Mardi 21 Août 2012

6 minutes de lecture

La fatigue de cette reprise inopinée d’une activité sportive m’a bien aidé à passer une très bonne nuit, malgré la chaleur et la présence de Clémence à mes côtés. Il est tout juste huit heures lorsque nous nous réveillons et je dois dire que la voir à mes côtés, au réveil, fait naître sur mon visage un immense sourire et le sien ne laisse pas de doutes sur son plaisir de le voir.

- Bonjour Soeurette.

- Salut Frérot, Bien dormi?

- Comme un bébé… Et toi?

- Ça peut aller… Un peu chaud, t’avais raison, mais ça va encore.

- Allez, vite une bonne douche, un bon petit déjeuner et on remballe…

- T’as raison, faut pas qu’on parte trop tard si on veut éviter la chaleur et prendre le temps de visiter… Et il faut qu’on trouve un endroit pour crécher ce soir, on a rien pour l’instant.

- On fera du porte à porte si besoin…

- Oui, ou on ira quand même demander au camping au pire…

Après avoir rangé tout notre matériel, remercié une dernière fois Raymond pour le petit déjeuner gargantuesque qu’il nous offre, nous avons pris la route en direction de Tuchan avec une halte quelques kilomètres avant, pour la visite du Château d’Aguilar. Une petite étape mais avec les premiers passages sur des chemins et la montée jusqu’au château, c’est un nouveau test avant d’entrer véritablement dans le vif du sujet les jours suivants.

Jusqu’à Villeneuve-lès-Corbières, la route parcourt encore la plaine, mais une fois sortis du bourg, nous entamons la traversée du massif des Corbières, contrefort de la chaîne des Pyrénées et nous serpentons entre les monts et les pechs. Comme la veille nous faisons des pauses régulières pour quelques prises de vue et après une heure de route sans presque aucun relief, nous entamons la première portion de chemin en terre. Nous pouvons maintenant apercevoir notre objectif du jour, trônant sur son piton rocheux, tandis que la piste chemine au milieu des vignes et commence à s'élever sérieusement, mettant à rude épreuve nos cuisses.

Sur le plat, une fois lancés, le poids de nos vélos était presque un avantage, tandis que dans les côtes, avec près de trente kilos de matériel chacun, l’effort est vraiment difficile.

Arrivés au parking, nous laissons nos montures près du chalet d’accueil, sous la surveillance de l'hôtesse, et terminons l'ascension à pied.

Aujourd’hui nous avons pénétré sur les terres du prestigieux vignoble du Haut-Fitou et le panorama que nous avons depuis le château, qui domine ce domaine viticole depuis son tertre rocheux, le Rocher aux Aigles, est superbe, des hectares de vignes à perte de vue, les Pyrénées au loin, le village de Tuchan. Une nouvelle fois, je fais preuve d’imagination pour voir le château tel qu’il aurait pu être au XIIIe siècle, les murailles entières, les tours armées, le donjon et la vie.

Je profite de chaque point de vue dégagé pour me plonger dans une sorte de méditation, embrassant du regard la plaine que nous dominons, m’isolant soudainement de toute interaction extérieure pour quelques secondes.

Bien sûr dans ces moments, c’est surtout Caro qui occupe mes pensées, en alternance avec les images de la vie qui occupait ces lieux. Je me dis secrètement qu’elle aurait adoré découvrir ces sites, cette région, ces villages et que moi aussi j’aurais aimé les découvrir à ses côtés. Pourtant, je ne ressens plus de tristesse à ce moment précis, juste l’espoir de la retrouver, un jour, et de reprendre, pourquoi pas, notre histoire où nous l’avons laissée.

- Justin? Ça va?

- Ben ouais… Pourquoi ça irait pas?

- Je sais pas, t’as l’air perdu, ailleurs.

- Ouais, j’étais en train de me dire que Caro aurait adoré faire ce voyage avec nous… Et moi aussi… Vous avoir toutes les deux, près de moi…

- Je suis là moi déjà, c’est pas mal… Mais je te comprends, j’aurais vraiment aimé la connaître un peu mieux, partager plus de choses avec elle…

- C’est beaucoup plus que pas mal… Et pourtant, même si elle me manque parfois, même si j'aimerais qu’elle soit là, je suis pas triste, ni en colère, c’est fini tout ça… Grâce à toi…

- Merci, c’est bon signe… Allez mon p’tit poulet, on se remue le croupion, j’ai la dalle…

- Moi aussi… On a des compotes dans les sacoches, si t’as besoin.

