Juin 2010 (1/2)

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C’est finalement Caro qui a décidé de faire le premier pas, à quelques jours de la fin de l’année scolaire. Alors que nous passons le plus clair de notre temps à profiter des belles journées de juin allongé dans la pelouse devant le lycée, chacun avec sa bande d’amis, elle a enfin décidé de tenter sa chance et débloqué une situation qui me pesait de plus en plus:

- Juss. Je peux te parler un moment?

- Bien sûr, assieds-toi.

- Merci. Tu sais, je te voyais pas comme ça au tout début, je pensais que t’étais un gros lourd, je me suis fiée aux apparences, aux ragots, même si mon intuition me disait que je me plantais, et qu’en fait c’est tout le contraire…

- Je sais, ça fait quelques années que je me fréquente. Tu sais, c’est difficile d’être soi-même ici… Regarde-toi, on te croirait timide, réservée, mais en fait tu es un vrai moulin à paroles, et quand tu te lâches t’es un vrai clown…

- C’est vrai… Bon… Écoute… Ça fait quelque temps qu’on s’est pas mal rapproché tous les deux… Je voulais juste savoir… T’attends quoi de moi ?

- Heu… Rien… Enfin… J’attend rien, mais disons que j’espère, j'aimerais bien… T’es une fille géniale, gentille, cultivée, avec qui je peux avoir des conversations super intéressantes, passer des heures à bosser, rire de tout et de rien… Et j’aime ton côté clown triste, tes sourires masqués, ta discrétion quand il y a du monde autour de toi…

- Arrête ton bla-bla… Ne joue pas aux jolis cœurs avec moi… Samedi prochain, Ingrid m'invite chez elle pour fêter la fin des cours… Tout le monde doit venir accompagné… Et moi…

- J’en sais rien…

- Avec toi ???

- C’est une proposition, ou un ordre ?

- Plutôt une proposition, mais…

Je suis tellement heureux de sa proposition, mais pour le moment je décide de jouer un peu avec elle.

- Je sais pas… Je te dirai bien oui, mais…

Son visage affiche immédiatement sa déception.

- C’est bon j’ai compris, laisse tomber… C’était pas une bonne idée…

- Attends Caro… Deux minutes… Mon super binôme, gentille et jolie, qui me propose de l’accompagner pour une après-midi avec ses amis… Je suis pas sûr d’être à la hauteur…

- Arrête tes conneries Juss…

- Mais bien sûr que j’accepte, banane, ça me fait super plaisir… Je te faisais juste un peu mariner…

En fait je reste tellement sur le cul devant son attitude, que j’ai pas su quoi lui répondre au départ, mais je ne peux pas refuser son invitation. J’ai immédiatement vu là une opportunité. Je ne me suis même pas redressé pour lui parler, je suis resté allongé comme un con, mais avant de retourner avec sa bande elle me pose un rapide baiser au coin des lèvres en me gratifiant d’un « A plus », dans lequel je décèle comme une pointe de reproches.

« Putain de merde, j’ai foiré quelque chose ou pas ? Si je m’étais redressé… Sur la bouche ou pas ? Ça y est, je recommence à me faire des films ! C’est bon elle m’a juste invité à l’accompagner pour un après-midi avec ses potes… »

En général c’est plutôt moi qui avait pour habitude d’agir de la sorte, de proposer aux filles de sortir avec moi, de les embrasser par surprise… Là, elle se pointe, m’invite à sortir avec elle samedi, et m’embrasse…

« Enfin m’embrasse… C’est une image… Et si c’était juste de la maladresse ? »

*****

Nous sommes samedi et bien que la fin des cours soit déjà loin pour nous, la fin de l’année doit se fêter comme il se doit au lycée. Ma mère me dépose chez Caro, en fin de matinée, Ingrid habitant à quelques pas de là, nous terminerons à pied.

Je me retrouve dans un quartier où chaque maison est plus immense que sa voisine, les haies sont taillées au millimètre, les pelouses verdoyantes malgré la chaleur de l’été. Je ne suis définitivement pas du même monde que ces gens, enfin, je ne vis pas dans leur monde même si certains ne doivent pas être plus riches que nous.

Je sonne et elle vient m’ouvrir le portail, dans sa tenue habituelle : baggy, t-shirt large, frange devant les yeux, alors que j’avais fait péter la tenue de fête : jean, chemise, et lunettes de soleil… (Pour ceux qui me connaissaient, c’était un exploit retentissant, j’avais plutôt l’habitude des tenues décontractées, pantalons et t-shirts larges, chaussures de skate…)

- Putain Caro, t’aurais au moins pu t’habiller en vrai fille pour une fois… Et je la serre dans mes bras en l’embrassant sur la joue…

- Arrête de te foutre de ma gueule, j’arrive pas à choisir… De toute façon, c’est journée piscine, donc ma tenue on s’en balance….

- Arrête ton char, je te connais suffisamment pour savoir que t’as pas plus de trois tenues à te mettre pour sortir… Je vais t’aider à choisir… File les chercher…

- Non mais c’est bon… Je mets mon maillot et j’y vais comme ça…

- D’accord, mais ce sera sans moi…

- T’es sérieux? Tu serais prêt à me lâcher au dernier moment juste à cause de ma tenue?

- Oui. J’ai fait l’effort, tu fais l’effort!

