Après deux heures de train, nous débarquons en début de matinée, avec nos vélos chargés, en plein centre-ville de la station balnéaire très (trop) prisée par les touristes. Immédiatement me vient la nausée à la vue de toute cette foule, j’avais pris l’habitude de rester cloîtré chez moi depuis treize mois, ne voyant quasiment plus personne et le retour à la civilisation est un immense choc.

Sans traîner une seconde de plus, après deux ou trois photos sur lesquelles je me force à sourire, devant la gare, nous enfourchons nos vélos pour quitter le plus rapidement possible le bord de mer. Notre première étape fait moins d'une trentaine de kilomètres, avec un profil totalement plat, une reprise idéale pour moi et un test parfait, nous conduisant en direction de Durban-Corbières. Sur un rythme de sénateurs nous prenons donc la route, profitant encore de la relative fraîcheur de cette fin de matinée, nous faisons quelques petits arrêts pour garnir notre album et illustrer notre publication quotidienne. Je ne pensais pas que la reprise puisse être aussi facile et certainement que ma perte de poids due à ma grosse dépression pèse, c’est le cas de le dire, dans la balance.

Je suis heureux de retrouver cette douce sensation du vent sur mon visage, de voir le ruban de bitume défiler sous mes roues, de voyager en compagnie des odeurs et bruits de la nature environnante.

Deux heures plus tard nous débarquons au camping de Durban, accueillis par Mr Garca, le propriétaire.

- Ah voilà enfin mes deux cyclistes!!! Je suis Mr Garca, mais vous pouvez m’appeler Raymond.

- Bonjour Raymond, je m'appelle Clémence et voici Justin. Merci de nous avoir proposé une place.

- Pas de soucis, on arrive à la fin de la saison et je dois dire qu'elle a été plutôt bonne cette année, alors je pouvais bien faire un geste pour deux jeunes qui viennent découvrir notre belle région. Pour vos vélos, j’ai une petite remise pour les mettre à l'abri avec vos affaires importantes si vous voulez. Voici la clé, c’est juste à côté de votre emplacement.

- C’est très gentil de votre part, au moins on n’aura qu'à déballer le strict minimum pour ce soir.

- C’est la première fois que vous vous aventurez comme-ça?

- C’est si évident que ça?

- Un peu oui, mais je vois que vous êtes bien équipés quand même. Vous avez prévu d’aller jusqu’où?

- Si tout se passe bien jusqu’à Rennes-le-Château, on a quelques étapes et visites de prévus sur le chemin.

- Quel courage… Vous arrivez d'où comme ça?

- De Port la Nouvelle, mais nous vivons dans les Cévennes, près d’Alès.

- Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, vous devez avoir envie d’une bonne douche et d’un bon repas. Bon après-midi et bonnes visites les jeunes.

- Encore merci pour tout.

Quelques minutes après, nous plantons notre tente sur l’emplacement que nous avait réservé le propriétaire et déballons quelques affaires avant de filer prendre une douche salvatrice aux sanitaires.

- Putain que c’est bon!!!

- Hey Juss, reste tranquille!!!

- Quoi? Je suis juste heureux de notre début de journée, ça me manquait cette sensation de liberté, de voir le bitume qui défile sous mes roues, de sentir mes cuisses qui chauffent avec l'effort…

- C’est la douleur qui te fait kiffer?

- Ça me fait me sentir vivant… OUAIS!!! JE SUIS VIVANT!!!

- T’es vraiment un grand malade toi…

- OUAIS!!! GRAVE!!!

Une fois décrassés, nous enfermons nos vélos et notre matériel dans la petite remise qui borde notre emplacement, en cas d’orage ce soir ou cette nuit, nous pourrons même y déplacer notre tente et y dormir à l'abri, puis nous quittons le camping à pied en direction du centre du village surplombé par les ruines de son château Cathare.

Nous nous installons à la terrasse d’une pizzeria et partageons notre repas arrosé d’un verre de rosé bien frais. J’avais eu l’interdiction formelle de toucher à une seule goutte d’alcool depuis ma première tentative de suicide et j’ai respecté cette consigne à la lettre jusqu’à aujourd’hui, mais l’occasion est trop belle, j’ai droit à une semaine de vacances avec ma meilleure amie, après de longs mois de galère et de vide, alors j’ai envie d’en profiter.

Nous consacrons l'après-midi à la découverte du village et du château du onzième siècle, qui a été lié au mouvement Cathare. Les ruines en elles-mêmes ne présentent pas un véritable intérêt, sinon celui de garder une trace de l’histoire, mais la vue sur le village et les environs est jolie, permettant d’apercevoir les contreforts des Pyrénées. Imaginer que des gens ont vécu ici il y a plus de mille ans, dans des conditions de confort précaires, subissant le froid, l’humidité, les courants d’air, est plutôt émouvant pour moi.

Après cette visite et un détour par le camping pour nous changer et récupérer nos vélos, nous terminons notre journée à la piscine municipale pour une séance de détente. Nouspasson le début de la soiée en dégustant les salades achetées au petit supermarché du village assis par terre devant notre tente en rédigeant notre article. Quelques photos, prises en route, le récit de notre journée, de nos visites et de la rencontre avec notre hôte du jour, publicité gratuite pour lui et Clems se charge de partager le tout sur notre page.

Bonsoir à tous,

Fin de notre première journée de voyage pendant laquelle nous avons pu nous tester sur des routes plates. Une fois quitté Port la Nouvelle, grouillante de touristes, nous avons découvert des paysages magnifiques en longeant La Berre, comme le montrent nos photos. La petite rivière nous a accompagnés tout au long de notre itinéraire, nous apportant fraîcheur et ombre à chaque pause.

Ce soir, nous avons planté notre tente au camping municipal de Durbans, où Raymond, le gardien, nous a réservé un bel accueil et son meilleur emplacement. Nous avons pu découvrir le village cet après-midi, visiter le château et profiter d’un bon bain à la piscine municipale.

Ce soir première nuit sous la tente, le calme est présent et la température agréable pour passer une bonne nuit.

@ demain les Copaings!

C&J

- Juss, tu fais quoi là?

- Ben je mets à l’aise pour la nuit… Ça te gêne…

- Disons que… Enfin…

- Si ça te gène je me rhabille, c’est pas un souci…

- En fait non… C’est rien… Laisse tomber…

- Clems… S’il te plait… Je veux pas que tu sois mal à l'aise, ou gênée… Je peux comprendre…

- Merci… Je suis désolée… C’est juste que… Enfin… Depuis ma rupture avec Mathieu… Enfin depuis qu’il a…

- Je suis désolé, j’ai pas réfléchi… C’est que moi tu sais…

- Je te fais entièrement confiance, mais là… C’est un peu trop d’un coup… J’ai plus dormi avec un mec depuis, plus de câlins, plus rien, plus de mecs en fait… Juste toi… Laisse-moi juste un peu de temps…

- Hey… Y’a pas de soucis, je comprends… Puis on a nos sacs de couchage en plus…

- Ouais… En plus… Merci Justin…

J’avais vaguement entendu parler de cette histoire et je crois qu’il avait eu de la chance que je ne fût pas en état de m'occuper de lui à cette époque, mais il ne perdait rien pour attendre. J’ai laissé Clémence s’installer à mes côtés, nos duvets ne sont pas très épais, mais j’ai déjà bien chaud et sa présence, si proche, dans ces circonstances, n’est pas faite pour m’aider. Quoi qu’il en soit, je dois me calmer coûte que coûte, notre semaine de vacances promet d’être éprouvante, surtout sans entraînement et chaque minute de repos, de sommeil est importante.