Mars 2012

7 minutes de lecture

- Putain, mais quand est-ce que tu vas arrêter tes conneries ? Les deux autres fois ne t’ont pas suffi ? Il a encore fallu que tu recommences ? Tu commences à vraiment me faire chier avec tes conneries de sale gosse !!!

- Mais merde à la fin, laissez-moi crever une bonne fois pour toutes, j’ai plus envie de vivre, plus la force, ça fait huit mois que je vous le dis et que je le répète !!! Mais non, on continue à se pourrir la vie pour moi, on insiste pour me soigner et pour me sauver à chaque tentative… Ce que vous n’avez pas compris c’est que plus ça dure, plus je suis malheureux, plus vous essayez de me ramener à la surface et plus je m’enfonce.

- Parce que tu crois sérieusement qu’on va laisser tomber ? Moi, tes parents, ce qu’il te reste comme amis ? Tu espères qu’on va lâcher l’affaire et continuer à vivre, avec ta mort sur la conscience ?

- C’est bon, ferme ta gueule et dégage de cette piaule avant que j’appelle les infirmières… 

Et elle sort en pleurs, claquant la porte derrière elle… Pauvre Clémence, je m’en veux de lui imposer ça, je m’en veux de leur imposer ça à tous, mais je suis beaucoup trop malheureux pour m’en préoccuper. Ils ne sont plus beaucoup à supporter mes conneries, ma famille proche prend encore des nouvelles, passe me voir à l'occasion, mes parents, qui n’ont pas vraiment le choix, encore que je ne les oblige à rien, et Clems… Clems qui a tout supporté depuis un an et le début de “l’Affaire Caroline”, Clems qui a toujours été là, depuis notre premier baiser, qui est restée après notre histoire, Clems qui m’a toujours soutenu, accompagné, consolé depuis la disparition de Caro.

Ça c’est suite à ma troisième tentative de suicide, il y a une semaine environ, trois en huit mois je pensais que ça allait enfin les aider à comprendre que je voulais en finir. Ce jour-là, mon psy m’a dit que j’étais le seul maître de mon destin, qu’il avait fait son maximum et qu’il ne pouvait rien faire de plus pour moi si je n’en avais pas envie… Après trois semaines de thérapie ensemble…

Moi, j’ai juste décidé de traverser l’autoroute en pleine période de départ en weekend, malheureusement la voiture a réussi à ralentir, à éviter la collision que je recherchais, et je me suis pris la remorque en plein dans le râble, à faible vitesse, et ma carcasse a fait le reste. Résultat, après l’impact, j’ai glissé sur une dizaine mètres, et je m’en sors avec une jambe pétée, six côtes en morceaux, et une belle bosse, sans compter les contusions diverses, et les égratignures.

Les pompiers m’ont ramassé, une fois de plus, direction l’hosto, après deux heures au bloc pour soigner ma jambe je me suis retrouvé dans cette chambre, aux murs blancs, attaché à mon lit, à pisser dans un bocal, et à me faire torcher par des infirmières débordées.

Le conducteur qui partait en vacances avec sa famille n’a pas souhaité donner suite après les explications et excuses de mes parents, malgré le traumatisme, il m’a même adressé une carte me souhaitant un rétablissement rapide. Pauvre con, si t’avais pas freiné je serais plus là et tu m’aurais rendu une fière chandelle, mais bon je vais pas le blâmer non plus…

Pourquoi ?

Après ma seconde tentative mes parents et mes médecins avaient décidé que je devais changer de psy, Mademoiselle Dumont ayant repoussé mes avances, cela m’avait conduit à essayer de sortir de son cabinet situé au deuxième étage par la fenêtre… Sans aucune aide que celle de mes deux bras…

Quatre mois qu’elle avait pris ma vie en main, une jolie blonde, 26 ans, tout juste sortie de l’école avec son diplôme, tu parles d’une aubaine pour moi, pour elle ça avait viré au cauchemar. Je pense qu’elle avait pas compris que mes progrès fulgurants étaient uniquement dus au fait que j’étais tombé amoureux d’elle, de ses petits seins qu’elle laissait volontiers se promener librement sous ses hauts moulants, de ses fesses musclées que j’avais aperçu à maintes reprises lorsque ses jupes volantes décidaient de se laisser porter par les courants d’airs. Et le jour où elle m’avait proposé de passer une journée au grand air au bord de la mer, et de m’apprendre à surfer à ses côtés, j’ai pas pu refuser.

Ce jour d’octobre, nous nous sommes rendus sur les bords de la Méditerranée, une fois le matériel déchargé et ses premiers conseils donnés, je me suis désapé sans aucune pudeur, la plage étant quasiment déserte, j’ai enfilé un maillot de bain, puis une combinaison en néoprène, elle m’avait prêté celle de son frère qui avait le même gabarit que moi.