- D’accord… Pose-toi j’arrive…

Je m’attendais à ce qu’elle débarque avec ses tenues à la main ou qu’elle m’invite dans sa chambre et me demande de l’aider à choisir, mais pas à la voir défiler devant moi… En fait je m’en foutais de sa tenue, ce que je voulais c’est juste qu’elle s’habille comme une vraie fille, peu importe le style…

Donc après avoir porté ses quatre tenues « pour sortir », le choix se porte sur une jupe rouge, lui arrivant aux genoux, et un chemisier blanc légèrement décolleté. Aux pieds une paire de ballerines noires, une tresse pour coiffer ses longs cheveux qui lui arrivaient en bas du dos et le tour était joué.

- Ben voilà, tu vois que c’est pas difficile…

- Ben si, je suis pas à l’aise comme ça, j’ai l’impression d’aller à un mariage, et puis tous les autres…

- On s’en fout des autres, t’es super bien foutue, et pourtant tu te caches derrière tes fringues trop larges et ta frange trop longue... Assume-toi un peu, t’es une jolie femme merde…

- C’est bon t’énerve pas…

- Je m’énerve pas, j’essaie de te faire comprendre… Tu sais quoi, je te croise habillée et coiffée comme ça dans la rue, sans te connaître, ni rien, je te cours après pour t’inviter à boire un verre, et plus si affinités… Si tu vois ce que je veux dire…

- Tu dis ça parce que tu me connais… Sinon…

- Je suis sincère Caro…

« Tant pis, je me jette à l’eau… Si je me trompe sur ses intentions, je serai fixé… Au pire elle m’envoie balader, et je rentre chez moi tout de suite… »

Je mets fin à la discussion en la prenant dans mes bras par surprise, et en l’embrassant fougueusement.

Ce premier baiser fait naître en moi des frissons qui me parcourent des pieds à la tête, en sentant son corps s’abandonner, je comprends que j’ai mis dans la cible, et je devine bien ce qu’elle peut ressentir à ce moment-là, même si son baiser est hésitant…

- C’est bon? Tu comprends mieux ce que tu dégage quand t’es habillée comme ça ?

- Tu… Je… Mais… Tu…

- Mais quoi ?

- Ca va pas bien de faire ça ? T’es malade ou quoi ?

- Viens pas me dire que t’en avais pas envie, et l’autre jour quand tu m’as invité, avant de partir ?

- Non… Mais… C’est pas ça… C’est juste que… Ça fait des mois que j’en rêve, que je me repasse le film dans ma tête, et c’est pas comme ça que ça devait se passer… C’est moi qui devais t’embrasser la première…

- Alors on va dire que ça ne compte pas… Et on recommence…

Et d’un geste rapide, elle me repousse sur le canapé, s’installe à califourchon sur moi et ses lèvres se posent tendrement sur les miennes alors que ses mains enserrent mon visage. Je suis surpris par son baiser, par sa tendresse, sa délicatesse, plus que par l’inexpérience dont elle fait preuve. Mes mains passent dans son dos, en se posant sur sa nuque et sur ses cheveux, accentuant légèrement la pression de nos lèvres qui s’entrouvrent pour laisser nos langues se mêler enfin alors que je calme son ardeur en prenant les choses en main, si l’on peut dire…

Le jean que je porte ne laisse malheureusement pas de place pour masquer ma réaction et la démonstration de désir, surtout dans une position plus qu’équivoque. Elle met fin à notre deuxième premier baiser en se détachant de mon corps et en se relevant, les yeux rivés sur la bosse qui déforme mon entrejambe.

- Quoi ???

- Non rien…

- Tu vois ce que tu déclenches chez moi, quand tu assumes ton côté feminin…

- C’est bon t’as gagné, je rends les armes… Mais n’en profite pas trop Juju.

- Je profite pas, je veux juste que tu comprennes que ça sert à rien de te cacher derrière ta frange pourrie, j’ai deviné alors même que tu doutes encore de toi… Tu veux que je te dise, si j’étais encore le mec que j’étais y’a un an, plutôt que de t’ouvrir les yeux, on serait allé chez Ingrid et je me serais barré en te larguant dans quelques jours, une fois que j’aurais obtenu de toi ce que je voulais, ou pas… Mais non, pas avec toi, j’en ai pas du tout envie et je veux que t’ai confiance en moi et surtout en toi…

- Merci, je sais que je peux faire envie, mais ça me fait peur… Les autres mecs je veux dire… Alors, on sort ensemble ?

- Tu sais ce que tu provoques chez moi, ce que je ressens pour toi, à toi de voir… Ça fait six mois que j’attends, je suis pas pressé…

- Je pensais qu’avec mon geste de l’autre jour, quand je t’ai invité à venir avec moi aujourd’hui, t’avais compris…

- Tu sais je suis un peu con parfois, même si je me faisais une petite idée de la chose…

Je me lève à mon tour du canapé pour la prendre dans mes bras, son corps vient se blottir contre le mien, en frissonnant.

- On peut y aller? Si on arrive à la bourre, vu la situation ça va jaser, et j’ai pas spécialement envie de subir ça…

- Je file mettre mon maillot de bain et j’arrive, tu t’occupes des sacs sur la table de la cuisine.

C’est donc la tête toute à notre conversation que je prends les deux sacs de provisions dans la cuisine et que je retourne au salon l’attendre.

Elle me rejoint quelques minutes après et nous filons chez Ingrid pour passer l’après-midi, sur le chemin, main dans la main, souriants, nous discutons de tout et de rien, de nos petits boulots pour l’été, de mon amitié avec Clémence, évitant curieusement d’aborder ce qu’il vient de se passer.

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