle ne répondit pas, se contentant de le fixer. Le jeune homme soupira.

—  Il ne va pas apprécier. Lemoine. Il... Il ne veut pas que vous vous en mêliez.

La profileuse fronça les sourcils. Son mentor la protégeait beaucoup trop, lui donnant l'impression d'être une petite fille fragile à nouveau.

— Peu importe ce que pense Lemoine. Il faut que je vois. J'en ai besoin.

L'inspecteur sembla hésiter, réfléchissant à la décision qu'il allait prendre. Il finit par soupirer une nouvelle fois.

— Ok, suivez-moi. J'espère que votre petit-déjeuner n'a pas été trop copieux...

Ils pénétrèrent dans un hall où se croisaient les officiers de police en uniforme, certains rentrant de patrouille et d'autres y partant.
Vallée se dirigea vers un ascenseur et elle le suivit à l'intérieur. Ils montèrent au deuxième étage et elle le suivit à travers un dédale de couloirs.
Il s'arrêta enfin devant une porte, frappa trois coups et enclencha la poignée.

La salle était plutôt spacieuse, les fenêtres donnant sur la rue animée à cette heure de la journée, la rendant lumineuse. Le longs des murs étaient alignés trois grands tableaux blancs, sur lesquelles étaient accrochées différentes photos de femmes.
Au centre de la pièce, une table ronde était recouverte de dossier, des chaises étant disposées tout autour. Un homme d'une cinquantaine d'année était déjà installé et pianotait sur son clavier d'ordinateur, les yeux rivés sur l'écran.

Amélia grimaça. Elle détestait utiliser des ordinateurs, préférant les versions papiers, beaucoup plus pratiques à son sens. Elle avait alors le loisir de mettre en avant les éléments qui l'intéressaient, sans avoir à cliquer sans cesse sur une fichue souris.

 — Salut Bourgeaus ! Lança Vallée.

L'autre leva les yeux et haussa les sourcils lorsque son regard se posa sur l'agent du FBI. L'inspecteur Vallée se passa une main dans les cheveux, l'air passablement embarrassé.

—  Ouais... C'est l'agent Amélia Downey, elle forme les collègues au profilage. Elle voulait... jeter un coup d'œil à ce qu'on a sur lui.

Le policier lui jeta un regard réprobateur mais se leva tout de même, s'approchant de la jeune femme, la main tendue.

— Agent Downey, c'est un honneur de vous rencontrer. Je suis le lieutenant Bourgeaus.

Amélia ne répondit pas, se contentant d'adresser un signe de tête à l'intéressé.
Bourgeaus jeta un coup d'œil à Vallée, puis s'adressa de nouveau à elle.

— Bien, j'espère que vous n'avez pas encore déjeuné. Parce que c'est assez...

L'homme ne termina pas sa phrase.
Il n'avait visiblement pas l'habitude de ce genre d'affaires. Rouen était une ville plutôt calme, les homicides résultaient plutôt des règlements de comptes ou de drames familiaux. Et si il arrivait aux policiers d'avoir affaire à des meurtres, ces derniers ne résultaient généralement pas d'une série.

Amélia ne prêta pas plus attention aux policiers français et se dirigea vers les photographies affichées sur les tableaux.
Vallée était bien en dessous de la vérité en disant que l'Écorcheur était son pire cauchemar.

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