Elle s’était cachée derrière la voiture, entourée dans une serviette pour enfiler son maillot de bain, pudique, mais peu habituée à ce genre de manœuvre, la serviette s’est barrée dans un coup de vent et elle s’est retrouvée nue devant moi le temps d’attraper le bas de son maillot et de le remonter… J’ai été tellement surpris que j’ai pas vraiment réalisé ce qu’il venait de se passer… Pour ce qui est de sa poitrine, j’avais profité de nos séances pour la détailler et elle ressemblait en tous points à ce que j’avais pu m’imaginer, des petits seins bien ronds, et fermes, et des petits tétons proéminents, entourés de minuscules aréoles rosées. Cela a duré environ cinq secondes, le temps qu’elle se tourne et s’excuse.

- C’est bon Magali, je suis plus un ado puceau de treize ans…

- Je sais, mais je suis quand même ta psy, et ça se fait pas…

- Tu pourrais être ma grande sœur aussi…

- Oui mais j’ai ma pudeur…

- Alors c’est moi qui m’excuse de t’avoir regardé…

Elle a enfilé sa brassière, sa combi et a commencé son cours, sur le sable tout d’abord pour m’apprendre à me lever sur la planche, puis séance de crawl et de bodyboard pour apprivoiser les vagues. J’ai fini par essayer de me mettre debout sur la planche, sous ses encouragements, sans succès, avant de remballer le matos, de nous changer et de retourner chez nous…

Cette journée, en tête à tête avec elle, m'avait fait le plus grand bien, profitant de la moindre occasion pour me blottir contre elle, la toucher, je me sentais rassuré par ces interactions.

Les séances ont repris et je la dévorais du regard, elle semblait s’en accommoder, et puis j’ai craqué, et je lui ai tout déballé, mes sentiments, mes envies, comment je rêvais d’elle, nue, dévoilant dans la pénombre son corps à mes yeux, la façon dont ses courbes sportives et galbées se dessinaient lorsque je m’imaginais la voir se déshabiller devant moi, allongé sur son lit, les caresses qu’elle venait me prodiguer, parcourant de ses douces mains chaque parcelle de mon corps…

Tout ce qu’elle a réussi à me répondre c’est « Merci mais ça ne m’intéresse pas, je suis et reste ta psy… Puis t’es beaucoup trop jeune… Et tu sais très bien que j’ai un mec… ». Pas très psychologue pour le coup, j’ai pas réfléchi, je me suis levé, j’ai ouvert la fenêtre et j’ai sauté…

Et de deux psys de moins…

Le premier, Mr Leblanc, m’avait pris sous son aile suite au dernier appel de Caro, dès le début, il a supporté mes larmes, mes crises de nerfs, puis mes premiers écarts, grands écarts même, alcool, drogue, médicaments, crises quand mes parents ont fermé les robinets et je n’ai pas eu d’autre choix que de subir ses discours moralisateurs…

Et puis LA crise, le cocktail explosif qui a tout fait basculé, je me suis retrouvé seul à Alès, après un énième passage infructueux au commissariat, j’ai acheté une bouteille de vodka dans une petite épicerie pas trop regardante sur l'âge de la clientèle, pris un somnifère, prescrit par les médecins pour m’aider à dormir correctement, puis un second et me suis installé sur le premier banc du premier parc qui a croisé mon chemin, la première gorgée est brûlante, accompagnée par une vague de chaleur qui part de la langue, descend dans la gorge, puis se répand dans tout le corps. Les rasades suivantes font moins d’effets sur le corps, mais commencent à embrumer mon esprit, se mélangeant aux effets des médocs. Je me lève, titube, change de banc, nouvelle rasade… Un joint… Un nouveau cachet… Puis un second… Et ainsi de suite… Arrivé à la moitié de la bouteille de vodka, le trou noir… Je me suis réveillé beaucoup plus tard à l’hôpital, les bras bandés, attaché dans un lit du service de réanimation, perfusé et transfusé…

Au bout de quelques minutes un médecin est venu me voir, accompagné de mes parents et de Clémence. Ils m’ont expliqué que des passants m’avaient retrouvé étalé par terre à côté de mon banc, des débris de bouteille autour de moi et des entailles de plusieurs centimètres dans chaque avant-bras, dans une flaque de sang…

A priori, j’avais frôlé la mort, à quelques minutes près et cela faisait deux jours que j’étais arrivé ici.

Mes parents étaient dépassés par les événements, ne s’attendant pas à un tel geste de ma part, mais suivant les conseils des médecins, ils n’ont pas osé l’ouvrir pour me gueuler dessus, se contentant de sourires, de baisers, de mots gentils et de leur présence silencieuse…

Clémence passait chacune de ses heures libres à mes côtés, me soutenant, me poussant à guérir, c’était la seule qui se permettait, avec mon approbation implicite, de me hurler dessus quand elle en avait marre de moi. A chaque fois le même rituel, la colère montait chez l’un et chez l’autre, souvent pour une broutille, elle gueulait, moi aussi, on s’énervait, elle partait en pleurs, en claquant la porte et dix minutes après réapparaissait comme si rien ne s’était passé, seuls ses yeux rougis par les larmes montraient ce qui venait de se passer…

Pendant ces longs mois de convalescence, entre chaque séjour à l'hôpital, je retrouvais ma chambre, mes cours à distance, les appels d’Ingrid qui prenait tout de même régulièrement de mes nouvelles, sans aborder le sujet sensible qui était la cause de mes tourments.

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