Avril-Juillet 2011

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Je survis maintenant depuis un bon mois, j’ai perdu plus de dix kilos, ma vie se résume à aller en cours, faire mes devoirs et pleurer sur l’épaule de Clémence, j’ai perdu toute envie d'aller courir, le simple fait de regarder mes baskets me plonge dans un profond désarroi.

- Clemsou… Il me reste plus que toi… Aide-moi…

- Je fais de mon mieux, mais tu dois être raisonnable. J’arrive pas à imaginer ce que tu dois ressentir, mais tu dois te plier à leur volonté, t’as pas le choix…

- Sûrement pas… Tant que je l’aurais pas retrouvée, que j’aurai pas de nouvelles, je lâcherai rien… Je veux pas continuer à sortir avec elle, si c’est son choix, mais j’ai besoin qu’elle me le dise, en face, j’ai besoin de la voir et de lui parler…

- Juss, arrête, tu vas t’attirer des ennuis… C’est pas la solution… Et ça vient pas d’elle la décision…

- Mais merde Clem… Je fais quoi moi maintenant?

- Comme tu faisais avant Caro, tu vis, tu profites de tes potes, tu continues à flirter avec moi de temps en temps, à venir boire un café le dimanche…

- Et je l’oublie? Complètement? Sans avoir le fin mot de l’histoire? Tu me connais trop bien pour savoir…

- Oui, mais là, t’as pas vraiment le choix Justin…

Je passe beaucoup de temps à échafauder les plans les plus tordus dans mon esprit, pour essayer de retrouver sa trace, m’imaginant jusqu’à m’introduire chez ses parents en leur absence, pour chercher des indices sur les événements, et remonter sa piste jusqu’à la retrouver. Mais le plus raisonnable et le plus logique a été d’aller au commissariat pour signaler sa disparition, leur expliquer ce qui s’était passé, essayer de trouver de l’aide et je reçus leur réponse quelques jours plus tard:

- Nous avons pris contact avec ses parents, et ils nous ont expliqué la même chose qu'à vous, ainsi que les raisons de son départ précipité, elles nous semblent valables. Nous avons pris contact avec les autorités compétentes là où elle se trouve, ils ont pu la rencontrer et nous confirment qu’elle est en vie, en bonne santé. Nous n’avons pas le droit de vous en dire plus, à la demande de sa famille, je vous renouvelle également leur souhait de ne plus recevoir de demande de contact de votre part jusqu’à nouvel ordre.

- Vous êtes sérieuse? Et ça s'arrête là?

- Malheureusement, nous ne pouvons rien faire de plus, elle est en vie, et ne court, à priori, aucun danger grave et imminent, d’après l'enquête menée sur place… Je suis désolée, jeune homme…

- Et moi donc…

- Écoutez, vous m’avez l’air de quelqu’un de bien, de sérieux et je suis sûre que vous n’y êtes pour rien dans l’histoire, surement un simple accident de parcours, alors je peux essayer de faire un geste pour vous, passez régulièrement me voir, discrètement, je vais essayer d’obtenir des nouvelle de votre amie, et je vous les transmettrais…

J’ai hésité quelques secondes avant d’accepter.

Ne vous inquiétez pas, elle sera sûrement de retour près de vous d’ici peu…

- Merci beaucoup, c’est tout ce que je souhaite.

Mais je sais au fond de moi qu’elle se trompe.

J’ai dû aussi me forger une carapace, apprendre à ne plus écouter mes autres camarades et les rumeurs les plus dingues à notre sujet. Au début, on m’a simplement demandé si j’avais de ses nouvelles et je répondais ce que je savais: qu’elle était malade, qu’elle était partie pour se soigner, ailleurs, qu’elle reviendrait une fois guérie. Puis, avec le temps, et mon silence, certains ont fait courir les bruits les plus fous, allant même jusqu’à raconter que je l’aurais violée, assassinée, caché son corps dans une forêt et autre théories fumeuses, obligeant mes parent à me faire quitter le lycée après une énième bagarre pour finir l’année avec des cours à distance et l’aide généreuse de Clémence.

Bizarrement, seuls ces cours me permettent de penser à autre chose et étudier depuis son lit, son canapé ou son balcon avec une cigarette a tout de même du bon, comme de ne plus croiser personne en dehors de mes parents, qui font leur possible pour me maintenir à flot, avec Clemence, qui passe chaque jour prendre de mes nouvelles, et me secouer les puces.

Toutes les semaines, je m’autorise un aller-retour discret au commissariat, prendre les quelques nouvelles qu’on veut bien me donner, je leur ai même laissé un numéro de téléphone pour me joindre au cas où. Mais rien de plus, en dehors du sempiternel “Elle va bien ne vous inquiétez pas.”, agrémenté de quelques détails banals, j’ai beau insister, en vain.

Au mois de juin, je me rends à contre-coeur au lycée pour y passer mes épreuves anticipée du bac. Ce fut une réussite, même si celà m’importe peu. J’y suis allé avec beaucoup de détachement, appliquant mécaniquement ce que j’avais réussi à faire rentrer dans mon cerveau, si préoccupé par d’autre problèmes autrement plus importants à mes yeux.

Malgré les recommandations de tous, j’ai tout de même pris le temps d’envoyer un petit message à Caro, juste après avoir reçu mes résultats.

“ Épreuves anticipées réussies avec brio, je te le souhaite également. Justin.”

Si je ne m’attendais pas à une quelconque réponse de sa part, convaincu que le numéro ne lui était plus attribué, que mon message parviendrait au mieux à un inconnu, ou à ses parents, un appel de sa part était inespéré et pourtant…

- Caro? Mon amour!

- Justin… Félicitations pour tes épreuves… Continue comme ça…

- Putain ça me fait du bien de t’entendre… Explique-moi tout…

- Je peux pas, je peux rien te dire, on me l'interdit… Je suis désolée pour tout ça… On doit faire une croix sur nous deux… Oublie-moi je t’en supplie et reprends ta vie comme avant… Promet-le moi…

- Non… Je peux pas, j’ai besoin de toi, de ta voix…

- Ne rends pas les choses plus difficiles, elles le sont suffisamment, fais ce que je te demande, je t’en supplie… Pour moi… Pour toi… Pour nous… Adieu Juss…

- Caro?

Seul le bip a répondu à mon cri, et à l’écho de mes larmes dans le vide. Je reste assis plusieurs minutes sans pouvoir bouger, essayant de m’imprégner de sa voix, ne voulant pas l’oublier. Je crois que j’aurais préféré ne jamais entendre ces mots, le silence plutôt que la vérité, finalement…

C’est cet appel, qui se voulait plutôt bienveillant, clap de fin de cette période de doute immense, qui a tout précipité, elle aurait voulu que je rebondisse, mais elle n’a fait que me pousser dans le vide.

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