- C’est bon, il nous reste que quelques kilomètres de descente. Une fois au village je checkerais nos messages, voir si on a un logement pour ce soir ou s’il faut qu’on fasse la manche…

Nous avalons les trois derniers kilomètres du jour à toute vitesse, en faisant la course, pour nous installer à la terrasse d’un petit snack au cœur de Tuchan, près du fort, puis, à défaut de logement, nous nous rendons à la mairie pour plaider notre cause.

- Mademoiselle, monsieur, en quoi puis-je vous aider?

- Bonjour, nous sommes deux cyclistes et nous découvrons votre région, notre budget est assez limité alors nous cherchons un logement ou un emplacement pour planter notre tente ce soir. Nous avons lancé un appel sur les réseaux sociaux, sur la page du village mais malheureusement nous n’avons reçu aucune réponse.

- Vous avez contacté les campings?

- Oui, bien sûr mais, l’un était totalement complet et l’autre n’avait plus d’emplacement pour notre tente et ne nous proposait qu’un mobil home à un tarif beaucoup trop élevé pour nous.

- Évidemment… Écoutez, je vais voir ce que je peux faire pour vous. J’ai même une petite idée au cas où.

- Merci beaucoup Madame. On va aller profiter de la piscine en attendant, je vous laisse mon numéro de téléphone, n’hésitez pas à nous tenir au courant dès que vous avez trouvé quelque chose.

- Pas de soucis, je passe quelques coups de fil, et je vous tiens au courant. Profitez de votre après-midi, ne vous inquiétez de rien, j’appelle à la piscine, vous n’aurez qu'à vous présenter…

- Merci beaucoup.

Après une visite du centre du village pour découvrir l’ancienne enceinte fortifiée, l’église et acheter quelques provisions à la supérette, nous enfourchons nos vélos et gagnons la piscine pour nous détendre.

Je profite d’un moment, allongé à l'ombre sur ma serviette, pour fixer mon attention sur ma relation avec Clémence. Il ne fait aucun doute que cette relation est spéciale, très spéciale. Après ce que j’ai vécu, après ce que je lui ai fait subir, là où beaucoup auraient coupé les ponts, elle est restée, je dirai même que nous sommes encore plus proches qu’avant, si c’est encore possible et ce voyage ne fait qu’exacerber ce sentiment en moi. Puis il y a ce petit battement de cœur supplémentaire qui m’anime quand elle est près de moi, quand elle me prend dans ses bras, ou simplement qu’elle me touche, je n’arrive pas bien à déchiffrer sa signification, mais pour moi ce n’est pas anodin, pas innocent.

Lorsque je la vois sortir de l’eau, et s'avancer vers moi, je ne peux détacher mon regard d’elle. Quand nous nous sommes connus, elle n’était qu’une jeune adolescente, enchevêtrée dans les bouleversement physiques de cet âge, quand à moi, mes hormones n’en étaient qu'à leurs balbutiements et contrairement à certains, la seule relation que j'envisageais avec une fille, à cette époque, était sentimentale.

Mais aujourd’hui, trois ans plus tard, en prenant le temps de la regarder, je me rends bien compte que cette jeune fille est devenue une femme, une belle jeune femme, magnifique même, ses cheveux ont toujours cet éclat doré sous les rayons du soleil, ses yeux verts ont toujours la même étincelle qui pétille et son visage, plus fin qu’à l’époque, affiche toujours le meme sourire franc et joyeux et une certaine maturité déjà. Sa poitrine n'a rien à envier à d'autres, son ventre musclé, ses jambes sculptées et ses fesses rebondies peuvent s’afficher sans honte, magnifiquement aidée par les heures de sport. Quant à moi, le spectacle offert ne me laisse pas de marbre et je mesure la chance que j’ai de l’avoir à mes côtés depuis tout ce temps.

- Tu mattes quoi là?

- Toi…

- T’as pas honte de regarder ta propre sœur comme ça?

- Pas du tout… Disons que je me rends compte qu'à te voir trop souvent, j’en avais oublié de te regarder vraiment et je me demande comment je fais pour résister à la tentation en fait…

- Justin!!! Merci du compliment mais…

- Oui… Je sais… Je comprends… Mais j’avais besoin de te le dire…

- Ouais… Par contre, toi, faudrait vraiment te remplumer… Tu ferais presque pitié… Regarde, on voit tes côtes là… Je les avais jamais vues avant… C’est moche… J’aimais bien, moi, venir poser ma tête sur ton ventre, quand c’était un peu rembourré…

- Clem… Évite de parler de cette époque, je t’en prie… C’est pas le moment…

- Juss… Si on est là tous les deux, après toutes ces années, c’est parce que quelque part, il reste une petite flamme qui continue à brûler, t’es plus sensible que moi à ça, mais moi aussi je la sens parfois…

- Merci…

- Non! Te mets pas à chialer… Je t’en supplie…

- Désolé…

Annotations

Vous aimez lire L-Boy ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0